Critique

The Iron Lady

BIOPIC | Phyllida Lloyd signe un portrait complaisant de Margaret Thatcher dans un film suscitant le malaise, en dépit de l’extraordinaire prestation de Meryl Streep.

THE IRON LADY, BIOPIC DE PHYLLIDA LLOYD. AVEC MERYL STREEP, JIM BROADBENT, RICHARD E. GRANT. 1H45. SORTIE: 15/02. *

Certes, il y a l’extraordinaire composition de Meryl Streep, absolument bluffante sous les traits de Margaret Thatcher, dont elle semble avoir absorbé la moindre facette -à tel point qu’on la verrait bien glaner un 3e Oscar dans quelques semaines, après ceux de Kramer vs Kramer et de Sophie’s Choice. Mais c’est là à peu près tout ce qu’il y a à sauver de The Iron Lady, biopic en forme de portrait complaisant de celle qui fut Premier ministre britannique de 1979 à 1990, et dont le moins que l’on puisse écrire est qu’elle n’usurpa point son surnom de « Dame de fer ».

L’actrice retrouve pour l’occasion Phyllida Lloyd, sa réalisatrice de Mamma Mia!, franc navet qui avait toutefois le mérite d’être inoffensif (sauf pour les oreilles des spectateurs, saturées de Abba). L’histoire de Maggie Thatcher, la cinéaste l’envisage alors que, rattrapée par l’âge et diminuée par la maladie, la femme politique entrevoit son passé par bribes, de ses débuts timides à son irrésistible ascension politique, et jusqu’aux épisodes les plus marquants de son « règne », des Falklands à la grève des mineurs britanniques. Le tout, entrecoupé de douloureux retours sur le présent, solitaire n’étaient ses fantômes, au 1er rang desquels celui de son mari, Denis (Jim Broadbent, impeccable).

Relecture de l’Histoire

On imagine qu’au moment de se lancer dans cette entreprise, Lloyd et sa scénariste, Abi Morgan (par ailleurs auteure de Shame!, comprenne qui pourra), avaient à l’esprit l’épatant The Queen de Stephen Frears. Faute, toutefois, de réel point de vue, sans même parler d’une nécessaire distance, on est loin ici d’une mise en perspective un tant soit peu aiguisée du pouvoir et de son exercice. Des années Thatcher, The Iron Lady n’offre qu’une vision parcellaire et orientée, succession de péripéties qui, si elle illustre assurément le caractère rigide d’un personnage qu’elle s’emploie par ailleurs à humaniser, l’exonère d’un lourd passif.

Nul écho, par exemple, de l’impact social désastreux de sa politique (il y a bien l’une ou l’autre scène d’échauffourées, histoire de montrer, quand même, que ses mesures n’ont pas fait que des heureux). Et pas plus d’allusion au fait qu’avec son compère Ronald Reagan, Mrs Thatcher a jeté les bases d’un ultralibéralisme dont on continue à payer le prix fort. Mieux même, par un singulier effet d’illusion, le film arriverait presque à faire regretter l’absence de dirigeants de cette trempe face à la crise que nous traversons aujourd’hui.

C’est dire le malaise suscité par cette relecture de l’Histoire que l’on ne saurait mieux qualifier que d’éminemment discutable, et plus encore -jusque dans un ultime plan n’ayant d’autre objet que de susciter de l’empathie pour le personnage. Mamma mia!

Jean-François Pluijgers

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