Critique | Musique

Sigur Ros – Inni

POST-ROCK | Trois CD/DVD saisissent Sigur Ros live dans ses fièvres boréales, entre cri primal, délire baroque et éjaculations punks. Bienvenue en Islande.

Au début du DVD qui forme un tiers de ce live, on voit une séquence d’ITV: on demande aux 4 musiciens islandais si leur musique a toujours été expérimentale ou si, au fil du temps, ils sont passés à quelque chose de moins en moins conventionnel. De légers sourires et un lourd silence: on n’aura pas de réponse. Sigur Ros livre une musique sans réponse, essentiellement construite sur des accords mineurs qui s’allongent, s’étirent et se régénèrent dans le même flux organique, passant du fleuve à la rivière à l’océan sonore. Parfois, c’est l’Etna -ou plutôt l’Eyjafjöll- dégueulant une marée d’alluvions bouillantes, parfois ce n’est qu’un fin nuage de poussières incandescentes, boosté par une suavité que n’aurait pas reniée Johann Sebastian Bach quand il composait pour Dieu.

Sur cette structure qui néglige les codes refrain/couplet et s’octroie de brusques accords punks, se greffe le falsetto de Jonsi, jouant au yoyo avec les tonalités comme avec l’idée -visiblement superflue chez Sigur Ros- de « groupe rock ». En live, le son discipliné des disques prend un coup de gros sel: tout semble plus cru, plus exacerbé, plus orgiaque, plus sentimental. Parce que ce groupe qualifié de post-rock utilise des mélodies mélancolico-désuètes: dans d’autres arrangements (…), elles feraient bien le slow de l’été, de Wépion à Reykjavik.

Artyficiel?

Vincent Morisset -alias Vincent Moon, réalisateur français signataire d’un documentaire remarqué sur Arcade Fire, et d’autres consacrés à Beirut, The National ou encore Efterklang, a filmé les 2 concerts de Sigur Ros fin 2008 à l’Alexandra Palace de Londres. A ce moment-là, il est beaucoup question de la fin du groupe, fondé en 1994: aujourd’hui, on parle d’un nouveau disque et d’une tournée pour 2012.

Même si un doc live des Sigur est déjà paru en DVD en septembre 2007 (Heima), le Vincent capte ces faux adieux via un objet filmique noir et blanc, balayé par des effets de strobes aux allures de cinéma muet. Pas de gros plan, pas davantage de public -à 2 exceptions près- et des interludes consacrés à quelques archives du groupe islandais, le plus souvent détournées de leur synchro originale. Plus une poignée d’animations d’origine pas toujours contrôlables, comme, au hasard cette courte giclée de boue noire qui précède Luppulagid… Si on devait baptiser la chose, on parlerait de « cinéma foetus ». Un peu lynchien, très arty, parfois très beau, parfois vain. La musique, elle, se contente d’un naturel volcanique: 9 morceaux sur le DVD, 15 sur les 2 CD. La drôle de troupe menée par un Jonsi gay et aveugle d’un oeil déterre pleinement sa vibration universelle, au carrefour des fantasmes mystiques, de la musique classique et de l’éclate naturaliste. Jamais trop loin de l’essentiel en fait…

Philippe Cornet

Sigur Rós, Inni, distribué par EMI. ****
www.sigur-ros.co.uk

Ecouter l’album sur Spotify.

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