Serge Coosemans

Trois bonnes idées ramenées de sous le kilt

Serge Coosemans Chroniqueur

Les touristes revenant d’Écosse ramènent généralement du whisky, des magnets du Monstre du Loch Ness et des kilts pour rire à £25. D’Edinburgh, Serge Coosemans a quant à lui importé quelques bonnes idées qui pourraient transformer pour un mieux la nuit bruxelloise. Sortie de Route, S04E32.

1. Le rendez-vous pochetron

À Edinburgh, sur le Royal Mile, en début de soirée, il est possible de participer avec de parfaits inconnus à deux virées collectives. Il faut attendre à un point de rendez-vous fixe que les gens soient suffisamment nombreux. Parfois, il n’y a personne. D’autres soirs, se forme une joyeuse bande. La première de ces visites propose de découvrir les lieux prétendument hantés de la ville. La seconde est beaucoup moins morbide mais aussi nettement moins aléatoire, vu que là, on est sûrs de croiser de grands esprits. Il s’agit d’un « pub crawl », une tournée des pubs. Tout cela est bien entendu principalement destiné aux touristes mais ne l’ayant pas compris directement, je me suis plu à imaginer que c’était quelque-chose de très spontané. Une sorte d’apéro Facebook systématique, tous les soirs au même endroit, sans besoin des réseaux sociaux. Si tu veux picoler avec des inconnus, c’est tel rencart, telle heure, avec éventuellement l’appui de quelques pubs qui offrent des ristournes sur les consommations aux tablées de participants et peu importe que ceux-ci soient touristes, étudiants, expats, locaux. C’est une aventure en soi: on peut très bien tomber sur des cas sociaux pénibles et le lendemain sur une équipe de grands ducs. Cela ne demande pas une organisation folle, ni même beaucoup de soutien, et c’est bien pourquoi je me disais qu’il serait bon qu’il existe pareille initiative à Bruxelles, ville où les gens sont toutefois sans doute beaucoup trop méfiants, avec leurs petits esprits tribaux et leur mépris inné, pour que ça marche vraiment. Dommage, car ce serait tout de même nettement plus funky et utile pour rendre la ville sympathique que la possibilité de pique-niquer Place de la Bourse.

2. Le club de poche

Sneaky Pete’s, sur Cowagte, à Edinburgh est un tout petit club. Un comptoir, une minuscule scène, un dancefloor. Pas de chaises, pas de tables. On peut y caser 100 personnes serrées comme des jeunes couillons asiatiques équipés de perches à selfies dans un magasin de souvenirs kitschs. C’est ouvert tous les soirs et la programmation est exceptionnelle, incroyable même, car il y joue des noms qui, chez nous, se croisent plutôt sur les affiches de l’Ancienne Belgique et du Fuse. Ce 30 avril 2015, y prestait par exemple Daniel Avery, grosse pointure du deejaying contemporain. Daniel Avery pour 100 personnes donc, et avec seulement 10 tickets à l’entrée, vu que les 90 autres avaient été raflés en prévente, laissant sur le carreau quelques 500 « participants » Facebook forcément jaloux. Daniel Avery pour la sixième fois au Sneaky Pete’s, le bonhomme ayant ici ses habitudes, parmi lesquelles celle de retourner complètement les têtes. Nous, on n’a même pas essayé d’y entrer mais c’est assurément le genre de boxon dont on rêve tous, que l’on s’est même un jour promis d’ouvrir à Bruxelles (projet d’ivrognes entre amis d’un soir de 2009: racheter Le Laboureur de la rue de Flandre et y engager Superpitcher en résidence).

À une époque où le monde du clubbing se désespère que les gens ne sortent plus parce qu’il leur faudrait du storytelling à exposer sur les réseaux sociaux et que ce storytelling se trouverait davantage en festivals et en méga-events qu’en discothèques, Sneaky Pete’s est un joli doigt du milieu bien tendu à toutes ces tablées d’imbéciles qui ne font jamais que justifier leurs appétits de grandeurs et leurs compromissions business. Il prouve en effet que 4 murs, une sono correcte, la passion et pas mal de débrouillardise de la part du programmateur suffisent toujours à fabriquer des nuits de légendes. Toujours. 100 personnes, sur le modèle « first come, first served », dans une cave blindée devant les meilleurs DJ’s et groupes du moment ou même de demain. Vous vouliez du storytelling? Que pouvoir raconter de mieux?

3. Assez avec la dude food

Dans son numéro d’avril-juin 2015, la version écossaise du gratuit The List a décidé que les hamburgers, c’était fini. Glasgow est désormais « positivement saturée » de burgers, écrivent-ils, et les mini-chaînes de hamburgers pour gourmets commencent également à envahir Edinburgh, sans parler de tous ces restos indépendants qui proposent des hamburgers au boeuf écossais, le fameux angus beef. The List en a marre de ce qu’ils appellent la « dude food » et a même lancé une opération sur Twitter intitulée @WeWantPlates, autrement dit « nous voulons des assiettes », car le burger, même finement préparé, et comme beaucoup d’autres nourritures jouettes et modernes, se consomme surtout dans des petits paniers, dans des boîtes en carton et dans du papier. C’est joli, différent, conceptuel, mais nettement plus facile à prendre en photo qu’à manger sans s’en foutre partout. Nous nous sommes compris, inutile de nous étendre: Bruxelles souffre du même problème. @WeWantPlatesToo @Pasdassiettecestpourlesclettes

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