Laurent Raphaël

C’est grave, docteur?

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Par Laurent Raphaël Un extraterrestre qui serait dépêché sur notre planète pour faire plus ample connaissance avec la psychologie humaine en perdrait certainement son charabia. A moins qu’il ait pris soin d’emmener dans ses bagages le DSM-IV, le fameux dictionnaire des troubles mentaux, qui est à la psychiatrie ce que les évangiles sont aux religions chrétiennes. Il saurait alors ce qu’est une personnalité multiple, version wash & go de l’identité, soit 2 individus pour le prix d’un.

Les symptômes de cette pathologie sont bien connus des amateurs de thrillers (A beautiful mind avec Russell Crowe en génie azimuté) et depuis peu aussi des accros de séries télé (United states of Tara, récit choral d’une mère de famille qui se dépatouille avec ses… 7 « moi »): sautes d’humeur intempestives, dédoublements de personnalité, déni, etc. Bref, le portrait craché de l’Homme occidental qui ressemble de plus en plus à une hydre à 2 têtes, chacune lorgnant une direction opposée. Ou, plus concrètement, une moitié obsédée par le politiquement correct, s’échinant à javelliser, à récurer, à épurer les âmes souillées comme un prêcheur espagnol débarquant au Nouveau Monde. Et l’autre, à l’inverse, s’entêtant à déchirer les masques, à bousculer les (bonnes) consciences, à exhiber les plaies même quand ça pique aux yeux.

Quand Disiz la Peste se fait châtrer par l’éditeur de jeux vidéo Konami, avec l’aval de son label Def Jam, dans la version karaoké pour consoles de son tube J’pète les plombs (la strophe « toi, tu veux ma quéquette » restant accrochée au paillasson de la censure), c’est le pôle aseptiseur, normopathe et « control freak » qui tient les rênes. Même chose quand Mark Twain voit ses Aventures d’Huckleberry Finn amputées du mot « nigger » dans une nouvelle traduction trop propre sur elle, au point de flirter avec le révisionnisme.

Par contre, quand une petite bande de galopins cinéphiles secoue la torpeur du Tournaisis en faisant du Ramdam avec « le festival du film qui dérange », dégainant notamment Bas fonds de Isild Le Besco ou The Housemaid de Im Sang-Soo, c’est la face insoumise et frondeuse de la même créature qui prend les commandes. Une schizophrénie pas toujours facile à suivre. Et encore moins à anticiper. Mais qui reflète, à grande échelle, cette lutte entre le Bien et le Mal qui consume tout individu connecté au monde. Et l’incite ou non à marcher dans les clous. De quoi en tout cas laisser perplexe notre envahisseur, qui doit se dire qu’il a affaire à de drôles d’aliens…

PS: vous avez remarqué, des poils sont apparus sur le menton du portrait qui cornaque cet édito. Un clin d’oeil à l’appel à la grève du rasoir lancé par le tandem Poelvoorde-Buytaers tant que le pays naviguera à l’aveugle. Une réponse typiquement belge à un problème qui ne l’est pas moins. Au secours, encore un cas de schizophrénie!

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