Critique | Musique

Radiohead – The King of Limbs

ROCK | Pour son 8e album, The King of Limbs, Radiohead évolue entre menace électronique et morceaux lumineux. Sans surprendre certes, mais en confirmant son statut unique.

Il y a d’abord l’aura qui entoure la bande à Thom Yorke. Quoiqu’on dise, Radiohead reste encore et toujours le plus grand groupe de rock indie du monde. Il a beau se tenir à une ligne artistique exigeante, il n’a jamais cessé de vendre des disques. A peu près seul dans cette position, le groupe jouit d’une crédibilité que rien ne semble entamer. Au point d’en devenir irritant. Rien de plus ennuyeux que l’unanimité et, dans le genre, Radiohead semble intouchable.

Quand, à la surprise générale, un nouveau LP fut annoncé 4 jours à peine avant sa sortie, le bourdonnement général a enflé jusqu’à en devenir assourdissant. Médias en ébullition, blogosphère en émoi, tweets frénétiques… Radiohead avait de nouveau réussi son coup. Le groupe a beau avoir l’heur de se détacher des contingences bassement pop, dans l’art de créer la hype, seuls Lady Gaga ou Kanye West arrivent à faire aussi bien. C’est dire… On voudrait bien s’énerver, mais voilà: quel groupe rock est aujourd’hui encore susceptible de créer une telle excitation? On ne verra plus jamais les fans faire la file devant le disquaire. Désormais, ils se plantent tous ensemble au même moment devant leur PC pour dénicher le premier lien qui aura piraté le dernier Radiohead…

Double visage

Au-delà du brouhaha, y a-t-il cependant matière à s’exciter? The King of Limbs est-il capable de se faire entendre? Premier constat: en n’atteignant pas les 38 minutes, le dernier album de Radiohead est aussi son plus court depuis… Pablo Honey, son tout premier LP, sorti en 93 (quand le groupe était encore moqué, et vu comme un sous-Nirvana…). On pourrait croire à un manque d’inspiration. Dès Bloom pourtant, il est difficile de ne pas se laisser happer: programmations aquatiques, notes de pianos cristallines, roulements carrés de caisses claires… Morning Mr Magpie suit, funk minimal sous tension. La première moitié de King of Limbs fonctionne sur ce même mode: un tapis électronique qui, sous l’éther, semble dissimuler à chaque fois une menace, la promesse d’un chaos -démontrant que la bande à Thom Yorke a dû pas mal écouter la musique de Four Tet ou le dernier Caribou. La fin du disque change toutefois de configuration, plus directe, à l’image de Codex: tempo lent, piano classique, le morceau se déploie au ralenti, à nu, sans grands effets.

Tout cela a tendance à faire de The King of Limbs un album paradoxal: à la fois court et scindé en 2. Un disque étrange, parce qu’il arrive à paraître limpide tout en n’offrant aucune chanson évidente. Avec King of Limbs, Radiohead ne surprend pas. Mais continue pourtant à intriguer. Un morceau comme Feral, par exemple, ne comporte ni mélodie ni structure évidente, mais accroche directement l’oreille.

En clair, ce n’est pas aujourd’hui que Radiohead descendra de son piédestal. Dans sa critique de King of Limbs, le webzine américain One Thirty BPM écrivait que le nouvel album de Radiohead est le « seul événement de la musique pop à forcer les gens à s’arrêter et à y réfléchir plus longtemps que le temps nécessaire à rédiger une opinion en 140 caractères ». Voire en 3000…

Radiohead, The King of Limbs, disponible en téléchargement. CD et vinyles distribués par XL Recordings dès le 28/03. ****

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Laurent Hoebrechts

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