Bryan Ferry, la classe internationale

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Soirée 4 étoiles au Gent Jazz Festival, avec Bobby Womack et le big band de Bryan Ferry.

Bryan Ferry, la classe internationale
© IMAGEGLOBE

Au stand merchandising, les t-shirts officiels du festival proclament :  » Jazz is voor iedereen « . Il faut le dire vite. A 3 euros la simple pils et 50 la soirée, le Gent Jazz n’est pas a priori le plus  » démocratique  » des festivals. Pas moins cela dit qu’un Rock Werchter : les deux événements proposent des pass complets dans les 200 euros. Avec l’avantage à Gand de pouvoir siroter son houblon ou son ballon de rouge dans un vrai verre. Et puis il y a toujours le cadre : l’ancien hôpital médiéval du Bijloke, reconverti en centre musical, magnifique écrin pour une scène sous chapiteau dont l’impeccable sono donne l’impression de vivre un concert en salle.

Lundi soir, Bobby Womack s’y arrêtait, un an après avoir dû annuler sa venue. A l’époque, un cancer l’avait obligé à faire une croix sur la tournée prévue. Cette fois-ci, le soulman a répondu présent, mais c’est la maladie d’Alzheimer qu’il doit aujourd’hui combattre. Sur le coup de 20h30, quand le big band soul lance les débats et qu’Altrina Grayson, l’une des trois choristes avec Lisa Kai Coulter et Ginare Womack (la fille), commence à chauffer le public, on craint donc le pire : une demi-heure d’intro, une apparition fugace de la star, puis rapidement la fin du concert. Dès les premières minutes, Bobby Womack rejoint pourtant ses musiciens sur scène, accompagné d’un drôle de personnage, vêtu d’une combinaison blanche, le visage masqué. Casquette noire, sous-pull glitter noir, lunettes noires, Womack est à peine audible quand il parle entre les morceaux. Dès qu’il chante cependant, la voix est bien là, pleine de gospel. Dès le 2e morceau, il balance son hit Accross 110th Street. Par la suite toutefois, sa soul seventies est peu trop souvent noyée dans les claviers, frôlant même par moment le syndrôme Night of the Proms. Quand il s’en éloigne, le concert brasse pourtant des gammes soul seventies soyeuses et amoureuses. En 2012, l’homme avait fait son grand retour avec The Bravest Man In The Universe, parrainé par Damon Albarn. Il en jouera deux titres, le morceau éponyme et Deep River. C’est aussi le moment où le set reprend de la hauteur, Womack citant Marvin Gaye ou reprenant Sam Cooke, dont il a été le guitariste (A Change Is Gonne Come). Frissons. Après une heure et demi, la messe est dite, sans coup d’éclat, mais sans non plus écorner la légende d’un des derniers grands de la soul music.

Changement radical d’ambiance pour la fin de soirée. Le big band de Bryan Ferry est en place pour un voyage à travers le temps. Direction les années 30, façon The Great Gatsby. Le trip est un peu étrange, le concept incongru. De prime abord du moins. Sur scène, des trompettes bouchées, des clarinettes, un banjo, une contrebasse pour reprendre Avalon. Vraiment ? Pourtant, petit à petit, on se laisse embarquer. La musique feutrée se fait de plus en plus complexe et subtile. Surtout qu’après un quart d’heure, le crooner est arrivé sur scène, accompagné de deux choristes. Le concert, délicieux jusque-là, s’emballe alors. Davantage encore quand, malin, Bryan Ferry upgrade son concert en mode plus rock’n’roll, se branchant sur l’électricité (basse, batterie, guitare). A partir de ce moment, l’enchaînement des anciens classiques de Ferry et Roxy Music passés sous le filtre big band va faire des étincelles. Jusqu’au feu d’artifice final : Don’t Stop the Dance, puis Let’s Stick Together, prolongé par les covers de Hold On (Sam & Dave) et Move On Up (Curtis Mayfield). La toute grande classe.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content