Redactie - Rédaction

Quand Redman ressuscite le Cimetière

Lundi, c’est mariachi. Petit retour habituel sur quelques temps forts du week-end nocturne bruxellois. Night in Night out, épisode 23, où Redman put le Tavernier on fire et où rester sobre n’a rien de facile.

Ça commence par un statut Facebook. Et donc par un recyclage de blague: « Motherfuckers blow your horns! Demain soir, Redman au Tavernier! Avant Eminem au Waff et Madonna au Quick de la Toison d’Or? Improbable, mais inratable! » Improbable… Cocasse… rocambolesque… Si farfelu, d’ailleurs, que certains membres éminents de mon cheptel amical regrettèrent bien amèrement, jeudi au réveil, de s’être figuré qu’il s’agissait d’une farce. Ce turlupin de Seydina Ba, via sa plateforme événementielle One Nation Under A Groove, a décidément plus d’un tour dans son frigo-box. Parce que mercredi, sur le coup de 23h, l’ami Redman enfiévrait bel et bien le Tavernier. En force. En flammes. En fumée.

Reggie Noble, alias Redman pour les pas intimes (si tu connais l’antonyme d’intime, fais péter !), c’est un peu, et là je vais la jouer name dropppeur fou, le Jacques Rivette de la Nouvelle Vague, le Michel Butor du Nouveau Roman, l’Alan Braxe de la French Touch, le Clyde Drexler de la Dream Team 1992 et l’Emmanuel Petit de France 98, le Ringo des Beatles et le Nick Mason des Pink Floyd, le Camille Pissaro de l’impressionnisme et le Michael Collins d’Apollo 11. C’est-à-dire un mec qui compte, un cador, un monstre mais pas une légende, un grand mais pas le plus grand, ou en tout cas pas le plus populaire. Pas le plus populaire d’une génération platinée de rappeurs américains grâce à qui, aujourd’hui, le hip hop s’est transformé en usine rentable. Une génération 1969-1972 qui, sur trois ans seulement, enfanta les Jay-Z, Snoop Dogg, Timbaland, Missy Elliott, Biggie, Tupac, Puff Daddy, Eminem, Busta Rhymes et Ménélik.

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Tout ça pour dire que le sieur Redman, auteur de tubes grandiloquents (Smash Sumthin), animaux (Let’s get dirty), putassiers (Dirty, avec Christina Aguilera), futés (Oooh avec De La Soul), imparables (React avec Erick Sermon) et forcément magiques (Da Rockwilder avec son éternel complice Method Man du Wu-Tang-Clan) semblait avoir la carrure un peu costaude pour déposer son baluchon au Tavernier. Certes, avec sa déco brute et sa programmation alternative, la brasserie-loft estudianto-bobo du Cimetière d’Ixelles is one of the good guys, comme on dit dans la langue de j’expire. Chouette, sympa, mais passée de hype depuis l’invention du cure-dent. Et un peu corsetée pour accueillir en DJ set une vraie star du rap US. Au final, bonne surprise: configuré de la sorte, petite scène à l’arrière, en plateau ouvert, tapissé aux 4/5 par le public habituel des soirées One Nation Under A Groove (bouillant patate, diversifié, connaisseur, bon esprit), le Tavernier tirait une sacrée gueule, mercredi soir.

Enseignement principal? Redman connaît « Night in Night out », connaît mes goûts musicaux, c’est obligé! Quand j’y repense, ça me fait encore tout chaud dans la chaussette: Reggie a passé très exactement la playlist de mes rêves, pas trop pointue, pas trop mainstream, pas trop old-school, pas trop djeunz, trop mortelle. Du simple, de l’efficace, du fracassant, des bras en l’air, des chaloupes, des doigts qui font yo, du Busta, du T.I, du Warren G, du Missy, du Sean Paul, du Lil Wayne, du TLC, du De La Soul et un final avec Da Rockwilder et Gravel Pit, du Wu-Tang. Au micro, Redman prenait clairement son pied, aucun doute, et quémandait Marie Juana toutes les trois minutes: « Est-ce qu’on fume plus en Belgique ou en Suisse? Est-ce que l’herbe est meilleure en Belgique ou en Suisse? » J’ignore l’origine de cette helvète obsession, mais Redman a terminé en criant qu’avec Rome et la Suisse, ce gig avait été le meilleur de sa tournée. Gros souvenir. Comme on peut voir sur la vidéo ci-dessous, la beuh lui est réellement parvenue tout au long de la soirée. Et la Bruxelloise a l’air plutôt efficace.

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« Quand tu vois que je fête mes 30 ans aujourd’hui alors que j’avais 18 ans hier. Les jours passent comme les voitures », chantaient Jacky et Benji des Neg’Marrons dans le taxi du retour. Taxi? Je te le confiais douloureusement la semaine dernière: rangée au clou, seule dans la nuit, la Ploucomobile attend que les excès de son propriétaire soient excusés par la justice. Plus de permis. Plus envie de picoler non plus. La vodka-Perrier, c’est très 2010 en vrai. Vive le jus de pamplemousse. Ou peu. Jeudi, j’ai jusdepamplemoussé toute la nuit. Et ça fait bizarre. Bizarre, parce quand je commande un jus, même mon cerveau ne me croit pas. De toute façon, au Wood, c’était tellement blindé que boire un jus ou une liqueur de patate n’était même pas à l’ordre du soir.

