Rétro 2016: Bob Dylan, le choix audacieux de l’Académie des Nobel

Un prix Nobel accepté mais pas réceptionné en mains propres. © Reuters
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Un pas en avant, deux en arrière: après avoir laissé planer le doute, Bob Dylan a fini par accepter un prix Nobel de littérature qui n’a pas manqué de faire réagir.

Stupeur et tremblements: le 13 octobre, Bob Dylan rejoignait Ernest Hemingway, Albert Camus, Toni Morrison ou encore Dario Fo au tableau des lauréats du prix Nobel de littérature. Lui, le chanteur folk-rock, idole sixties, placé au sommet des lettres, damant le pion aux écrivains installés! Plus d’un a avalé de travers… D’autant que Dylan a eu le triomphe un peu contrarié. Après l’annonce, le barde restera muet pendant plusieurs jours. De quoi agacer l’institution: comment interpréter ce mutisme sinon comme un manque de gratitude envers le geste d’ouverture du comité?

Finalement, quinze jours plus tard, Dylan se résignera (?) à accepter le prix. Dans une interview au Telegraph, il avouera sa surprise: « Qui peut oser rêver d’une chose pareille? » Et assurera vouloir se rendre à la cérémonie de remise des Nobel… si son agenda le lui permettait. Ce qui ne fut manifestement pas le cas. Piscine, cours de taï-chi, ou passage du plombier pour changer la chaudière avant l’hiver? Toujours est-il que l’Académie fut bien obligée d’annoncer que « malgré le souhait de Bob Dylan de recevoir le prix en mains propres, celui-ci était retenu par d’autres engagements »… Ainsi, le chanteur aura continué de cultiver son image de star un poil misanthrope, toujours prête à prendre le contrepied. Surtout si cela lui permet d’échapper au mythe qui s’est construit autour de lui. Et quitte à s’autosaborder, comme avec l’histoire du Nobel…

En récompensant Dylan, le comité a voulu saluer la manière dont le musicien a su « créer de nouvelles expressions poétiques à l’intérieur de la grande tradition de la chanson américaine ». Un choix audacieux, certes, mais pas complètement surprenant: cela faisait un moment que, chaque année, le nom de Dylan revenait dans la liste des nobelisables. Non, en réalité, le plus étonnant dans toute cette histoire est peut-être que l’on s’en soit, à ce point, étonné… Depuis le temps qu’il était là, on pensait que le rock avait conquis une forme de noblesse. Que le postmodernisme lui avait même permis de rivaliser avec les arts classiques (un riff de Chuck Berry égale un vers de Rimbaud). Tout faux. Force est de constater qu’il doit toujours se justifier. Même quand le Nobel va rechercher l’un de ses principaux héros, icône culturelle incontournable du XXe siècle, au même titre que Picasso.

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