Fadila Laanan on the rocks

© Belga

Ministre de la Culture de la Communauté française (1), Fadila Laanan, 43 ans, amateur de U2, Madonna, MC Solaar, depuis 2004 à ce poste, revient sur l’affaire Beenie Man et le politiquement correct.

Fadila Laanan: C’est la première fois sur mes 6 années ministérielles que je suis confrontée à la liberté de programmation d’un opérateur culturel. La semaine du festival, je suis donc interpellée au parlement par Matthieu Daele, écolo wallon, qui me demande ce que je fais face à un opérateur qui programme un chanteur homophobe (Beenie Man) et pourquoi je ne fais pas comme Bruno de Lille (en charge de la Culture du côté flamand) prêt à suspendre la subvention! Je suis assez atterrée parce qu’il n’appartient pas au ministre de s’immiscer dans le programme d’un opérateur mais en même temps, celui-ci ne peut pas porter atteinte aux droits fondamentaux. Je m’étonne que Couleur Café, qui favorise paix, solidarité et convivialité, programme un tel chanteur mais des documents me confirment que le festival a pris ses précautions. Je le dis au parlement, mais le lendemain, la pression est tellement forte de la part du lobby gay mais aussi des ONG hôtes de CC et des sponsors, que cela devient intenable pour Patrick Wallens qui annule la venue de Beenie Man.

Où est la limite du politiquement correct? On peut considérer que Snoop Dogg ou Khaled -programmés à CC- tous deux ayant eu des démêlés avec la justice, ne sont pas fréquentables. C’est le cas d’autres groupes, par exemple de death metal -prônant le suicide- venant régulièrement jouer en Belgique francophone, y compris dans des festivals…

Jamais, je ne me transformerai en police de la culture parce que pour moi, la liberté d’expression est fondamentale comme est fondamental le respect des valeurs par les opérateurs culturels. J’ai reçu un avis positif de la Commission du film qui accorde 600 000 euros au projet de Joachim Lafosse inspiré du drame de Nivelles (une mère de famille y a tué ses cinq enfants début 2007, ndlr). J’ai alors demandé une consultation juridique qui a attiré l’attention sur de possibles recours judiciaires et j’ai aussi reçu le papa des enfants, Monsieur Moqadem. Au final, j’ai néanmoins signé l’aide au film de Lafosse. Pour moi, la culture doit être accessible, démocratique, et permettre d’émanciper les gens.

Le foulard de Diam’s?

Son dernier album est d’une charge émotionnelle très forte, les textes sont révoltés et révoltants (sic), elle a dû vivre des moments très durs pour en arriver à prendre une autre posture. En termes d’image, le foulard est conservateur mais ses textes ne le sont pas… Ce n’est pas mon choix de vie, mais c’est intéressant.

Le cinéma francophone, couvert d’éloges et de prix, a beaucoup de mal à trouver son public, y compris en Belgique: l’une des rares exceptions récentes, Les Barons de Nabil Ben Yadir!

La Belgique francophone doit soutenir des films comme Les Barons et donc, il faut mettre plus de promotion et de pub pour notre cinéma! Ce film a aussi cette touche d’espoir disant que tout n’est pas noir et qu’il faut vouloir participer à l’essor de la Cité, notamment par le travail associatif. Moi, je suis un exemple, une référence par rapports à ces jeunes, quelles que soient leurs origines. J’ai du jobber dès l’âge de 15 ans mais cela ne m’a empêché de faire des études universitaires.

(1) Elle est également ministre de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Egalité des chances de la Communauté française

Philippe Cornet

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