Critique | Musique

Janelle Monáe – The Electric Lady

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Janelle Monáe revient avec The Electric Lady. Ses ambitions de rénover le r’n’b inchangées, mais en baissant (un peu) la garde. Brillant.

Janelle Monáe - The Electric Lady

Les deux premiers invités du nouvel album de Janelle Monae sont prestigieux: Prince, rien de moins, intervient sur Givin Em What They Love, tandis que la diva nu-soul Erykah Badu miaule sur Q.U.E.E.N. Du beau monde, mais pas seulement. L’air de rien, tous les deux illustrent aussi parfaitement le caractère de Monae: ambitieux, obstiné, mais aussi intransigeant et perfectionniste jusqu’à la maniaquerie. C’est en tout cas ce que l’on avait retenu de son premier album, The ArchAndroid, sorti en 2010.

Le disque r’n’b se voulait concept. Monae y endossait le rôle de Cindi Mayweather, androïde en mission pour sauver l’Humanité. De robot, il en était justement question: control freak obsessionnelle, Janelle Monae a dès le départ paru s’enfermer dans son propre monde. Un univers soul afrofuturiste, audacieux, éduqué, mais aussi cadenassé à l’extrême. Son ambition affichée de rénover le r’n’b était à la fois ce qui fascinait et tenait à distance. Même lors de ses concerts pétaradants, la soul sister semblait réduire au maximum les possibilités de flottement. Est-ce pour cela, à cause de cette distance un peu hautaine, que la jeune femme a finalement peiné à trouver son public, alors que The ArchAndroid recevait pourtant les éloges unanimes de la presse?

The booty don’t lie

De prime abord, The Electric Lady carbure aux mêmes éléments. Rapidement, on comprend cependant que Monae a décidé de faire un pas en avant, en s’ouvrant un peu. Elle a notamment rendu son écriture plus « pop », laissant tomber les éléments plus sci-fi et cabaret de The ArchAndroid. Le morceau Electric Lady, avec Solange, est un tube soul en puissance, « classique », directement lisible. Plus loin, le single Dance Apocalyptic est un nouvel exemple réussi d’up-tempo à la Cab Calloway.

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La fable de Cindi Mayweather est prolongée de deux nouvelles « suites » (elle devrait en compter sept). La première occupe une bonne moitié du disque, et multiplie les angles comme a pu le faire un Prince dans ses moments les plus glorieux; la seconde, plus monochrome, rappelle régulièrement Stevie Wonder -le titre Ghetto Woman, hommage de Monae à sa mère. Dans les deux cas, la jeune femme en profite néanmoins pour baisser de temps à autre la garde. Le duo avec Miguel, Primetime, est une ballade joliment languide. A la manière d’un Frank Ocean, autre grand réformateur du r’n’b qui avait annoncé publiquement sa bisexualité, Monae lâche également quelques indices sur ses préférences, elle qui disait ne sortir qu’avec des « androïdes ». Sally Ride évoque ainsi la première astronaute américaine, qui révéla son homosexualité à la fin de sa vie (« Have you heard the news, chante Monae, you got the right to choose »). Lors d’un interlude radio qui ponctue le disque, un intervenant annonce également que « robot love is queer! », tandis qu’elle-même se demande sur Q.U.E.E.N.: « Am I a freak because I love watching Mary? »

Cela n’est pas forcément l’histoire principale de The Electric Lady, toujours aussi maîtrisé. Mais le disque montre au moins que derrière le visage de poupée parfait de la chanteuse, les fêlures commencent à apparaître. Janelle Monae, human after all

  • Janelle Monae, The Electric Lady, distribué par Warner.

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