Critique | Musique

Adele – Live at the Royal Albert Hall

POP | Avant de se casser la voix, la chanteuse anglaise enregistrait son concert au mythique Royal Albert « fucking » Hall de Londres. Entre moments de bravoure et humour libérateur.

Adele, Live at the Royal Albert Hall, distribué par XL Recordings. ***

Difficile d’expliquer le succès d’Adele. Sorti en janvier dernier, son 2e album, 21, s’est vendu à plus de 13 millions d’exemplaires, plus gros carton de l’année. Certes, 19, paru en 2008, avait déjà su faire parler de lui et préparé le terrain. Mais en 2011, la jeune femme a franchi une nouvelle étape, qui l’a fait passer du téléchargement par l’amateur au panier de la ménagère.

C’est un triomphe à la fois excessif et mérité. Excessif parce que, comme on le relevait lors de sa sortie, 21 n’est pas exempt de certaines lourdeurs, parfois proche du mielleux. Excessif encore parce qu’Adele écrit et chante une soul-pop rockmantique un peu tristoune qui ne renouvelle pas foncièrement les canons du genre. Mais le triomphe de la jeune femme est aussi justifié parce qu’il est un joli pied de nez à une certaine pop ultracalibrée, boostée aux déhanchements sexys et autres gimmicks creux. Loin des poupées à la Katy Perry ou des créatures über-sexuelles à la Rihanna, l’Anglaise fait figure d’heureuse anomalie. Surtout, Adele dispose d’une voix puissante mais pas parfaite, pleine de grains et d’aspérités. Ce qui lui permet d’ailleurs de régulièrement frôler la gueulante, tellement prisée dans les téléréalités à la X-Factor et autres Star Ac’, sans jamais y tomber. Le Live at Royal Albert Hall en est une preuve exemplaire.

Gamelles sentimentales

Enregistré en septembre dernier, le live est décliné en CD et DVD. Logiquement, la set-list s’arque principalement sur le dernier album. Ce qui donne, sur la version CD, plusieurs moments de bravoure. Elle entame par exemple le concert avec un Hometown Glory de circonstances: seulement accompagnée d’un piano, l’effet est assuré. Ailleurs, une large section de cordes assure les montées dramatiques (Set Fire To The Rain). Cela ne suffit pas à sauver Don’t You Remember, définitivement trop « countrysant ». Mais dans le même temps, il est difficile de résister à sa reprise de Make You Feel My Love de Dylan.

Cela étant dit, pour saisir complètement le phénomène, il faut surtout jeter un oeil au spectacle filmé. Pas parce que le jeu de scène d’Adele y est particulièrement spectaculaire (c’est un euphémisme). Mais sur le DVD, ses interventions entre les morceaux ont été maintenues. Elles font tout le sel du concert. Ou en tout cas dégoupillent en partie ce qui aurait pu l’alourdir. Sur la prestigieuse scène londonienne, Adele explose ainsi, euphorique de pouvoir jouer au « Albert Royal « fucking » Hall! ». Il faut la voir, sa tasse de thé (décorée d’un magnifique basset…) à la main, faire signe au public comme une gamine lors d’un spectacle de fin d’année scolaire. Il faut surtout l’entendre, accent à couper au couteau, raconter ses échecs amoureux et autres gamelles sentimentales, ponctuant régulièrement ses interventions d’un rire de camionneuse. Le tout, sans jamais perdre le fil. Au contraire, les morceaux n’en prennent que plus d’épaisseur. Même la scie Someone Like You, reprise en choeur par le public, est crédible. Replacée dans son contexte londonien, presque « à la maison », Adele fait ainsi mieux passer ce qui la rend unique et populaire. Avec tout ce que ce dernier terme peut avoir d’à la fois généreux et noble.

Laurent Hoebrechts

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