Le Bozar Electronic Arts Festival vu par deux lecteurs

© Camille Blake
FocusVif.be Rédaction en ligne

Cette année, on remettait ça: à l’occasion du festival électro du Bozar, Focus laissait la voie libre à ses lecteurs via un concours. Retrouvez le compte rendu et les photos de Will Martin et Camille Blake.

Avec un line-up étalé sur trois jours reprenant The Haxan Cloak, Raime, Forest Swords, Silver Apples, un large éventail de talents belges, et une collaboration audiovisuelle entre Demdike Stare, Andy Votel et le prodige du jazz/électronique suisse Bruno Sporelli, la transition de la programmation house & techno du Brussels Electronic Festival au line-up pluridisciplinaire du Bozar Electronic Arts Festival a été largement appréciée.

Comme pour les précédents événements électroniques du Bozar, le festival s’est déroulé dans tout le Palais des Beaux-Arts, les têtes d’affiche se produisant dans la salle Henri Le Boeuf. L’acoustique de la salle remarquablement améliorée, notamment lors des passages introductifs de l’ouverture du festival -une prestation très attendue de Ben Frost et le morceau Music for Solaris de Daniel Bjarnason- a laissé une audience bouche bée. Même si la prestation a faibli en intensité sur la longueur, elle n’en est pas moins demeuré une introduction idéale au festival -une introduction on ne peut plus en marge avec la projection des visuels de Brian Eno mettant en scène des tableaux d’origines flamandes de Bruegel.

Le duo audiovisuel belge Sendai (Peter Van Hoesen et Yves de Mey) s’est également produit dans la salle Henri Le Boeuf. Il semblerait que Van Hoesen ait donné une seconde vie la musique électronique belge, à la fois grâce à son travail en tant que producteur et DJ, ainsi qu’à travers son label Time to Express. Son approche sombre et intransigeante de la techno poursuit les avancements de l’expérimentation électronique belge, comme l’ont fait Front 242 et The Neon Judgment, pionniers du mouvement EBM. À bien des égards, il a, à lui seul, ressuscité un intérêt mondial pour la production de musique électronique à Bruxelles. Sa musique prend et ne laisse pas de répit, comme dans ces moments où sa signature vient briser les instants de quiétude du set de Sendai, mais aussi par l’ampleur de son set de fermeture samedi soir.

Plus loin dans le bâtiment, le Terarken Hall avait une allure d’une boite de nuit. L’espace gigantesque entouré de murs blancs laisse place à une certaine liberté esthétique comme sur toile encore vierge. Le mapping visuel produit par le duo de VJ féminin Orchid Bite se perdait parfois dans l’ampleur de la salle mais transparaissaient par intermittence, notamment lors du set de Time Wharp.

Hype Williams étaient eux aussi un des moment fort du festival; leur performance live, typiquement imprévisible, a vu Dean Blunt s’asseoir sur une énorme moto noire au devant de la scène, vêtu de son masque de prothèse en latex, se déplaçant tout au long de la performance. Inga Copeland, à l’arrière de la scène, n’était pas sur une moto (apparemment en raison de l’incapacité des organisateur de trouver deux BMW noires identiques), et disparaissait à la fois de la vue et de l’ouïe dans une ambiance de mutations de basses sonores, d’intense éclats de lumière, et de samples dub trippés. Lorsque l’éclairage s’est arrêté de clignoter, une projection de lumière divisa la salle en deux, moitié rouge, moitié bleu. En se plaçant parfaitement au milieu, face à la scène, cette lumière donnait l’impression de voir ce spectacle à travers des lunettes 3D -une astuce potentiellement impressionnante si la deuxième moto avait fait partie du spectacle: la symétrie de couleur donnant l’impression que Copeland et Blunt s’apprêtent à conduire droit dans le public, le tout sur leur morceau de Kelly Price W8 Gain Vol II, Rise Up.

La récente signature de Tri Angle Record, Howse, a également démontré la puissance d’un accompagnement visuel -des clips du classique improbable de Werner Herzog datant de 1970, Even Dwarfs Started Small– un film entièrement tourné sur l’île de Lanzarote dans lequel un groupe de nains se révolte contre d’autres nains. L’imagerie abstraite des nains se ravageant sur l’île tiennent lieu d’accompagnement parfait pour l’obscurité des astuces sonores de Howse, en particulier avec la scène emblématique de la voiture tournant sur elle-même, agissant comme image idéale pour fermer un set live qui était composé de moments poignantes de chaos, de beauté, et d’auto-contemplation.

À défaut de productions musicales dans le hall Horta lors des évènements Bozar Electronic précédents, c’est l’installation audio-visuelle colossale de l’artiste japonais Ryoichi Kurokawa, rheo: 5 horizons, qui a été abritée durant le week-end du BEAF. L’agencement de son et d’images sous formes de diagrammes crée une sculpture sur un cycle de huit minutes. L’installation Eyjafjallajokull du membre de Anti-VJ, Joanie Lemercier, un projet de mapping audio-visuel inspiré par le volcan islandais qui a semé le chaos à travers l’Europe en 2010, était exposée dans une pièce voisine. Les sens des spectateurs ont été défiés par cette installation, par le biais d’illusions d’optiques questionnant la perception de l’espace. Eyjafjallojokull, qui était un ajout au programme initial, demeurera finalement l’une des plus mémorables du festival. Sont également venu s’ajouter à la programmation musicale, des activités sous forme de manifestations d’impression 3D, présentations du contrôleur MIDI pour iPad nouvellement mis au point par le label belge Vlek Records, ainsi que des essais gratuits de Beat Bang et Archipel, deux applications impressionnantes développé par la Médiathèque de la Communauté française belge, qui présente une documentation de l’histoire de la musique électronique et expérimentale.

Il est difficile d’évaluer l’ambition globale de l’équipe du BEAF, compte tenu de la scène belge particulièrement petite, la taille du lieu, et l’âge du festival. Même si certains artistes ont été assignés à jouer dans le Terarken Hall tandis que le Studio ou le Hall M, deux salles assises plus petites et plus intimes, auraient été plus adaptés, le résultat final du festival est néanmoins respectable. Il y avait clairement un désir de la part de la foule pour se trémousser, notamment lors du set de Gold Panda, The Field, Nguzunguzu et lors du set live sans précédent d’Andy Stott -la forte participation à la plupart des concerts a prouvé que ce programme à multifacettes fût une réussite. Pour un festival qui a tenté de renaître à plusieurs occasions ces dernières années, on peut espérer qu’après le succès de l’édition 2012, le Bozar Electronic Arts Festval continuera de briller.

Texte: Will Martin (traduction: Virginie Van de Casteele) / Photos: Camille Blake

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