Y a-t-il encore des raves dans les nuits belges?

/ © REUTERS
Flora Eveno Stagiaire

Dans l’imaginaire collectif, les rave parties sont des rassemblements champêtres de jeunes au regard vitreux qui se trémoussent sur des boum-boum, au milieu de vaches interloquées. Une période révolue? Pas vraiment. Plongée dans les tréfonds de la teuf belge.

Très visibles dans les années 90-2000, les rave parties ont depuis perdu de la lumière médiatique. Les journaux ne relatent plus que rarement la colère d’agriculteurs retrouvant leur champ retourné, théâtre d’un bal sauvage, où les paillettes ne sont pas décoratives.

Depuis une dizaine d’années, les raves ont peu à peu disparues du champ médiatique, jusqu’à ce qu’on pense qu’elles n’existent plus, et pourtant… Aujourd’hui, des accords tacites entre organisateurs et agriculteurs et une préparation plus affûtée rendraient les raves plus discrètes, d’après plusieurs témoins.

Réunis autour de la musique underground trance, psytrance et consorts, les « teufeurs » cherchent dans les fêtes sauvages illégales une liberté totale: de la consommation de drogues en tout genre à la musique au volume vertigineux. Beaucoup de choses illicites au menu (comme le souligne, non sans humour involontaire, la chanson de la comédie musicale Cendrillon 2000).

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« Des free parties, il y en a très souvent et un peu partout« 

Désormais nommées « free parties », ces fêtes souterraines ont lieu chaque semaine grâce à une mécanique discrète et bien huilée. « Des free parties, il y en a très souvent et un peu partout« , nous affirme Amandine, 22 ans. Les autorités fédérales et locales ne possèdent elles, aucun chiffres à ce propos. Les organisateurs de free parties ou « sound systems » (ceux qui mettent à disposition le matériel de sonorisation) sont pourtant plusieurs dizaines rien qu’en Belgique à proposer ce type d’événements. Ils invitent régulièrement leur public via les réseaux sociaux. Et chaque week-end, ce sont des centaines voire de milliers de fêtards qui répondent à l’appel. Corentin, 23 ans, ancien habitué de raves en Flandre, nous raconte: « Souvent, j’étais au courant par des potes qui sont dans les réseaux de rave. Sur les réseaux sociaux, tu trouves l’événement mais pas le lieu. Pour ça, il y a des répondeurs téléphoniques qui sont mis en place 1 à 2 heures avant l’événement. Tu appelles un numéro au dernier moment. » Un réseau qui ne fonctionne que par le bouche-à-oreille pour éviter d’ébruiter ce qui est un événement illégal, non déclaré et propice à d’autres activités illicites. Ils ont lieu dans des champs, sous des bretelles d’autoroutes, dans des bâtiments industriels désaffectés, souvent en dehors des villes pour éviter les suspicions. Les organisateurs risquent gros.

Que risque t-on à organiser une free-party?

Pascal Gillot, inspecteur principal de la Police de Liège nous éclaire sur les sanctions prises contre les organisateurs de fêtes clandestines de cet acabit, s’ils sont identifiés: « Les sanctions administratives d’abord, pour événement non signalé, vont de 350 euros au double en cas de récidive. Mais ça ce n’est pas grand-chose pour les organisateurs, comparé au reste. Ensuite on va s’appuyer sur une série de lois spéciales, car souvent les organisateurs contreviennent aussi à d’autres règles: normes sanitaires, nuisances sonores, lois relatives au débit de boisson concernant les mineurs et laisser-faire vis-à-vis de la consommation de stupéfiants. »

C’est ce dernier point qui est le plus sensible. Ces sanctions peuvent aussi amener à une condamnation par le tribunal.

Un système basé sur l’autorégulation

Dans ce monde de la nuit parallèle, les jeunes viennent chercher un espace de liberté totale. « Personnellement, j’y vais plus pour l’ambiance que pour le son […] mais certaines personnes y vont pour se défoncer« , raconte Gregg, 25 ans. Pour Corentin, « tout ce que les gens veulent, c’est noyer leur drogue en paix, en sécurité et taper du pied toute la night. Il y a cet état d’esprit que tu n’as nulle part ailleurs. Il n’y a pas trop d’alcool, mais beaucoup de LSD, kétamine et autres drogues. » Pour le jeune homme, le problème des free parties n’est pas la consommation « réfléchie », mais la présence de participants de plus en plus jeunes, qui révèle un manque de sécurité. Des mineurs ou très jeunes fêtards viennent en effet y consommer des stupéfiants de manière inconsciente. « Et comme il n’y a pas d’encadrement, beaucoup frôlent l’OD [ndlr: overdose] ».

Rave party à la Trinité (Bretagne), juillet 2001.
Rave party à la Trinité (Bretagne), juillet 2001.© REUTERS

Party hard

Comme il est facile d’accéder aux free parties, il est aussi facile d’aller y tester ses limites. Les adolescents passent souvent par cette phase, selon des experts. Mais dans un environnement peu encadré, les risques sont plus importants. Même si Corentin nous fait part de la présence de points d’information sur les drogues dans ces fêtes, ce n’est pas suffisant. Le « système rave » est basé sur l’autorégulation, et tous n’ont pas le réflexe de venir se renseigner sur la marche à suivre concernant la consommation de stupéfiants.

Les rave parties ont survécu aux années 2000, à l’image du désir d’une jeunesse qui aura toujours besoin de se tester. Pour beaucoup de teufeurs comme Gregg ou Corentin, les free parties sont une passade avant de se tourner progressivement vers des soirées plus encadrées.

C’est quoi alors la différence rave/free parties?

D’après nos témoins, même si la plupart n’ont pas connu les raves des années 90-2000, il n’y a pas de différences véritables entre les raves et les frees. A cette question, Amandine nous répond: « Je pense que c’est la même chose, juste avec les musiques de maintenant et les jeunes de maintenant« .

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