Perfume Genius vs Jeffrey Lewis

Mercredi, pendant que Mike Hadreas plombait la Rotonde, Jeffrey Lewis faisait rire et taper du pied les Ateliers Claus… Promenade nocturne.

Aux Nuits Botanique, on aimerait parfois avoir le don d’ubiquité. Comme dimanche où on irait bien voir ce que deviennent les incroyables paraplégiques du Staff Benda Bilili, qui est vraiment l’ancien SDF Willis Earl Beal et ce que valent sur scène les Californiens d’Electric Guest produits par Danger Mouse. La concurrence ne fait pas rage qu’entre les salles du Bota. Ce soir, pendant que Baxter Dury investira l’Orangerie, Ebo Taylor, pionnier de l’Afro Beat jouera au Bar du Matin. Quant à hier, on avait surtout une furieuse envie de se promener de la Rotonde aux Ateliers Claus toujours planqués dans un tunnel sous les lignes ferroviaires du côté de la gare du Nord. De verser une larme en écoutant les complaintes de Perfume Genius au Botanique et en même temps, un peu schizophrène, d’aller se poiler avec Jeffrey Lewis et son Junkyard dans l’un des endroits les plus recommandables de Bruxelles.

On est sorti un peu déçu du concert plus qu’honorable de Mike Hadreas. Petit frère de Chris Garneau et Antony Hegarty flanqué pour l’occasion de deux musiciens. L’un au clavier, l’autre se partageant entre la batterie et la guitare. C’est que si on adore son deuxième album Put Your Back N 2 It, Perfume Genius n’est jamais aussi touchant que dans le dépouillement. Aussi à fleur de peau que quand sa musique repose sur sa voix, magique, et un simple piano. Quitte à en jouer à deux, côte à côte avec son petit ami.

Aux Ateliers donc, l’ambiance était plus joyeuse. Et ce dès l’apparition en début de soirée de Seth Faergolzia. Figure méconnue par ici de l’underground new-yorkais, pote de Regina Spektor, Kimya Dawson et Herman Düne, Seth est le gourou de Dufus. Groupe néo hippie qui a profondément marqué la scène anti-folk. Et pour l’instant, Seth, il tourne en solo. Défend son nouvel album Tin Wood Soldier. Crée des atmosphères électroniques avec des gloussements. Joue de la gratte acoustique en mode troubadour tout en activant du pied sa grosse caisse. Et se lance à l’occasion dans un slam/rap inattendu. A croire que les Two Gallants transformés en one man band ont signé chez Warp et prennent autant de drogues que Gonjasufi… « Si quelqu’un va à Charleroi demain matin ou a juste envie de m’y conduire, je dois être vers 7h30 à l’aéroport », lance le bonhomme, pour la première fois en Belgique alors qu’il est actif dans le circuit depuis quinze ans. En plein milieu d’une chanson, le barbu se fait verser de l’eau dans la bouche par son ami Jeffrey Lewis et gargarise quelques sons. Fameux numéro.

En attendant, le numéro 1 de la soirée, c’est évidemment Jeffrey dont on conserve toujours le dernier album A Turn in the Dream-Songs à portée de main. Fils spirituel de Jonathan Richman et meilleur parolier en activité aux États-Unis selon Jarvis Cocker, le New-Yorkais, flanqué de trois musicos, en propose un florilège. Reprend Space Ducks, conçu pour servir de bande son à la BD de Daniel Johnston du même nom. Et interprète une des chansons illustrées qu’il a lui-même créées pour une chaine d’histoire tout en faisant défiler ses dessins. Tournant comme d’hab les pages à la main. C’est folk, rock, punk, brut, bancal, approximatif et en fait d’une justesse rare. Celle d’un mec qui fait ses trucs avec artisanat et sincérité depuis quinze piges. D’un type lo-fi do it yourself dont la voix parlée chantée de canard résonne comme celle d’un vieil ami. Le concert est pas fini. Juste l’occasion d’acheter quelques Fuff (ses comics) et de filer choper le dernier train un sourire jusqu’aux oreilles. Jeffrey Lewis ne perd jamais.

Julien Broquet

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