Critique | Livres

La BD de la semaine: Moi, BouzarD

© Fluide Glacial
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

HUMOUR | Guillaume Bouzard se marre et raconte sa vraie fausse vie d’auteur. Du déjà-vu, mais rarement aussi drôle.

La BD de la semaine: Moi, BouzarD

Ce n’est pas la première fois que le Français Guillaume Bouzard se met en scène dans ses bandes dessinées. Au contraire, c’est presque la règle: depuis The Autobiography of Me Too (trois tomes chez les Requins Marteaux), en passant par The Autobiography of a Mitroll (deux tomes chez Dargaud) et même par ses chroniques autour du foot dans So Foot (deux albums, aussi chez Dargaud), Bouzard dessine surtout Bouzard, et passe ses planches à se regarder le nombril. Sauf que: comme dans l’un des récits courts qui forment le contenu de ce Moi, BD, ou Moi, Bouzard, lorsqu’il se regarde, littéralement, le nombril, Bouzard l’engueule –« Regarde ça! T’es content? T’as bien mangé cet hiver? Gros sac! T’es vraiment qu’un bon à rien! » Et nous offre donc une nouvelle ration de poilade, ancrée dans sa réalité de dessinateur procrastinateur, fantaisiste et décalé. Mais pas seulement.

Pas que drôle

L’angoisse de la page blanche, la gestion des retards, la quête de l’inspiration, les foires aux dédicaces, l’envoi de ses originaux, les réunions de rédaction, les sorties décevantes, les remises en question… Le quotidien de Guillaume Bouzard ressemble probablement à celui de tout auteur de BD. Il en tire l’essence et l’essentiel des récits courts parus dans Fluide Glacial, et regroupés ici en un album tout à sa gloire, ou plutôt à son hilarante auto-flagellation: à le lire, Bouzard est le plus foutard des auteurs, incapable de remettre ses planches à l’heure et multipliant les pauses, ce qui, dans le jargon signifie « taper dans les réserves ». Bouzard en profite donc pour partir en sucette, et raconter à peu près n’importe quoi: son goût immodéré pour le pâté rose bien rose, son premier job à la poste, ses expériences scientifiques sur les cerveaux de poule ou son projet de roman graphique, basé sur l’immersion dans la peau d’un cochon. N’importe quoi, mais pas n’importe comment: on dit partout et à raison que Bouzard est l’un des auteurs « indés » les plus drôles de sa génération; on souligne plus rarement à quel point il est aussi l’un des plus talentueux, dans le dessin comme dans le texte. Son graphisme, faussement lâché voire fainéant, recèle des trésors d’expressionnisme et de drôlerie, qui se combine parfaitement avec son goût du texte et de la bonne phrase. C’est cette alchimie, fondement de l’art de la bande dessinée, qui fait tout le sel des siennes, depuis toujours dédiées à la grosse rigolade. On attendra peut-être un prochain récit long plutôt qu’une telle compilation forcément inégale pour crier au génie. Mais on n’attendra pas longtemps.

  • DE GUILLAUME BOUZARD, ÉDITIONS FLUIDE GLACIAL, 64 PAGES.

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