Critique

In A Better World

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DRAME | D’Afrique en Europe, Susanne Bier scrute la montée d’une violence angoissante. Fidèle à ses thèmes de prédilection, au point de se répéter?

Dans Brothers (2004), le film qui l’a fait connaître internationalement, Susanne Bier montrait le rapprochement d’une épouse de soldat, parti en mission en Afghanistan et porté disparu là-bas, avec le frère de ce dernier… jusqu’à ce que le mari réapparaisse. Dans After The Wedding (2006), elle suivait le retour au Danemark (et ses conséquences intimes) d’un homme ayant dévoué sa vie à la construction d’un orphelinat en Inde.

Après la parenthèse américaine de Things We Lost In The Fire (2007) qu’elle n’avait pas écrit elle-même, la réalisatrice et scénariste danoise évoque dans son nouveau film le retour au pays d’un de ses compatriotes travaillant comme médecin pour les réfugiés en Afrique. Bier a de la suite dans les idées, au point de reprendre une troisième fois d’affilée ou presque la même structure thématique envoyant un homme du nord en mission au sud, et mesurant les conséquences familiales de son absence puis de son retour au Danemark. Le centre du film étant cette fois occupé par le fils du docteur, un gamin préadolescent qui subit des brimades de la part d’autres enfants de son école, et qu’un autre garçon va tirer de son rôle de souffre-douleur en prenant sa défense de manière violente…

Une spirale infernale

Le projet d’In A Better World est intéressant, qui vise à creuser la question d’une violence gangrénant jusqu’aux enfants d’ici, tandis qu’elle persiste à marquer le quotidien africain. Ici et là-bas, figure et interrogation récurrente de la cinéaste, qu’elle décline cette fois en exposant, via un montage alterné: d’une part l’expérience du papa d’Elias dans un camp de réfugiés où il soigne des blessés mutilés cruellement par un seigneur de la guerre sadique, de l’autre la progression de Christian, le protecteur d’Elias, vers une dérive vengeresse qui pourrait mettre des vies en danger. Le tout sur fond de déchirures intimes, Christian ayant perdu sa mère, victime du cancer, et les parents d’Elias étant séparés…

Bier peut compter sur d’excellents interprètes, tant chez les jeunes Markus Rygaard et William Johnk Nielsen que chez les acteurs adultes parmi lesquels Ulrich Thomsen, déjà présent dans Brothers. Solidement incarné, cadré non moins fermement par une mise en scène classique tirée au cordeau, In A Better World développe néanmoins son propos de manière trop scolaire. Et ce qui était rigueur de construction devient raideur de formulation quand Bier nous donne l’impression de prêcher plutôt que d’offrir à voir. Le spectateur perdant finalement toute liberté de penser par lui-même devant un spectacle démonstratif jusqu’au didactisme (même dans son idéalisation des personnages féminins).

Certes les intentions sont ici les meilleures, et les questions soulevées importantes, mais l’Oscar du meilleur film étranger reçu par In A Better World ne peut masquer l’évidence d’une approche de plus en plus manipulatrice à mesure que l’action progresse. Ni empêcher que ceux qui ont vu et aimé les films précédents de la réalisatrice danoise ne soient gagnés par l’impression qu’à force de se répéter, cette dernière semble filer vers une impasse. Le tout n’est pas d’avoir un message à transmettre, et de vouloir le faire de manière adulte. Encore faut-il allier la création à la démonstration, et ouvrir au regard de l’autre quelque espace à investir.

In A Better World, drame de Susanne Bier, avec Mikael Persbrandt, Ulrich Thomsen, Trine Dyrholm. 1h53.

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Louis Danvers

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