Critique | Musique

Avec Ultraviolence, Lana Del Rey n’évite pas la caricature

Lana Del Rey - détail de la cover de Ultraviolence © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

POP | Avec Ultraviolence, Lana Del Rey parfait son personnage rétro de femme fatale à la Veronica Lake. En n’évitant pas la pose, voire la caricature…

Rarement un buzz aura été suivi aussi rapidement de son retour de flamme. En 2011, la vidéo de Video Games semblait débarquer de nulle part. Son auteure, Lana Del Rey, était encore elle-même une parfaite inconnue. La lippe charnue, le regard fatigué et désabusé, elle y traînait une dégaine d’héroïne hollywoodienne boudeuse, personnage féminin à la James Ellroy, condamnée aux histoires d’amour certes foireuses, mais en cinémascope. La musique elle-même était d’une noirceur assez majestueuse, tout en cordes dramatiques et roulements de tambours « spectoriens », tranchant avec la production pop hyperkinétique du moment. Un vrai coup de génie.

Lana Del Rey, née Liz Grant (1986, New York), n’aura cependant pas eu vraiment le temps d’en profiter. Très rapidement, les premiers sceptiques donnent de la voix. Ils découvrent que la jeune femme a déjà sorti un premier disque –Lana Del Ray, passé inaperçu- et a signé chez une major (Interscope). Il n’en faut pas plus pour que certains dénoncent la fraude. Il faut dire que Del Rey tendra volontiers le bâton pour se faire battre. En janvier 2012, elle chante deux titres sur le plateau du Saturday Night Live. Sabotage volontaire ou plantage majeur, le passage télé est en tout cas catastrophique. Célébrée quelques semaines auparavant par les bloggeurs, la diva est désormais moquée sur la Toile, jusqu’à Hitler himself (« Je savais que cette garce était une imposture! », vocifère Bruno Ganz, dans la parodie de Der Untergang). Quelques jours plus tard, Born To Die sort enfin. Malgré le backlash, l’album trouve son public -il se vendra à plus de 7 millions d’exemplaires. A défaut d’un grand disque, il aura au moins permis la naissance d’une nouvelle pop star, atypique…

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Drama queen

Deux ans plus tard, le nouveau Ultraviolence peaufine le personnage. Produit cette fois par Dan Auerbach (Black Keys), le disque laisse tomber les plans « urbains », hip hop, de Born To Die, qui brouillaient le message. Les morceaux sont ici lents et traînants comme une journée moite à la Nouvelle Orléans, sombres comme une chapelle gothique. Plus que jamais, Del Rey se plaît à y incarner la vamp hollywoodienne paumée. Une sorte de Marilyn Monroe version coulisses (Pretty When You cry), figure vaguement lynchienne (un pléonasme?), à la fois vaporeuse et ultra maniérée.

A cet égard, Ultraviolence ne résout pas la question de départ -jusqu’à quel point Lana Del Rey est-elle « fabriquée »?: il la rend simplement caduque. Il rappelle surtout qu’elle n’a pas beaucoup d’intérêt. Plus encore que tout autre art, la pop music carbure à la mystification, où l’important n’est pas tant l’authenticité que la crédibilité. Plus en accord avec l’aura rock et le côté drama queen désenchantée de Del Rey, Ultraviolence a le mérite de la cohérence. Quelque part, il est même l’album que l’on attendait après Video Games. Mais du coup, il n’est jamais très loin non plus de la caricature. A quelques exceptions près (Old Money), la chanteuse minaude et surjoue tout le long (« I’m a sad girl/I’m a bad girl » sur Sad Girl). Certes, on devine bien ici et là du second degré (Brooklyn Baby). Mais sans que Lana Del Rey ne réussisse à dégoupiller ce qui ressemble vite à un empilement de références et de poses.

  • Distribué par Universal.

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