Tony Curtis: « Embrasser Marylin, c’était magique! »

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L’acteur américain connu pour son rôle dans « Certains l’aiment chaud » aux côtés de Marylin Monroe, est décédé à l’âge de 85 ans.

L’acteur américain Tony Curtis est mort à l’âge de 85 ans. Né dans le Bronx, il avait été conominé pour l’Oscar du meilleur acteur pour son rôle dans The Defiant Ones, avec Sidney Poitier. Mais c’est surtout pour son rôle dans Certains l’aiment chaud, qu’on le connaît. Il tenait la vedette du film de Billy Wilder aux côtés de Marilyn Monroe.

Marylin Monroe avec qui il avait d’ailleurs eu une aventure, secrète, pendant le tournage de Certains l’aiment chaud. C’était la révélation la plus croustillante du livre de mémoires que Tony Curtis, séducteur invétéré a publié cette année-même. Un ouvrage réjouissant, entièrement consacré à la comédie mythique signée Billy Wilder. Dans sa maison proche de Las Vegas où il s’adonnait à la peinture de natures mortes, Tony Curtis était revenu sur d’autres souvenirs encore: son enfance pauvre dans les rues de New York, la disparition prématurée de son frère adoré, la gloire à Hollywood et, bien sûr, Amicalement vôtre, la série culte des seventies. Sans oublier l’essentiel: le sexe, dont il parle avec une liberté rare.

La chose est entendue: Certains l’aiment chaud est le long-métrage le plus drôle de l’histoire du cinéma. Mais à quoi tient le génie de ce film?
Tony Curtis: A la sexualité! C’est le thème central et son aspect le plus moderne. En 1958, Billy Wilder a réussi le tour de force de mettre en scène d’un bout à l’autre du film deux travestis et une bombe sexuelle. Et cela en passant entre les gouttes de la censure, pourtant très tatillonne à l’époque. L’érotisme est omniprésent et, cependant, pas un morceau de chair ni une jambe en l’air n’est visible à l’image. La seule scène de sexe est celle du yacht où, évidemment, les choses ne sont que suggérées. Mais, là encore, Billy Wilder bouscule les codes: plutôt que de placer le mâle en position dominante, il en a fait un impuissant. Marilyn Monroe, dans une attitude ultra-sexy, est allongée sur moi et je suis en position de soumission. En fait, c’est elle qui me baise! Lors du tournage de cette scène, Marilyn s’est mise à m’embrasser pour de vrai. J’étais scié. Et j’ai eu une érection, qu’elle a évidemment sentie. Elle aimait cela. Elle adorait ça. Alors, elle a continué en écrasant son corps contre le mien. Certains l’aiment chaud, n’est-ce pas?

Votre duo, avec Jack Lemmon (deux musiciens en cavale déguisés en femmes), est parfait. Mais la superstar, c’est Marilyn. Qu’avait-elle de si particulier?
Elle possédait une qualité que personne d’autre n’a jamais eue à l’écran, à part Greta Garbo, personne: elle avait l’air réelle. Elle donnait l’impression qu’on pouvait la toucher du doigt. Marilyn, c’était la « 3D » avant l’heure. De plus, on voyait son âme. Lorsqu’elle parlait, son âme planait au-dessus d’elle. Elle avait un magnétisme unique, avec un mélange de pouvoir sur les hommes et de vulnérabilité. Et une sensualité à part, due à sa manière de parler, à sa façon de marcher, à ses courbes provocantes, à ses seins magnifiques, à son postérieur sublime. Or moi, quand je rencontrais une femme qui me plaisait, ce qui m’arrivait à peu près tous les jours, je ne calculais pas, je donnais toute mon énergie. I wanted to fuck, okay? Je voulais baiser, t’as compris?

Euh ah, oui! Comment avez-vous rencontré Marilyn?
C’était en 1951, longtemps avant Certains l’aiment chaud. J’étais arrivé à Hollywood trois ans auparavant et je commençais à percer. Marilyn, âgée de 23 ans, était encore rousse et inconnue. Moi, j’avais 25 ans, une belle gueule et une Buick décapotable. J’ai repéré Marilyn sur le parking des studios Universal et je lui ai proposé de la déposer en ville. Elle a accepté. Je m’efforçais de me comporter en gentleman. Au lieu de lui foncer dessus, je me suis contenté de lui faire la conversation. Je me sentais bien avec elle. On s’est revu peu de temps après. Nous avons commencé à flirter. Embrasser Marilyn, c’était magique. Quelques jours plus tard, nous avons fait l’amour. Notre aventure a duré moins d’un mois. J’étais fasciné. Nous nous aimions. Mais notre histoire fut courte. Chacun était préoccupé par sa carrière. Et Marilyn cherchait un homme plus âgé, capable de remplacer le père qu’elle n’avait pas eu. Nous nous sommes perdus de vue pendant sept ans.

