Critique

Spring Breakers

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

TRIP | Sur les pas de quatre filles embarquées dans un spring break floridien déjanté, Harmony Korine offre une virée flashy en prise sur la vacuité et le néant.

TRIP DE HARMONY KORINE. AVEC VANESSA HUDGENS, SELENA GOMEZ, JAMES FRANCO. 1H32. SORTIE: 20/03. ***

En quinze ans et une poignée de films, Harmony Korine (lire son interview dans le Focus du 15 mars) a su imposer une voix discordante dans le concert du cinéma américain, signant une oeuvre aussi profondément originale qu’objectivement barrée; suffisamment dérangeante, aussi, pour ne laisser personne indifférent et générer des appréciations divergentes, louvoyant, pour faire court, entre génie et fumiste. Si Spring Breakers, son cinquième long métrage, renverra vraisemblablement amateurs et contempteurs dos à dos, le film n’en traduit pas moins une évolution sensible dans l’oeuvre de l’auteur de Gummo et autre Julien Donkey-Boy, apparaissant tout à la fois comme son opus le plus accessible et, surtout, le plus abouti.

Bikini Girls with Machine Guns

Le réalisateur s’y empare d’un phénomène typiquement américain, le « spring break », qui voit des adolescent(e)s larguer les amarres le temps d’une semaine printanière de tous les excès. Posant le contexte dans un ralenti languissant, les premiers plans du film sont ainsi proprement hallucinants, comme la célébration débridée de quelque rituel en forme d’orgie consumériste -sexe, drogue et alcool au même menu. Korine n’entend pas pour autant décortiquer le fait de société, avec ce qu’il présente d’intrinsèquement hypocrite. Ce qui l’intéresse, c’est de s’immiscer dans l’horizon fantasmatique que celui-ci fait scintiller. Et d’emboîter le pas à quatre jeunes filles fauchées et sexy qui, après avoir braqué un fast-food, vont pouvoir assouvir leur rêve de virée floridienne. Un programme festif que viendra compromettre, en pleines agapes, leur arrestation par la police du cru, mais relancer aussitôt le paiement inattendu de leur caution par Alien (James Franco, ébouriffant), malfrat local tenant d’un bling-bling débridé, au croisement du white trash et du gangsta rap. Lequel les entraînera dans une fuite en avant toujours plus déjantée et sanglante au gré d’une relation par ailleurs mouvante. Bikini Girls with Machine Guns auraient mitraillé les Cramps, à quoi le soundtrack préfère cependant détourner Britney Spears, épisode d’ailleurs hilarant parmi d’autres coups d’éclat.

Spring Breakers est assurément une expérience de cinéma peu banale, qui explose en tons flashy de circonstance pour retracer, à l’abri de toute esquisse de jugement moral, l’équipée sauvage de ces quatre adolescentes descendues sous les spots floridiens. Impeccablement soutenue par la photographie de Benoît Debie (chef-opérateur régulier de Fabrice Du Welz et de Gaspar Noé), la mise en scène de Harmony Korine tient du trip lysergique fascinant, comme en écho au mirage n’en finissant plus d’aspirer les héroïnes du film. Que deux d’entre elles soient incarnées par des icônes estampillées Disney Channel, Vanessa Hudgens et Selena Gomez, ne fait qu’ajouter au côté grinçant de l’affaire (à quoi l’on peut ajouter un soupçon de roublardise du réalisateur): c’est aussi un voyage férocement amer au coeur d’un rêve américain revisité en mode superficiel toutes que propose Korine. Entreprise conduite avec un jusqu’au-boutisme sidérant, venu donner à cette démonstration de vacuité une saveur particulièrement acide.

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