La fête à Paris, c’est fini?

Let's party. © IMAGEGLOBE

Face à la pénurie de lieux et à des prix exorbitants, les noctambules parisiens franchissent de plus en plus volontiers le périphérique pour faire la fête dans des hangars et friches de banlieue.

Adieu clubs select de la capitale française! Fuyant voisins râleurs et prix exorbitants, les Parisiens quittent volontiers Paris pour faire la fête en banlieue.

Du « gros son » dans un hangar du musée de l’air au Bourget

Un vendredi soir à l’aéroport du Bourget. Devant la guérite de la police aux frontières, plus habituée aux cadres sup’ qui sautent dans un jet privé qu’aux fêtards parisiens, un millier de personnes se pressent pour une soirée techno.

« Ça lâche du gros son! », s’exclame Nicolas, sweat et baskets, qui danse au pied de deux Concorde, dans un hangar du musée de l’air. Les DJs, venus d’Allemagne, des Pays-Bas ou encore des Etats-Unis tiennent les platines jusqu’à l’aube.

« C’est cool, tu peux venir habillé normal, sans payer trop cher », savoure Marc, qui a pourtant fait un effort, avec son bandana et ses lunettes fluo, pour affiner son look. « Venir jusqu’au Bourget en RER pour sortir en soirée, c’est improbable », s’amuse le jeune homme de 26 ans, habitué des soirées parisiennes.

Tous les week-ends ou presque, une fête s’organise en banlieue

En costume de commandant de bord, Jérémie Feinblatt, 32 ans, fend la foule sur une trottinette électrique. C’est lui qui organise depuis 2008 ces soirées, baptisées Die Nacht, dans des lieux insolites en Île-de-France. À son actif: une trentaine de grosses soirées, rassemblant parfois jusqu’à 3500 personnes.

« Si les gens sont prêts à aller prendre l’avion pour une fête le week-end » à Ibiza ou à Berlin, « ils peuvent bien franchir le périphérique », relève ce trentenaire parisien, qui a pris goût aux soirées « hors-club » dans ses années d’études à l’étranger.

Squat recouvert de tags à Ivry-sur-Seine, terrains en friche de la Ferme du Bonheur, lieu alternatif à deux pas de l’université de Nanterre, ou bien au pied du 6B, immeuble reconverti en résidence d’artistes à Saint-Denis: tous les week-ends ou presque, une fête s’organise en banlieue, à l’initiative des collectifs qui fleurissent sur Facebook, comme Sonotown, Debrouï-Art, La Mamie’s ou encore 75021.

« Ras-le-bol du côté branchouille parisien »

« Avant, les banlieusards allaient faire la fête à Paris. Maintenant, les Parisiens commencent à sortir en banlieue », constate Tommy Vaudecrane, président de Technopol, qui regroupe l’essentiel des acteurs de la techno en France.

À l’origine de ces initiatives: une soif de nouveauté, couplée à un ras-le-bol du « côté branchouille parisien », selon Antoine « Clouclou » (son pseudo sur Facebook), l’un des membres du collectif La Mamie’s. « On a fait la fête à Paris comme tout le monde dans les lieux conventionnels, mais on a ressenti un manque. L’esprit de la fête n’était pas là », raconte le jeune homme.

« Sortir à Paris, ça coûte vraiment une blinde. Tu dépenses 50 euros et t’as juste payé un coup à une nana! », ironise-t-il. « Dans nos soirées, à partir du moment où t’arrives avec un sourire, pas de raison de ne pas pouvoir entrer. »

Pour les organisateurs de soirée, la banlieue offre le potentiel pour organiser des soirées à grande échelle, entre friches, parcs ou anciens entrepôts, même si le transport, de nuit, est souvent un casse-tête pour les participants. L’inverse de Paris, où « il y a une pénurie de lieux » et où « le coût des infrastructures est élevé », selon Tommy Vaudecrane.

Les nuits parisiennes profitent de ce « vent de fraîcheur »

De quoi ringardiser les soirées de la capitale? Pas forcément, estime Dan Ghenacia, DJ français résidant d’un club d’Ibiza, pour qui les nuits parisiennes bénéficient à plein du « vent de fraîcheur » apporté par ces soirées « hors-club ». « Ce n’est pas ‘grâce à la banlieue’ que Paris se réveille », mais ce genre de soirées y contribue, ajoute-t-il.

Une analyse partagée par Eric Labbé, acteur de longue date de la scène techno française, qui avait dénoncé en 2009, l’atonie des nuits parisiennes ringardisées par Londres ou Berlin, dans une pétition qui avait fait grand bruit (« Paris, quand la nuit meurt en silence« ).

« Il y a eu une prise de conscience, aussi bien du côté des pouvoirs publics que du monde de la nuit », estime cet organisateur de soirées. « Ça a redonné du peps a tout le monde. Et ça commence à se savoir à l’étranger. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content