Webdocumentairement vôtre, partie 1

Alma, une Enfant de la Violence © Capture d'écran
Elisabeth Debourse Journaliste

Le format « webdoc' » est en vogue, et comme on ne boude pas notre plaisir, Focus vous propose une liste de dix réalisations aussi innovantes que passionnantes. Découvrez les cinq premiers webdocumentaires de notre sélection; le plus poignant, le plus extrême, le plus 2.0, le plus claustrophobe et le plus tristement actuel.

Le webdocumentaire, ou webdoc’ pour les familiers, les aficionados, ceux qui ont les bras dedans jusqu’au coude et le cerveau qui pense « interactif » quand on leur parle d’information, c’est une expérience documentaire qu’on fait nôtre, un peu beaucoup, passionnément. En 2005, pour la première fois La Cité des Mortes nous laissait le choix; celui d’en savoir plus, de sauter un passage, de partager et de débattre. Depuis, ces docus en ligne ont fait un sacré bout de chemin sur le plan technique, celui de la narration, de l’interactivité, ou encore de l’esthétique. Que vous soyez novice du genre ou passionné, ces cinq webdocumentaires devraient calmer, pour un moment du moins, votre jolie manie de toucher à tout et d’être un peu trop curieux.

Le plus poignant

Alors qu’elle n’avait que quinze ans, Alma entre dans un gang, l’un des plus violents du Guatemala. Alma signifie « âme » en espagnol. On ne sait vraiment si c’est pour sauver la sienne ou celle de ses anciens amis que la jeune femme parle, confesse, purge devant la caméra ces souvenirs qui la hantent encore.

Alma, une Enfant de la Violence est un récit en huit-clos dur, parce qu’il n’est que trop authentique. Fruit de la collaboration d’une journaliste (Isabelle Fougère) et d’un photojournaliste (Miquel Dewever-Plana), le webdocumentaire est relativement linéaire en comparaison avec d’autres réalisations du même format, mais sa mise en scène minimaliste sert totalement le témoignage. En effet, alors qu’Alma déroule le fil de ses souvenirs, apparaissent aux trois-quarts hors-cadre des images, tantôt photographies, tantôt courts extraits vidéos ou encore dessins (animés), qui illustrent son récit. Rien de plus, mais rien de moins non plus.

Bonus: Les peintures d’Hugues Micol, qui montrent ce qui n’a pu être capturé par Miquel Deweyer-Plana.
Une peinture d'Hugues Micol pour Alma, une Enfant de la Violence.
Une peinture d’Hugues Micol pour Alma, une Enfant de la Violence.© Hugues Micol

Le plus extrême(-droite)

A priori, rien ne distingue Predappio d’un autre petit village italien. On y retrouve les mêmes « nonno » en terrasse, les mêmes « mamas » au marché et les mêmes gamins qui jouent sur la place. Si ce n’est que c’est précisément dans ce petit village italien qu’est né Benito Mussolini, et que du coup, rien n’est vraiment tout à fait pareil.

L’histoire de La Duce Vita se déroule en trois actes, un peu comme une pièce de théâtre tragi-comique, esprit Strip-Tease. Le maire du village et son combat un brin désespéré contre les fascistes nostalgiques occupe une grande place dans le récit, mais on retrouve également des témoignages de partisans d’extrême droite et de locaux qui ne comprennent pas grand chose à la folie fasciste qui s’empare régulièrement de la bourgade, le tout dans une ambiance souvent à la limite de l’absurde. Les vidéos laissent à chaque fois le choix à l’utilisateur d’en apprendre plus, grâce à des capsules. A la fin de chaque acte, on retrouve la carte du village, délicatement dessinée et actualisée pour suivre le cours de la narration.