Jusqu’au tournage de Certains l’aiment chaud
En sept ans, elle était devenue le sex-symbol international que tout le monde connaît. Elle était mariée avec Arthur Miller, le dramaturge. Ce qui ne l’a pas empêchée, pendant le tournage, de me chuchoter un jour à l’oreille: « Passe me voir ce soir dans ma chambre ». J’ai obéi à sa consigne. Et nous avons passé la nuit à l’horizontale. Ou plutôt: une partie de la nuit. Car, à 4h30, il a fallu que je traverse les couloirs de l’hôtel dans l’autre sens pour retourner dans ma chambre sur la pointe des pieds, afin que personne ne nous surprenne. Encore une fois, la réalité se confondait avec le scénario du film.

Et Arthur Miller a découvert le pot aux roses…
C’est Marilyn qui a lâché le morceau. J’ignore pourquoi. En tout cas, il a voulu me casser la gueule. Mais ce type était bidon. Je n’ai jamais compris pourquoi Marilyn avait épousé quelqu’un comme lui. Ils formaient un couple étrange, improbable. Ils étaient sur deux planètes différentes. La vérité, c’est que Marilyn désirait se marier avec le cerveau de Miller. Et que lui voulait du cul, point final. L’ennui, c’est que son fantasme ne s’est jamais réalisé. Car à ce moment de sa vie, Marilyn était insaisissable et incapable de donner quoi que ce soit à quiconque.

Le fait d’avoir été maltraité pendant votre enfance, comme Marilyn, vous a-t-il rapproché d’elle?
Sans l’ombre d’un doute. La mère de Marilyn était une traînée, une alcoolique. Incapable d’élever sa fille, elle l’avait confiée à une famille d’accueil à Los Angeles, où elle était née. Moi, j’ai grandi dans les années 1930 à Manhattan, dans l’Upper East Side, où mes parents, des Hongrois, avaient immigré depuis peu. C’était le quartier des Tchèques et des Hongrois, mais aussi celui de nombreux Allemands qui, tous, se réjouissaient de l’ascension de Hitler. J’étais juif, pauvre et, tare supplémentaire, beau gosse.

Cette beauté constituait une sorte d’anomalie: j’avais une gueule à habiter les beaux quartiers. Cela m’a isolé des autres enfants. Je suscitais haine et jalousie. Dans la rue, où je passais mes journées, certains m’interpellaient: « Eh toi, la tapette, viens me sucer la bite! » A l’époque, la castagne était mon lot quotidien. Il fallait se battre pour tout. Cela m’a permis de développer un instinct de survie, un sens du timing et un art de l’esquive qui m’ont beaucoup servi au cinéma et pour l’escrime, mon sport favori. Comme j’étais vif, personne n’est jamais parvenu à m’infliger une dérouillée.

A la maison, en revanche, ma mère me rossait pour un oui ou pour un non. Quant à mon père, tailleur de profession, il n’était jamais là. Alors, quand j’étais triste, je me regardais dans un miroir. C’était suffisant pour me réconforter. Ce joli visage, c’était toute ma force.

Vous n’aviez pas d’amis?
Un seul: mon petit frère, Julius, qui avait trois ans de moins que moi. Vers l’âge de 10 ou 11 ans, j’ai commencé à fréquenter une bande du quartier. Avec d’autres gosses des rues, je volais dans les grands magasins. A ce sport (faire disparaître des objets dans mon blouson) j’étais un as. Ensuite, nous nous retrouvions sous les voies du métro aérien pour nous partager le butin. Je comblais de jouets mon frère adoré.

Mais un jour, j’avais 12 ans, Julius a été renversé par un camion. Il est mort sur le coup, à l’âge de 9 ans. Pour moi, le monde s’est arrêté. Je regardais ses jouets inertes en pleurant. Pour ainsi dire, je suis resté prostré jusqu’à l’âge de 15 ans. Aujourd’hui, j’en ai 84, et je pense à Julius tous les jours…

Le 6 décembre 1941, le bombardement de Pearl Harbour par l’aviation japonaise a donné un nouveau départ à votre existence…
En effet, j’ai rejoint l’US Navy à 16 ans, en 1942. Affecté sur le croiseur USS Proteus, j’ai vu la guerre de loin, sans participer à aucun combat. Le 2 septembre 1945, je me suis retrouvé en baie de Tokyo au moment où, sur un autre navire, le Japon signait l’acte de capitulation. Mais, en 1942, peu après mon incorporation, j’avais été l’acteur d’un autre événement majeur, dans la zone du canal de Panama: mon premier rapport sexuel. Cela s’est passé avec une prostituée, fort jolie et sympathique, qui m’a complimenté pour la bonne tenue de mon organe génital. La découverte de ces sensations m’a ouvert de nouveaux horizons.

