Francofolies J4: Gainsbourg, pas mort

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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Avec Le Yéti, à revoir en salle intime, Sophie Galet qui propose un moment de plaisir sans histoire, Sarah Carlier qui n’échappe pas tout-à-fait au syndrome des « jeunes femmes blacks à bonnet sous influence Ayo » et Murat qui hurle « Ta ggggggguuuueule ».

En présentation du concert de Le Yéti sous le Dôme BNP au bout du Village Francofou, on nous annonce que ce super-groupe bruxellois formé par des ex-Melon Galia et Tellers, louvoie -quelque- part- dans la zone des enfants de Gainsbourg. Marrant que le vieux Serge, deux décennies après sa mort, hante encore l’idée d’une chanson française des années 2010 protéiforme. Concernant Le Yéti célébrant sur scène son premier album, il n’y a pas vraiment de transgression majeure: cinq musiciens dont une batteuse qui moissonne bien le rythme et Thierry De Brouwer, vocaliste à barbe de trois jours gainsbourgienne. Les morceaux se déroulent en français mais la rage du chanteur/guitariste est bien rock, contrastant avec son apparence physique, dirons-nous, plutôt conventionnelle, laissant le lead guitar tricoter des arpèges sur son instrument précieux, le claviériste booster des bouts de trompette et le bassiste tendre la corde sans pour autant décoiffer son impeccable brusing très Michel Drucker 1974. A revoir en salle intime plutôt qu’en festival.

Chanson à malices

La question gainsbourgienne traverse aussi la prestation de Sophie Galet, en soirée au très joli théâtre spadois. Dans la bonbonnière qui rappelle l’opulence du Spa d’autrefois, la jeune femme présente un obscur titre de Serge G, en duo avec sa choriste, partie prenante d’un ensemble où la délicatesse du visuel -bulbes blancs, chemises rouges- rejoint celle de l’interprétation d’une chanson française malicieuse. Bien qu’apparentée à Freaksville -elle est aussi la compagne de Benjamin Schoos- Sophie ne partage pas le delirium tremens coulant à flot dans les reins discographiques du label sérésien. Les arrangements acoustiques flattent des mélodies fines qui prennent le grain de l’humour, tendant au nonsense anglais, alors que s’égrènent les mot français en autant de sentiments mélancoliques. Pour prolonger ce moment de plaisir sans histoire, on retournera vers le second album de Sophie, Stella Polaris, l’un des beaux moments belges de 2011.

Tectonique des plaques

Alors oui, il y a du monde un peu partout, particulièrement quand Suarez fait sa fête au milieu du Parc et qu’éclatent ses refrains de variété sauce lapin. On passe assez rapidement sur les lieux, pas fou de la variété des montois-malgaches remontés par un succès inattendu, en disque comme lors de cette Fête à Suarez. Cela sonne moins mièvre en live tout en cultivant cette catégorie où la malice paraît absente, les textes prévisibles, la chanson coulante mais sans aspérités. Or, on sait que c’est dans la tectonique des plaques (musicales) que se créent les vraies sensations émotionnelles.

Blacks à bonnets

C’est aussi le dilemme d’une artiste comme Sarah Carlier qui ouvre le concert du jour sur la grande Scène Pierre Rapsat avant le maniéré Christophe Willem et le plus complexe Laurent Voulzy (flanqué d’un ambitieux dernier album chevaleresque). Jeune belgo-tchado-congolaise de 22 ans, Carlier a de la voix mais, en disque en tout cas, n’échappe pas tout-à-fait au syndrome des jeunes femmes blacks à bonnet sous influence Ayo. En concert, devant un public qui ne la connaît pas forcément, cette impression se dissipe quelque peu, Sarah tenant bien la corde vocale, laissant une forme de sincérité soul humidifier les chansons. Si la performance y est, la voix assez charnelle pour se dégager de toutes les contingences, il manque encore au répertoire, un surplus de souffle -de vie?- pour accéder à un niveau supérieur.

Ta gueule

Fin d’après-midi, sur la scène Ice Watch du Parc, BJ Scott s’égosille à reprendre le tube cul(te) de Labelle, Lady Marmalade: instant de partage collectif où même les ados reprennent goulûment le fameux refrain (Voulez-vous coucher avec moi (ce soir)?) d’une chanson sortie il y a 38 ans…BJ a la voix en forme et grâce à The Voice, rameute un public dont 80% ignorait jusqu’à son existence il y a un an encore. La persévérance paierait-elle ? Oui, si on en croit le concert donné sur l’une des scènes du Village par Jean-Louis Murat en fin de samedi soir, alors que l’air est froid et que l’alcool occupe déjà bien les corps. Seulement accompagné d’un batteur et d’un claviériste, le désormais sexagénaire, chemise à carreaux, jeans vintage, crinière disciplinée, remet sur le tapis ses fantasmes neilyoungesques, faisant durer des morceaux vieux de dix minutes, contractés dans une guitare électrique vagissante, écharpée de sensations primales, la six cordes dans le plexus alors que le Murat déchaîné hurle -c’est dans le texte de la chanson- Ta ggggggguuuueule…aux quelques centaines de spectateurs Francos électrisés. Merci Jean-Louis pour ce manque absolu de bonne conscience.

PS: vendredi, dans « La reine de Spa », nous évoquions l’irritation du porte-parole des Francos, Marc Radelet, vis-à-vis d’un article paru sur le site web de Focus en début de semaine, il nous a demandé de préciser que l’origine de son courroux, venait essentiellement du titre choisi (Francofolies de Spa cherchent festivaliers. Désespérément?). Voilà qui est fait.

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