Les temps nouveaux: bruits de bottes

HISTOIRE | La Belgique divisée. Retour sur les années noires du rexisme dans un diptyque où Warnauts et Raives décortiquent l’influence des idéologies politique sur la société d’avant-guerre.

Les temps nouveaux, de Warnauts et Raives, éditions Le Lombard, 3/5

Étrange couple que celui formé par Warnauts et Raives. Dans le domaine de la bande dessinée, leur collaboration -longue déjà d’un quart de siècle- est sans pareille. Leur travail est à ce point lié qu’il est difficile, voire impossible, de distinguer leurs pattes respectives dans un album. Pour faire simple, Warnauts se réserve le texte, Raives les couleurs, le reste (c’est-à-dire la totalité du dessin) étant réalisé à 4 mains. De cette collaboration unique sont sortis quelques perles et aucun véritable navet. Même si ce premier opus des Temps nouveaux prend sa source au Congo, les 2 auteurs abandonnent rapidement leur terre de prédilection pour ancrer leur récit dans un petit village des Ardennes belges.

Après une dizaine d’années passées à crapahuter sur les pistes d’Afrique, Thomas revient dans le village de La Goffe où il a hérité de l’hôtel de son oncle Lucien. Le retour au pays est l’occasion de renouer avec les fantômes qui l’ont poussé à fuir, mais surtout à clarifier le différend qui l’oppose à son frère. Rouge dans l’âme, Thomas n’a jamais supporté les accointances politiques de son frangin. Notaire, celui-ci a développé son cabinet en s’appuyant largement sur les gens du parti Rex. A travers cette lutte fratricide, c’est le portrait d’une Belgique qui va entrer en guerre divisée que dépeignent les 2 auteurs. Si on arrive à faire abstraction de certaines facilités scénaristiques, ces Temps nouveaux se révèlent une subtile machine temporelle avec laquelle on revisite la Belgique à une époque où le catholicisme jetait ses dernières forces pour tenter d’enrayer son déclin. Une bagarre dans laquelle certaines têtes pensantes du clergé n’hésiteront pas à se compromettre avec l’extrême droite pour assurer la pérennité de l’église catholique. Bizarrement, même si le coup de crayon diffère, les planches de Warnauts et Raives sont empreintes de la même nostalgie que celles de Servais. Dans la douceur du trait et des couleurs, elles ont un peu le goût de ces tartines à la confiture que l’on dévorait chez notre tantine de la campagne où l’on passait une partie des grandes vacances.

Vincent Genot

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content