Francofolies de Spa 2011: Jacques Duvall, Louis Bertignac, Cali et Hooverphonic

Louis Bertignac, ici aux Francofolies de Spa en 2011. © Frédéric Pauwels

Bertignac fait du moderne avec du vieux, Cali tire des cheveux et Duvall rend hommage aux filles qui doivent supporter des types sous Xanax. Le troisième jour des Francos.

Nous sommes des animaux grégaires. C’est ce que je me disais en retournant sur les lieux du bout du Parc, là où Joy et Keren-Ann sévissaient 24 heures auparavant. Pas vite effrayé par un shot massif de cholestérol, on reprend donc la même saucisse « de campagne » au même endroit, juste en version plus chaude. En attendant, Jacques Duvall fait son sound-check au Dôme conformément au principe des festivals: la balance s’opère en public, juste avant le concert, ce qui revient un peu à changer de sous-vêtement en pleine rue. Bizarre mais Duvall n’en a cure: il profite du moment, visiblement équipé par le même chapelier que les six musiciens accompagnateurs. Miam, le patron de Freaksville, est en scène, comme sa compagne Sophie Galet, déboulant en veuve pas du tout éplorée, choriste et chanteuse lead à l’occasion. Voilà un merveilleux accident: celui d’un mec longtemps cantonné à des textes pour autrui (et plus fameusement le Banana split de Lio) et qui s’est finalement souvenu avoir sorti un album solo en 1983. Depuis quatre-cinq ans, converti par Miam, JD découvre à la scène, poison vénéneux qui de toute évidence, n’a pas fini de l’enivrer. Maigre et élégant, sorti d’un western qui n’existe pas, il livre son curieux fiel misanthrope avec un humour qui s’adresse, e.a., « à toutes les filles qui doivent supporter des types sous Xanax« . Même si le cadre n’est pas idéal -des gens assis sur de mauvaises chaises de jardin- Jacques & C° emballent leur mauvaise foi sous des gratouillis rhythm’n’blues, countryisant, livrant le tube lionesque (Banana Split) en grumeleux ralenti, Jacques se levant pour interpréter « Je suis un insecte« .

On reste sur ce bonheur pour apprentis-entomologistes en déambulant dans les allées du Parc, découvrant ce que l’on sait déjà: aux Francos, pas de fouille à l’entrée, on peut donc apporter son propre bar, généralement une gourde voire un jerricane (?) où le jus partage son espace vital avec vodka, gin ou autre combustible tueur de sobriété. Ainsi, à 19h28, alors qu’on respire un mélange de choucroute et de mojito -plaignez-nous un instant- une femme-chien de la police passe, deux enfants montent sur les vieux pylônes du marché couvert au centre du parc et un quadra, armé d’une fiole de gnôle orangée, se dandine sur Bertignac. Grosse foule pour l’ex-Téléphone armé d’un dernier album fait « pour jouer live » baptisé Grizzly. Bizarre choc spatio-rock puisque Louis B, s’inspirant des Stones quand il était aux côtés de Jean-Louis Aubert & C°, s’attelle désormais à dépiauter le mini-mythe du power-trio héroïque fin sixties/début seventies avec l’une ou l’autre reprise sentimentale (Cendrillon, Ces idées-là), le Won’t Get Fooled Again des Who et le Whola Lotta Love du Zeppelin. Avec une musique volontairement (?) datée, le Bertignac 2011 parvient à moderniser le parc de couleurs inédites, y compris chez des gamin(e)s de seize ans. Si quelqu’un y comprend quelque chose, merci d’écrire au journal. Avant la saignée de Louis, on cause quelques minutes à Cali, le Ferré des temps modernes qu’on voyait ici-même sous le déluge complet il y a trois ans et qui taquinera la grande scène de Place de l’Hôtel de Ville ce vendredi soir : « J’adore les éléments qui se déchaînent, Et j’adore aussi sauter dans la foule, je me suis déjà claqué les deux mollets, cassé le ménisque, les côtes ! Mais en retour, j’ai déjà tiré les cheveux, donné des coups de pied…« . Calinuméro celui-là.

Avant Cali, sur la scène principale des Francos, on chope un bout d’Hooverphonic et le dernier souffle d’AaRON. Le duo français élargi en groupe termine son set à deux, guitare acoustique et voix rayée sur les facades de la Place de l’Hôtel de Ville. Ce qui, mine de rien, préface le prochain périple, calé début 2012 : les auteurs de Lili pourront y démontrer que la mélancolie, c’est deux fois rien, un bout de larynx et quelques cordes de nylon pour gratter les émotions. Avant cela, Hooverphonic a fait son Hooverphonic sur la même place, toujours chaudement attendu par le public wallon. Avec la nouvelle et jeune chanteuse Noémie Wolfs, parfaitement à l’aise dans une robe joliment retro. Le plus intéressant arrive quand le groupe d’Alex Callier quitte sa routine de musique cinématographique loungisante pour une sorte de pop-soul plus gutturale, ce qui nous fait d’emblée passer du monde assez prévisible des notes d’ascenseur au frotti-popotin des clubs suintants…On quitte la place avec la ferme intention d’aller voir Miss Kittin qu’on n’atteindra jamais, choisissant plutôt de partager un bolo avec Jacques Duvall qui a cette phrase typique d' »expert du désespoir« : « J’adorais quand les gens se levaient de mon concert pour partir. Mais j’aimais voir qu’un peu gênés, ils attendent la fin d’un morceau« .

Philippe Cornet

PS: mille excuses agenouillées à Keren-Ann que nous accusions hier d’avoir interdit aux photographes de travailler. En fait, elle avait autorisé les images, non pas en début de show -comme à l’habitude- mais en fin de partie pour ne pas clasher avec le concert de Calogero planifié dans des horaires similaires Place de l’Hôtel de Ville. Ce qui est fort aimable de sa part.

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