Francofolies J1: Stromae, chronique d’un triomphe annoncé

Stromae aux Francofolies 2014 © Philippe Cornet
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Après une première partie mollement neutre de Gabriel Rios, c’est au tour de Stromae de s’emparer de la scène Pierre Rapsat, livrant un concert où l’artiste feint même de mourir sur scène, un vrai showman digne de l’abbé Jacques.

Il est un peu au-delà de 21h30 et Gabriel Rios termine son set de latin-lover alternatif. Le gantois, récemment passé par un long séjour new yorkais, sonne toujours comme une ballade de dEUS arrosée d’une larme supplémentaire de batida coco. La foule qui bonde la Place de l’Hôtel de Ville attend le belgo-rwandais à grandes jambes, pas de la pop portoricaine, le cul entre deux, voire trois continents. Comme si le choix de cette première partie se devait d’être mollement neutre. Le public wallon est courtois mais pas au point d’applaudir un concert hors-zone d’affection qui l’indiffère plutôt. Le temps que la vedette fasse sonner les 22 heures, l’examen des premiers rangs, confirme que Stromae rassemble couches sociales et âges divers, même si en ce lieu spadois, le métissage -autre vecteur caractéristique- est discret pour ne pas dire inexistant. Les neuf mille âmes présentes sont là pour vivre un moment communautaire mené par le chanteur-caméléon, apte à triompher à Werchter comme aux Ardentes. C’est écrit dans ces visages d’enfants comme de parents, qui ont du réagir avec vélocité pour ne pas louper le ticket: 9000 vendus en 30 heures, sorte de record pour les Francos. Désormais membre de l’écurie d’un tourneur français, celui qui s’occupe également de M, Stromae en concert, c’est d’abord toutes les idioties sécuritaires, comme celle de ce body-builder patrouillant nerveusement, la truffe en alerte maximale, le frontstage où s’entassent quelques quidams VIP et une dizaine de photographes. À la recherche du temps perdu? Les nonante minutes qui vont suivre confirment le niveau d’un show ultra-professionnel mais peut-être aussi -déjà?- l’usure d’une certaine dialectique entre l’artiste vénéré et son public adorateur. C’est-à-dire des interludes bavards, où Paul -tu permets qu’on t’appelle comme cela?- bidouille des appartés sur le sens des french fries ou remet sur la sono la désormais fameuse intervention des flics bruxellois préoccupés de son ivresse simulée Porte Louise. Mais comme le dit un aimable collègue de Focus, spécialiste des boîtes de nuit et des voitures voyantes, « il pourrait lire le bottin que le public adorerait ». L’un des seuls moments où les gentilles polissonneries dérapent, c’est lorsque prof Van Haver parle de « vulve » à propos des moules (frites): un glissement sémantique possiblement sexuel -merde y a des mômes- qui prouve que jamais rien n’est totalement écrit. Tout cela peut sembler un inutile crépage de chignon dans la mesure où le talent surnage d’autant mieux à ces détails, que la majorité des chansons extraites du second album, font mission de roquettes implacables sur les artificiers de la foule. Ils adorent cela et déminent à tour de bras. Les accompagnateurs -quatre- mixent une sorte de hip pop suprême où ce tamboulé de sequencers portant aux nues angéliques les vertus électros, s’humidifie de quelques sonorités plus organiques. Une ligne de basse, des jetés de guitare. Le tout sous la bénédiction d’un light show conséquent et matriciel dans lequel Stromae se couche avec une volupté de grand duduche sexy à petites oreilles. Tous les tubes y passent et dans la scie Formidable, on est happé par une partie plus improvisée (?) où l’artiste feint de mourir en scène, confirmant que Stromae est le meilleur showman belge depuis que l’abbé Brel faisait pleurer même les pierres dans les années soixante.

Les photos du concert de Stromae aux Francofolies

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