Philippe Cornet

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Philippe Cornet Journaliste musique

La bulle du rock ne cesse de gonfler -festivals géants, marketing monstrueux, super groupes- mais il suffit d’une tempête ou d’un bout d’émeute pour enrayer les superlatifs et fusiller le profit.

La chronique de Philippe Cornet

Début juillet, Michael Eavis déclare au NME anglais que « le festival de Glastonbury pourrait encore durer 3 ou 4 ans et puis ce sera fini ». Eavis est le directeur-fondateur dudit Glastonbury, possiblement le plus célèbre festival rock au monde… Nominé en 2009 par Time Magazine parmi les 100 personnalités les plus influentes de la planète, Eavis a écoulé les tickets de Glastonbury 2011 en 2 heures à l’automne dernier, avant même l’annonce du programme! Pourtant, Glastonbury 2008 a frôlé la faillite, et l’actuelle édition a perdu la somme faramineuse de 25 millions d’euros. En même temps, Eavis admet que seules les vedettes ruineuses (cette année, U2 et Beyoncé) garantissent le plein, soit 150 000 personnes. Ce paradoxe gangrène les « grands » festivals rock, acculés aux têtes d’affiche tout en multipliant scènes et groupes jusqu’à des chiffres grotesques: 40 artistes ne suffisent plus, il en faut 200. Dans ce processus d’industrialisation massive, on ne voit pas très bien le sort de la musique de plus en plus zappée de la part du festivalier, protype hyperkinétique, souffrant manifestement d’un déficit de l’attention. Si les festivals belges se portent très bien au niveau affluence, le désastre du Pukkelpop rappelle aussi qu’un événement brutal anéantit pratiquement toute marge de manoeuvre. En créant des prairies suréquipées et surencombrées, on crée l’illusion d’installations professionnelles mais celles-ci n’auront jamais la sécurité de véritables salles ou stades de spectacles. En attendant la révolution culturelle ou le crash boursier qui dégonflera la baudruche festivalière de son inutile gigantisme (on peut rêver), des traces de modestie humaine se profilent, laissant la qualité primer sur l’overdose quantitative et starisée. C’est le cas au Deep in the Woods, ces 2, 3 et 4 septembre, qui propose 9 groupes à découvrir, dont The Bony King Of Nowhere et Clare Louise, au coeur d’une forêt ardennaise. Pour 25 euros (www.deepinthewoods.be).

Fragilité physique

Le 8 août, les entrepôts gérés par Sony DADC, au nord de Londres, sont réduits en cendre par un incendie criminel. Les 3 250 000 CD (1) détruits appartiennent à 150 labels indépendants qui passent par la distribution de Pias, ces derniers se servant de Sony DADC comme centre de stock et de logistique. C’est en effet les producteurs les plus intéressants de rock anglais actuel -citons le label Domino et sa révélation Anna Calvi- qui se trouvent coupés de support musical matériel. Et doivent, du coup, se recycler temporairement vers les sorties digitales pour échapper à la faillite. Autrement dit, des émeutiers, soi-disant en quête de justice sociale, pensant peut-être s’attaquer à un symbole saillant du capitalisme multinational, Sony, torpillent des compagnies indépendantes, rendant incertain leur futur. Le plus machiavélique scénario corporate n’aurait pas rêvé mieux…

(1) CHIFFRE ACTUALISÉ PAR PIAS FIN AOÛT

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