Sortie de route #16: Au nom de la belgitude et du surréalisme à petits bras

Gonzo éthylique, Serge Coosemans chronique chaque lundi la nuit. Cultures noctambules, aventures imbibées, rencontres déglinguées, observations variées, win, lose et sortie de route assurées.

Radio Panik à Recyclart, la soirée Frituure. « Un carnaval de couleurs déjantées », « des ateliers ludiques et créatifs », avec pour thème « la Belgian Touch ». C’est dur d’aligner plus de mauvaises idées en moins de 15 mots mais voilà, j’y suis et à peine dedans, je me rends compte que je suis embourbé en pays clampin, que j’aurais plutôt dû suivre mon détecteur de hype et filer direct chez Mr. Wong voir prester les formidables We Are Enfant Terrible. Ou même me téléporter aux Transardentes de Lîdge, sa coulée continue de bombasses aux accents traînants. Là, c’est tout comme si je rêvais de raves à Goa alors que c’est farandole à Malonne. Sur scène jouent les Terrils, tu parles d’un concept, du « blues wallonien », paraît-il. En fait, ça ressemble surtout à une version locale de ce vieux groupe américain qui passait à la radio il y a 20 ans, G. Love & Special Sauce. Comme le type chante en français, je trouve très amusant de le rebaptiser Jéjé d’Amour et le Bidon La William. Une vanne qui floppe lamentablement auprès de tous ceux et celles sur qui je la teste.

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Une véritable torture plus tard (Beticiclopp, opéra-punk hystérique qui me donne juste envie d’être aux commandes d’un char Abrams), débarque aux platines Pierre Elitair. Anversois, la cinquantaine, une bouille d’hibou ayant avalé trop de souris de laboratoire, le bonhomme est une (petite) légende des années new-beat. Tout en mixant pas forcément bien des classiques d’acid-house, à grands renforts de yeux qui roulent, d’hurlements extatiques et de poses christiques, le voilà qui se met à RACONTER AU MICRO l’histoire de cette musique!!! Sa version du moins, car comme tout bon anversois, Elitair nous gonfle des montgolfières et à l’écouter, Anvers n’aurait pas seulement inventé la new-beat et l’acide mais aussi les platines et la prise dans le mur. Le sketch m’amuse un moment, me consterne bien davantage. Il y a des gens, de l’ambiance, des filles, mais faut bien dire ce qui est, je m’ennuie à peu près autant à cette soirée que le premier soir sans Megaupload. Je suis pourtant de bonne humeur, serein, en bonne compagnie, ouvert aux autres, pas vraiment fielleux. Il se fait juste que mon enthousiasme peine à percuter. Que j’attends un truc qui ne me semble pas venir. Sauf durant le set d’Athome, il est vrai le genre de DJ qui réveillerait un mausolée, avec ses nouveautés dégénérées et ses vieilleries à la Nitzer Ebb. Athome, imprimez bien ce nom, c’est vraiment l’un des meilleurs de l’underground bruxellois, toujours scandaleusement ignoré des circuits plus traditionnels alors que dans un monde idéal, ce type serait de toutes les grosses bamboulas.

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Belgian Touch, Belgian Touch, elle m’emmerde, la Belgian Touch, me sort après cette séance d’aérobic improvisée un type qui commence à me tenir la jambe. Belge ceci, belge cela, c’est toujours l’assurance d’un bon alibi à la médiocrité, ouais, dit-il. Soirée Belgian Touch, c’est quand t’as plus de fric pour te payer des Anglais, voilà. C’est dit sur un ton goguenard, rien de sérieux. Ça ressemble à de la mauvaise foi, bien que l’argument défendu tienne la route. Jadis, un Belge qui voulait se démarquer, surtout dans une matière artistique, à fortiori musicale, avait à trimer comme un forçat. Terre de fonctionnaires, haine du fanfaron, c’était mal barré pour son désir de briller, perçu comme une méprisable prétention, une marotte infantile gênante. Pour atteindre le niveau standard, percer à l’international, intéresser les médias, il fallait donc se donner. Le truc, c’est qu’à peu près personne ne parvenait à répondre à ces critères internationaux et c’est justement cet échec qui créait la personnalité des oeuvres, le fameux « décalage », en fait, la raison de leur succès, de leur côtés avant-gardistes et farouches.

Aujourd’hui, c’est très différent. Les médias, le public et ceux qui ont le pouvoir de lâcher des subsides soutiennent le moindre gland beuglant comme si c’était John Lennon. Il existe un semblant de scène cohérente avec cette Belgian Touch en guise de label fermier. Sauf que l’effet pervers, c’est que ça permet d’assumer sa médiocrité, d’en jouer, plutôt que de tenter de la surpasser.

Au nom de la belgitude, de la poésie modeste et du surréalisme à petits bras. Voilà. Eh bien, merci mec, tu viens d’écrire mon article de lundi, que j’ai souri en fonçant vers la porte, content d’avoir enfin de la matière exploitable à propos de cette soirée sans histoire et n’ayant donc plus de raison de rester là une seconde de plus!

Serge Coosemans

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