Critique | Livres

Premier roman de Joann Sfar, comme une impression de déjà-vu

Joann Sfar © DR
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

FANTASTIQUE | Avec L’éternel, Joann Sfar change de support, pas de registre: on retrouve dans son premier roman toutes ses obsessions et manières déjà étalées en BD.

JOANN SFAR, L’ÉTERNEL, ÉDITIONS ALBIN MICHEL, 455 PAGES.

Premier roman de Joann Sfar, comme une impression de déjà-vu

Tout arrive en littérature, même des impressions de déjà-vu dans un premier roman! Mais ce premier roman-là n’est pas tout à fait comme les autres, à voir la campagne marketing presque grotesque qui accompagne la sortie de L’éternel, conte fantastique et vampirisant: on le doit en effet à Joann Sfar, déjà omniprésent (omnipotent?) en bande dessinée, remarqué et salué au cinéma, et donc désormais romancier. Nous voilà sur le front russe en 1917. Deux frères juifs et ukrainiens, Caïn et Ionas, y affrontent les Allemands dans une bataille sanglante. Caïn se planque. Ionas y meurt. Caïn n’attend pas deux jours pour rejoindre Hiéléna, la fiancée de son frère, la séduire et l’engrosser. Mais Ionas n’est pas mort, il se réveille à l’état de vampire. Un vampire juif et mal dégrossi qui va avoir bien du mal à accepter son sort. Et nous aussi, surtout lorsque l’histoire se prolonge et qu’elle arrive à New York aujourd’hui, pour une rencontre évidemment dialectique -on est chez Sfar- entre Ionas le vampire et Rebecka la psy…

Le premier roman de Joann Sfar résonne en réalité comme sa 101e bande dessinée, les dessins en moins, et c’est bien là le problème. Sur papier, les amateurs seront ravis: on y trouve toutes ses obsessions ramassées en 455 trop longues pages: la judéité, la religion, la philosophie, la fratrie, le goût de l’horreur et du picaresque, et bien sûr cette thématique du vampire qu’il a déjà largement abordée en planches et à sa manière. En BD, la désinvolture caractéristique de Sfar fait parfois merveille: son oeuvre en roue libre, remplie de séries inachevées ou d’idées inabouties, est régulièrement sauvée par son trait tout en énergie et en spontanéité. Autant de paramètres soudain péremptoires en passant à la littérature: L’éternel, malgré son érudition et quelques moments de bravoure (l’hilarant face à face entre le vampire et un rabbin, ou sa rencontre avec un Lovecraft cacochyme et obsédé), manque paradoxalement de romanesque et de travail éditorial: si tout est bon dans le cochon, tout n’est pas génial chez Sfar.

Livres d’artistes

Nick Cave: Et l’âne vit l’ange, récit de vie d’un muet embrigadé dans une secte flanqué d’un père psychotique obsédé par la torture animale, est paru en français en 1995 au Serpent à Plumes. Le grand Nick a remis ça en 2010, avec La mort de Bunny Monroe. Les Bad Seeds en auraient sans doute fait de bonnes chansons.

James Franco: L’acteur, impeccable en gangsta rappeur dans le récent Spring Breakers, aime se la jouer intello et littéraire. A force de se promener avec des livres sur les plateaux de tournage, il a fini par écrire les siens, à commencer par Palo Alto. Il y cite Proust. On le préfère en MC.

Mathias Malzieu: Le chanteur et leader du groupe Dionysos est peut-être l’exemple le plus réussi: Mathias Malzieu vient de sortir son quatrième roman, Le plus petit baiser jamais recensé. Même univers onirique, mais cette fois salué par les critiques.

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