Critique | Musique

The Roots – Undun

HIP HOP | Avec Undun, The Roots imagine un concept-album autour de la vie et la mort d’un petit dealer. Un nouveau coup de maître.

The Roots, Undun, distribué par Universal. ****

Ecouter l’album sur Spotify.

Vingt-quatre ans que l’entité The Roots existe. Et pourtant, qui peut identifier précisément les membres du groupe? Il y a bien sûr ?uestlove, batteur dont l’afro XXL sert à elle seule de signature visuelle au band. Derrière le micro, Black Thought reste également un point de repère essentiel. Au-delà, difficile pourtant de cerner complètement la formation de Philadelphie, qui va, qui vient… Au début de son parcours, The Roots était surtout présenté comme le groupe hip hop « qui utilise de vrais instruments ». Sa vraie particularité est pourtant ailleurs: dans un univers hip hop qui carbure souvent à l’ego-trip, The Roots l’a toujours joué collectif.

Vie et mort d’un dealer

Cela n’a peut-être jamais été autant le cas que sur le nouveau Undun, 13e album d’une discographie aux déchets rares. Depuis 2 ans, The Roots officie comme backing band permanent pour l’un des principaux talk shows américains, le Late Night with Jimmy Fallon, sur NBC. Un travail au quotidien qui a certainement encore un peu plus huilé les rouages de la machine. Mais ce n’est pas le seul bénéfice de la manoeuvre: en interview, ?uestlove explique volontiers que le job a permis au groupe de se libérer d’une certaine pression, lui offrant une nouvelle indépendance financière. Du coup, The Roots franchit aujourd’hui un pas supplémentaire avec un  » album-concept « . Pas de prise de tête à craindre: si Undun s’apprécie sur la longueur, demandant du temps avant que ne se décante son clair-obscur, il reste fluide et hospitalier. Le pari d’Undun est en fait de proposer une sorte de conte urbain : le disque retrace le parcours de Redford Stephens, personnage fictif dont la vie dérape, des petits trafics au coin de rue à la mort violente. Une  » fable  » du ghetto comme la musique soul en a produit pas mal. L’originalité d’Undun est de la prendre à rebours, en débutant le disque par la fin, avec le bip de l’encéphalogramme plat.

Undun a surtout la bonne idée d’éviter à la fois le piège du conte moral et celui de la glorification. Ni victime, ni héros, « juste un gamin qui construit son monde de manière à lui donner le plus de sens possible « , explique le groupe, avant de conclure: « Après tout… n’est-ce pas ce que nous faisons tous? » Cela n’en dit pas seulement beaucoup sur le point de vue politique du groupe -l’individu qui se débat avec son environnement, broyé par la « machine »-, mais aussi sur son approche musicale. Autant le son du collectif a quelque chose de profondément organique, autant il existe une « qualité Roots » intangible qui peut être agaçante. Une sorte de perfection qui tient à distance. C’est sans doute la manière qu’a trouvée le groupe pour éviter toute démagogie.

Il faut donc un peu de temps pour briser le glacis. Mais l’histoire qu’on y trouve en-dessous vaut la peine d’être écoutée. Un titre comme Make My par exemple s’écoule lentement, distillant une douce amertume, se terminant par un groove mélancolique qu’on prie de voir s’allonger encore et encore. Electriques, Kool On ou Stomp amènent des couleurs plus tranchées, tandis que Tip The Scale est un petit bijou de soul engagée. En toute fin, The Roots reprend, avec lui, le Redford de Sufjan Stevens, premier segment d’un épilogue découpé en 4 « mouvements ». La conclusion instrumentale idéale d’un disque court (38 minutes à peine), mais parfaitement maîtrisé.

Laurent Hoebrechts

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