Deux fois. Par deux fois l’ami Laurenzinho s’était manifesté sur mon mur Facebook pour me rappeler aux bons souvenirs de l’Allemand Marc Romboy, boss du label Systematic, qui venait chatouiller les platines jeudi soir. J’étais cassé. A pied. Mais professionnel. Plus question de laisser « Night in Night out » aux démons de la moulitude. D’autant que Romboy, par un hasard de l’histoire, tournouille de temps à autre dans mon MP3. Curiosité. Et acquis de conscience, malgré le décalage: les Woodstrasse du jeudi, aussi pointues et intègres soient-elles sur le plan musical, ont l’habitude d’accueillir un public qui n’a pas connu l’élimination de la Belgique à la Coupe du Monde 1990. Qui n’a pas vu les larmes de Michel Preud’Homme, assassiné par un but aussi miraculeux qu’injuste de David Platt, à la 119ème minute. Le public de la Woodstrasse, en 1990, était pour l’essentiel en voie de conception ou, au mieux, en cours d’allaitement. Un peu djeunz pour ma face de bientôt ex-vingtenaire cramé.

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Un doigt sur la console, un oeil sur son MacBook, cette « référence dans la minimale house allemande, particulièrement pour les amateurs de kicks moelleux et de lignes de Moog saturées » (dixit l’excellent magazine Tsugi) a mis le Wood sur roulettes: ça crie, siffle, balance de gauche à droite. Look de boucher solitaire, Marc Romboy semble habité par son set de « progressive tech-house parfois deep parfois en déglingue » (dixit Laurenzinho) tout en montées et en punch malgré l’aspect plus mélodique de ses productions propres. Et là, grosse remise en question. Quelles sont les recettes d’un bon set électro? Pourquoi ça me soule, tout d’un coup, alors que clairement, le son tient vachement bien la route et que l’ambiance y est? Serait-ce la sobriété? L’impression d’écouter de l’électro où que j’aille et de n’y voir, pour finir, qu’un magma informe? L’impression d’avoir préféré le set bondissant de Laurenzinho, qui jouait juste avant? L’envie de faire souffrir les centaines de fumeurs en pleine préparation de mon cancer du poumon? Va savoir…

« Site rt rpuwi iolu dernière fois… Flufho hy mou lup c’est toujours la même, non? », m’apostrophe-t-on, dans un langage mystico-sentimental. Là, mon sobre cerveau s’est crashé sur le quai. Et les TGV d’alcool sont passés. Il est trop tard. Choper un taxi devant le Wood. Y’a pas de taxi devant le Wood. Il est 3h. Le thermomètre me glace des os dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Marcher un peu, se réchauffer. Atteindre le boulevard Général Jacques, comme Eric et Ramzy dans Seul Two, Panta Rei d’Agoria en repeat dans le MP3, parce que j’ose pas retirer mes gants. Sobre, sans caisse, c’est une épreuve, sortir. À hauteur du Cimetière d’Ixelles, la délivrance. Mais je ressemble à un Calipo.

Vingt-quatre heures plus tard, toujours au Cimetière d’Ixelles, j’entendrai des students à pennes réciter pour l’ensemble du quartier ces jolis vers: « ??? est une ville où règne le sida, toutes les filles sont faciles, elles sucent les Bruxellois. » Fil rouge, donc, pour le Cimetière, ce week-end. Après l’expérience électro-dubitative de jeudi, j’avais envie d’autre chose, de décalé, de neuf. « Viens, je t’emmène dans une soirée cuir-latex, sur la péniche », m’encouragera samedi un célèbre membre du milieu nocturne. Lol. Où tu trouves un costume de latex la nuit toi? Bref, de décalé, vendredi, je n’ai trouvé que le … Waff. Pas envie de reparler une fois encore d’Anarchic, pas envie de me perdre aux Noces Royales. Envie de me moquer du Waff, parce qu’on a toujours l’essence plus vive quand on brûle ce qu’on a adoré.

Il fut une période de ma vie, après Michel Preud’Homme mais avant le Libertine Supersport, où le Waff me servait d’appartement de secours. Genre quatre fois par semaines. Puis on m’a dégagé parce que j’étais en tee-shirt. Puis c’est devenu moins bien. Puis la dernière fois où j’y ai mis les pieds, c’était la guerre, y’avait 80 chacals pour 5 femmes. « Ce soir, je veux rien savoir, je vais me trouver une chatte ici, keskia??? » s’était bougrement emporté, ce soir-là, un VRP de la mafia albanaise. Le Barabar en plus branché qu’était le Waff s’était transformé en repère un peu louche, comme disait ma grand-mère, et ma surprise ne fut que plus grande, vendredi, de constater qu’un arrivage massif de bichons mignons, de chemises à carreaux et de mèches s’était laissé emporté jusque dans mon ancien QG. Rééquilibrant par la même occasion les forces en présence. Alors, évidemment, au Waff, on passe toujours de la dance de Turnhout, du Akon, du Guetta, de l’Alabina (yalla!), du 1,2,3 Soleil et des medleys de Shakira. Mais dans la bonne humeur. Et là, parce que je ne suis pas la moitié d’un fou, parce que ma liberté d’expression est totale, parce que j’ose tout, que Desproges était un Teletubbie à côté de moi, que j’aime George Michael, que je suis le Jackass de l’ego-trip et bien, pour terminer, je te poste un Shakira que j’adore, en souvenir. Keskia? Rideau.

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Guillermo Guiz

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