Bonus: Les capsules vidéo « anecdotiques » qui donnent du corps au lieu, comme cet intermède dans un restaurant-cabaret ou dans l’école maternelle du village, d’un autre temps, tenue par des bonnes soeurs.
La Duce Vita
La Duce Vita© Capture d’écran

Le plus 2.0

Si votre ordinateur avait une conscience, il serait cet homme en costume, décontracté, cynique et un brin moralisateur qui s’adresse à vous de l’autre côté de l’écran une fois Netwars lancé. Le webdocumentaire, qui se veut une plongée dans le dark side de votre vie ultra-connectée, est une expérience déstabilisante pour toute personne étrangère au concept de « cyber-guerre ». Pour les autres aussi, ceci dit, tant le monologue de votre « conscience » virtuelle, saupoudré d’avis d’experts, est prenant. Internet sait tout de vous, mais vous en saurez bientôt tout autant sur lui.

Outre le sujet passionant, Netwars est l’un de ces nouveaux projets informatifs multi-écrans dont l’expérience se poursuit au-delà du site, puisqu’il est également décliné sous forme de documentaire, de roman graphique interactif, de livre audio, d’e-book et bientôt de série (six épisodes de 52 minutes sont prévus).

Bonus: La présence d’un dossier « personnel » auxquels viennent s’ajouter au fur et à mesure des documents complémentaires concernant les sujets traités.
Netwars
Netwars© Capture d’écran

Le plus « claustro »

Bienvenue à Cañon City, un coin paumé dans la cambrousse du Colorado, qui compte à peine 36 000 âmes, mais 13 prisons. Ça y est, vous voilà parti dans un roadtrip pas comme les autres, un peu glauque mais instructif et conscientisant sur l’industrie carcérale aux Etats-Unis.

Sur la route, on rencontre le shérif, un gardien de prison, un petit groupe local de rock garage. Entre les discussions et les découvertes, il est possible de réagir sur les forums thématiques du webdoc’, de discuter avec les autres visiteurs du site, ou encore de dialoguer directement avec les personnages du documentaire (malheureusement le projet ayant déjà cinq ans au compteur, cette partie de l’expérience est à l’abandon). Vous pouvez également revenir à tout moment dans votre QG, votre chambre de motel, et y découvrir à chaque fois de nouvelles informations et indices sur votre enquête. On fait le pari; dans dix ans, on parlera encore probablement de ce Prison Valley à la narration géniale et prenante. Comme un Nanook of the North du 21ème siècle, il laissera son empreinte sur l’histoire du documentaire.

Bonus: Arrivé dans la vallée des prisons, on vous proposera de faire votre check-in au motel du coin, planté au beau milieu de nulle, part dans la plus pure tradition ricaine. En réalité, c’est notre compte Facebook, Twitter ou notre adresse e-mail que l’on veut. Et pour une fois, on s’identifie volontiers, puisque cela nous permet de revenir automatiquement à l’endroit précis du récit où l’on s’était arrêté pour égoutter les pâtes ou aller boire un verre.
Prison Valley
Prison Valley© Capture d’écran

Le plus tristement actuel

D’un côté Gaza, de l’autre Sderot, et au beau milieu de tout ça, des Palestiniens et des Israëliens dont on suit durant 10 semaines la vie, avec en toile de fond une guerre qui n’en finit plus. Gaza/Sderot est un projet qui date de 2008, mais auquel le bruit des bombes d’aujourd’hui fait écho. A travers de courtes chroniques, on apprend à connaître Heba Safi, qui étudie le journalisme à Gaza, Yafa Malka, une jolie coiffeuse de Sderot, ou encore Andre Avhalikov, qui a quitté ses montagnes du Caucase pour venir vivre en Israël. Gaza/Sderot, c’est surtout l’occasion de mettre des visages sur un conflit et sur deux peuples, pas si différents ni antagonistes que ça.

A noter également, le projet multiplateformes d’Arte intitulé 24h Jerusalem, tourné en avril 2013. Le documentaire avait pour ambition de faire découvrir la ville durant 24 heures, sous mille aspects différents et plusieurs écrans (smartphones, tablettes, télévision, etc.) De nombreux extraits sont disponibles sur le site Internet.

Bonus: La possibilité de découvrir les histoires via une ligne du temps, une carte, les personnages ou les sujets.
Gaza/Sderot
Gaza/Sderot© Capture d’écran

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