Vert Pop verdoefd, ma mauvaise humeur durable

À cause d’un chat dictatorial, d’un pain tombé à terre, de voisins bricoleurs, de 10 baths, d’une raclure de taximan, de mérule, de gros porcs et de champagne à la pomme, Serge Coosemans est sorti de la Vert Pop de très mauvaise humeur. Sortie de route, track #35.

L’oeil noir, l’épicière me fait comprendre qu’il n’en faudrait pas beaucoup plus pour qu’elle me sorte de son magasin à coups de saucisson de dinde halal sur la tête. Je viens de lui tendre ce que je pensais être une pièce de 2 euros, en échange d’une baguette de pain que j’ai déjà commencé à grignoter. « C’est pas de l’argent ça, Monsieur! », qu’elle me lâche. Si cela en est. Mais du thaïlandais. 10 baths. 10 baths qui sont à 2 euros ce que le Canada Dry est au whisky. « Raclure de taximan! », je lâche, comprenant seulement maintenant que je me suis fait avoir au matin blême, au moment de récupérer la monnaie sur le billet qui paya la course. Cinq minutes plus tard, les lumières de la cage d’escalier et de l’ascenseur de l’immeuble pètent. Je suis dans le noir complet, je me trompe d’étage, je me cogne. Mon pain tombe à terre, je marche dessus. De retour à l’appartement, celui d’amis en vacances, leur chat m’explique l’air complètement zehef que le changement de litière, c’est maintenant: « toi, le grand con, tu me tires les crottes du bac RIGHT NOW ou je te fabrique fissa une tronche à la Seal! » Sous la menace des papattes pleines de grigriffes, je m’exécute, alors que les voisins se mettent à forer, poncer, percer, marteler. Dimanche 17 juin 2012, 13 heures, au réveil vaseux, c’est gagné, je suis totalement de mauvaise humeur. Une bouderie accompagnée d’abominables relents de champagne à la pomme et quand je renifle, j’ai encore au fond de la gorge comme un goût de mérule. Merci qui? Merci Vert Pop. Que je rebaptise derechef Verdoefd! Les brusseleirs comprendront…

Vert Pop est l’annuelle bamboula dansante du parti Ecolo, leur Fête du Progrès à eux. Comme l’an dernier, ils l’organisaient dans l’ancien cinéma Marivaux, désormais véritable chancre au look destroy, mérulé, très berlinois. C’est grand, très, trop, ce que j’ignorais, vu que c’est la première fois que je mettais un pied à une Vert Pop. Il a à peu près fallu cinq minutes pour que l’on commence à me saloper les pompes en marchant dessus, près d’un quart d’heure pour complètement perdre mes amis et une petite heure pour me faire renverser une première bière sur la veste par un rustaud qui ne s’est même pas excusé. Une demi-heure pour que je commence à trouver l’air totalement irrespirable, surtout dans la salle du dessus. Dix minutes pour comprendre que tout excellents et respectables qu’ils soient en général, les DJ (Pierre du Fuse et James Holden), vu les circonstances et la foule, allaient privilégier la grosse techno comme on en passe dans les méga-discothèques. Et il se fait que je HAIS les méga-discothèques. Un petit club intimiste, 300 personnes maximum, un deejay éclectique et pointu, voilà mon idée du plaisir. 2000 personnes sur de la oumpapa, c’est juste un putain de cauchemar.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Gratté dans la file du bar par un parfait connard, je félicite le type d’un freestyle d’insultes: « Vraiment, bravo, je voulais te décerner le Nobel de la Grosse Enflure. C’est vraiment fantastique de se comporter comme une telle merde. Ça met une sacrée bonne ambiance, tu lances des vocations, t’as vraiment tout capté au jihad des pourrisseurs de soirées alors qu’à voir ta balle, c’était pourtant pas gagné que tu comprennes grand-chose à la life… » J’y vais tellement sec que je me dis que ça va partir en sucette mais je m’en fous, je suis prêt à lui dévorer le visage et vider la salle en jouant au zombie de Miami tellement tout me porte d’un coup sur les nerfs. Mais le type prend tout cela très bien. Cela ne le fâche pas du tout, le voilà même qui m’explique très calmement qu’il assume totalement ce comportement, que c’est tout lui, sa personnalité vraie et qu’il en est fier: il ne supporte tout simplement pas de faire la file, il est misanthrope, c’est comme ça! Un peu scié, je reste flan et je pars à la recherche de mes amis. Je monte aux étages, je redescends, le Marivaux est plein de couloirs qui ne mènent nulle part. Des tripotées de gros porcs en profitent pour pisser n’importe où. Ce comportement me débecte. Vraiment. Dour à côté, c’est la cour impériale japonaise.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

De retour bredouille dans la salle principale, la oumpapa kilométrique commence à drôlement elle aussi me courir sur le haricot. Techno bourrine, elle se danse en piétinant sur place comme un Gille de Binche, le bras à 45 degrés et l’index qui bat la mesure. Je m’ennuie, je m’adosse à un mur et je commence à penser comment bourrer cette chronique. Je pars sur l’idée d’un juste milieu entre article et sketch, qui expliquerait que les soirées politiques sont symptomatiques des partis qui les organisent. Le PS jette le pognon par les fenêtres et tente le grand écart entre branchouille et militants saucisses/fanfare. Les Ecolos se la jouent branchés mais avec quelques trains de retard (James Holden, sa hype, c’était en 2003). Le CDH ne fait la fête que s’il y a des châteaux gonflables, des enfants trisomiques et qu’à 21h30, tout le monde est couché. Et au MR, on sort la tarte al djote, le Cabernet et les blagues sur les Norvégiens. Je me rends compte que cela ne tient pas. Je ne me fais plus rire. J’en ai ras la couenne et je fuis. Sur le chemin du Marivaux aux taxis de la Bourse, un mec veut me taxer un clope, un autre me vendre du shit, une sosie de Lova Moor ses miches et le taximan m’arnaque. Rentré au bercail, le monstre me fixe, la moustache mauvaise: « c’est à cette heure-ci que tu rentres? Sans lait? Sans croquettes? » Je pense lui faire passer la nuit dans le micro-onde pour lui apprendre les bonnes manières mais je m’endors avant, exténué. Complètement verdoefd.

Serge Coosemans

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content