Comment avez-vous débuté à Hollywood?
Je ne sais pas. Cela s’est fait sans réfléchir. J’ai débarqué avec ma belle gueule et de l’énergie à revendre. Et à l’écran, cela fonctionnait. Très vite, en 1951, je me suis marié avec Janet Leigh (NDLR: sa première femme, future vedette de Psychose; de cette union naîtra la comédienne Jamie Lee Curtis, inoubliable dans Un poisson nommé Wanda). Les films se sont enchaînés: Houdini le grand magicien, Le Grand Chantage, La Chaîne, Spartacus. Et, évidemment, Certains l’aiment chaud

Vous avez la particularité de parler plutôt librement de sexe. Alors, pouvez-vous nous révéler si, oui ou non, la vie sexuelle des gens célèbres se distingue de celle du commun des mortels?
Peut-être, peut-être pas. D’un côté, il y a toutes ces vedettes, riches, célèbres et belles, qui font l’amour entre elles et produisent un certain nombre d’orgasmes. Très bien. Maintenant, prenez un ouvrier. Il est éperdument amoureux de sa femme. Et il rentre chez lui le soir, tous les deux font l’amour comme des dingues. Croyez-vous que l’intensité de leur rapport est moindre que celle des stars de Hollywood? Absolument pas. Ce qui est certain, c’est qu’avoir une vie sexuelle épanouie rejaillit sur la santé, le moral, le travail. Voilà pourquoi il faut s’intéresser à la question.

La série télévisée Amicalement vôtre (1971), où vous teniez le rôle de Danny Wilde au côté de Roger Moore, alias Lord Brett Sinclair, a marqué les esprits. Quel souvenir en gardez-vous?
En lisant le scénario, j’ai immédiatement compris l’essence du projet, parce que, comme je vous l’ai dit, je suis le mec le plus malin que je connaisse! Je savais par avance qu’une série en duo avec un autre acteur célèbre, peu importe le sujet, allait marcher. Brett Sinclair et Danny Wilde étaient les meilleurs en tout: en drague, au tir au pistolet, au coup de poing dans la gueule ou au ski nautique. C’était irrésistible. Hélas, seuls 24 épisodes ont été tournés, à cause de problèmes liés à la production. Roger et moi voulions poursuivre l’aventure. Mais nous n’avons pas eu voix au chapitre.

Parlons politique. L’accession de Barack Obama à la Maison-Blanche vous a-t-elle réjoui, vous qui avez défendu les intérêts des Afro-Américains à Hollywood?
Vous faites allusion au tournage de La Chaîne, avec Sidney Poitier. J’ai en effet obtenu de haute lutte qu’il partage la tête d’affiche avec moi alors que les producteurs voulaient écrire son nom plus bas, en petits caractères et précédé de la mention « co-starring ». C’était d’autant plus absurde que nous jouions deux prisonniers en cavale, enchaînés l’un à l’autre pendant presque tout le film. J’ai annoncé que, dans ces conditions, le film se ferait sans moi. Après trois jours de réflexion, la production a cédé à cette exigence, que je suis fier d’avoir imposée.

Quant à Obama, je ne suis pas un fan. La politique n’est pas mon truc, mais j’aurais préféré un président plus expérimenté. Si vous voulez vraiment tout savoir, le président de mes rêves aurait été… Cary Grant, l’homme que j’ai le plus admiré.

Trêve de plaisanteries. Voici une question grave: vieillir, c’est comment?
Ce n’est pas facile. Attendez-vous à ce qu’un jour vos capacités physiques s’amenuisent et vos rapports sexuels s’espacent. Mais je l’ai accepté. J’ai trouvé dans la peinture un moyen d’expression qui me permet de continuer à vivre au jour le jour sans regarder le passé. Mais, quand je me retourne sur ma centaine de films, je ne me plains pas: toute ma vie, j’ai voulu que les gens m’aiment, et la célébrité a transformé ce rêve en réalité. La célébrité, c’est fabuleux.

Axel Gylden

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