La Doppia Ora, crime d’amour

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Désir et convoitise ne font pas souvent bon ménage. Un film italien fort bien dans son genre en apporte une nouvelle preuve, sur un mode captivant: La Doppia Ora.

Le cinéma italien n’en finit plus de nous donner du plaisir. Après l’intense chronique d’un adultère par Silvio Soldini dans Cosa voglio di più (encore à l’affiche) et avant ce pur joyau de lyrisme qu’est Io sono l’amore de Luca Guadagnino, voici qu’un film de genre, un thriller, vient lui aussi nous combler. On pourrait qualifier d’hitchcockien ce suspense captivant où l’amour et le crime jouent à qui perd gagne (ou du moins croit gagner…). Pour justifiée qu’elle est, au regard de la mécanique terrible enclenchée par le très fin scénario, cette comparaison limiterait l’amplitude d’une oeuvre assumant certes, et non sans brio, sa vocation de polar imparable, mais traçant aussi et peut-être surtout des portraits saisissants de justesse, peints sur la toile émouvante de l’Italie des petites gens, survivant loin des faux-semblants du mirage berlusconien. La Doppia Ora naît aux confins de deux traditions éminemment transalpines: celle du giallo (dans sa version la plus sobre) et celle du néoréalisme (à son plus contemporain). Un mélange capiteux, source d’émotions durables et profondes.

Tout commence par la rencontre de deux coeurs solitaires. Sonia, émigrée de l’Est, travaille comme femme de chambre dans un hôtel. Guido, anciennement policier, a un job de gardien dans une riche propriété. C’est à une soirée de « speed dating » qu’ils font connaissance. Un premier contact bref mais suffisant pour déclencher un intérêt mutuel. Elle se risquait là pour la première fois, lui est un habitué. Mais pour l’un comme pour l’autre, rien ne sera plus comme avant. Peu à peu, ces deux-là s’apprivoisent, s’avouent des sentiments tendres et brûlants. L’amour est là, le désir monte, l’hypothèse du bonheur n’est plus aussi lointaine. Mais quand Guido invitera Sonia sur son lieu de travail, le drame éclatera. Des malfrats les attaquent, les neutralisent et volent tout ce qui peut avoir une grande valeur dans la vaste maisonnée pleine d’oeuvres d’art. Entravés, Sonia et Guido assistent, impuissants, au cambriolage. En ont-ils trop vu? Toujours est-il qu’un coup de feu claque…

Miroir aux alouettes

Nous ne révélerons rien ici de ce qui se passe ensuite. Ce serait enlever le plaisir certes ambigu, vénéneux même, des révélations dont se nourrit le script. Sachez toutefois qu’il en va du récit de La Doppia Ora comme de ces mystères qui vont s’épaississant à mesure que des éléments en sont révélés. Et que si la culture du polar veut que tout puisse être élucidé, celle du film noir accepte que certaines énigmes humaines n’offrent aucune solution autre que complexe, trouble, voire perturbante. Dans la voie du crime, l’amour peut garder ses droits, que le film de Giuseppe Capotondi décline en effets de miroir et fascinants vertiges. Avec aussi une inscription profondément mélancolique dans une réalité qu’incarnent avec force deux interprètes de choix: Kseniya Rappoport (révélée dans La Sconosciuta de Tornatore) et Filippo Timi (le Mussolini du Vincere de Bellocchio).

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La Doppia Ora, de Giuseppe Capotondi, avec Kseniya Rappoport, Filippo Timi, Giorgio Colangeli. 1h35.

Louis Danvers

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