Supervue festival, terril terrible

Supervue Festival, hyper panorama © Thierry Lechanteur / Supervue 2018

Bilan d’un weekend sous le soleil. Des musiques qui innovent, entre BétØn, He4rtbroken et Slagwerk, une grande histoire de collectifs.

De la poussière, c’est tout ce qu’il reste. Sur les vêtements qui ont trop dansé, dans les oreilles qui bourdonnent, dans les bouches qui goûtent le désert. Sur les hauteurs de Liège, un festival un peu à part. Une affiche d’initiés, de l’art contemporain et du soleil. Le Supervue, c’était ce weekend. Et quoi de mieux qu’un lundi matin pour faire le bilan.

À porter un nom pareil, on s’expose à un risque, un danger terrifiant: les mauvais jeux de mots. C’était dur, au début. Mais ça lasse, heureusement. Parce que du haut du terril Piron, le panorama était plutôt pas mal. Des couchers de soleil au scintillement des lumières de la zone industrielle de Liège, il y avait de la matière. Et ça, c’est pour la scène Point de vue. Un espace intimiste qui toise les méandres de la Meuse.

Un premier soir d’éclipse lunaire totale. Le camouflet de la nuit. Trop de nuages. Il ne restait plus qu’à focaliser l’attention sur un des meilleurs lives de la soirée, BétØn. Un projet fort, quasi pédagogique. Sept compères du collectif bruxellois FTRSND pour la reprise de In C de Terry Riley, le parrain de la musique minimaliste. Des câbles dans tous les sens, une collection impressionnante de synthétiseurs et surtout, la représentation visuelle des séquences jouées. Parce que voir la musique aide à la comprendre.

Ici, c’était un grand écran divisé en autant de sections que d’artistes. Sur chaque partie, une partition MIDI de la séquence en cours. On n’aperçoit pas les notes mais des petits carrés, des rectangles qui défilent. Et ensuite, à chaque déphasage, à chaque changement de tempo, se déplacent les partitions en mouvement. Ça bouge dans tous les sens, on s’y accroche, on y voit plus clair. C’est le jeu, un live qui rend intelligent.

La force de Supervue, c’est d’avoir réuni les collectifs qui secouent les nuits belges. Parce qu’après BétØn, il y avait Gay Haze. Eux, c’est la house qu’ils mettent en feu. La meilleure ambiance de la soirée. Mais ils avaient un avantage, un public acquis d’avance. Le cool était à Liège ce soir-là, avec un autre accent, celui de l’acid house, de la new beat et de l’italodisco.

Et puis, tout d’un coup, Croww. Un ovni mancunien qui ouvre son set avec une version downtempo de Gigi D’Agostino, et qui s’échappe sans prévenir dans les confins du noise. Des bruits de dinosaures dans la suie noire du terril. Son dernier EP, quatre titres conçus uniquement à partir de samples de Slipknot. Brutal.

Le lendemain, c’est dix degrés de moins et 1000 personnes de plus. Supervue continue sa balade dans le mélange des genres et la subculture. Parmi les artistes qui gomment les frontières de la musique, il y a le duo de He4rtbroken. L’idée, secouer les émotions. Parce que dans ces eaux-là, on tombe sur un gros Validée de Booba qui côtoient la hype de Sky-H1 ou de Soda Plains. STEFF et Liyo, un vent de fraîcheur qui fait du bien à l’électronique depuis 2015. He4rtbroken, c’est aussi des soirées, tous les deux-trois mois, gender fluid.

Dans la même famille, il y a les Flamands de Slagwerk. Leur univers à eux sent les visuels dégueulasses des soirées jumpstyle des années 2000, les concours de motocross dans la boue et le cool dans le pire. Encore un collectif qui regroupe sous son nom des artistes de l’expérimentation. Ça crée du nouveau, ça repousse les barrières. Du plaisir. Et après leur live, les gars de Leuven ont assuré le show dans le public avec leurs amis de Perron Zes.

Pour finir en beauté, un combat entre deux scènes. Ce genre de programmations qui déchirent le coeur. Alors on va voir un peu des deux. Et ça frustre. Sur la main stage, DJ Lycox. Signé sur le label portugais Principe, pour un mélange afro-disco-trappy-house. Un public terrible pour un envahissement de scène quasi réussi. De l’autre côté, Front de Cadeaux. Un duo de DJ qui en ont, de la bouteille et du bon goût. Un live set au vinyle, subtil et efficace. Avec, en supplément, le grain du disque qui tourne. Parfait pour clôturer un weekend Cité Ardente, qui ne ressemble à rien d’autre

Victor Huon

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