Nos découvertes au Spot Festival danois

"Pour les jeunes artistes danois, le Spot est presque un passage obligé. Tu as le Spot et tu as Roskilde". SorenKristensen, programmateur et manager. © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Capitale européenne de la culture et ville considérée comme l’une des plus heureuses au monde, Aarhus accueillait du 4 au 7 mai le Spot. Un festival de découvertes dédié aux musiques danoises et scandinaves. From Denmark with love…

C’est la deuxième plus grande ville du Danemark derrière Copenhague. Une ville d’eau avec des petits airs de Gand ou d’Utrecht. Une ville universitaire aussi, dynamique, vibrante, où s’encanaillent plus de 40.000 étudiants. Fondée par les Vikings au VIIIe siècle, Aarhus est un joli carrefour d’Histoire et de modernité. Elle possède la plus longue cathédrale du pays (avec aussi le plus gros orgue et le plus grand nombre de fresques) et un spectaculaire musée d’art, le Aros, surplombé d’un anneau aux vitres teintées (Your Rainbow Panorama) créé par l’artiste contemporain Olafur Eliasson. Une espèce d’arc-en-ciel en lévitation offrant une vue imprenable à 360 degrés sur cette ville entourée de plages et de forêts dont le plus célèbre habitant, l’Homme de Grauballe, vit au musée préhistorique et est vieux de 2000 ans.

Surnommée « The City of Smiles » et considérée par The Happiness Research Institute comme l’une des villes les plus heureuses au monde, Aarhus est en 2017 capitale européenne de la culture. Ce qui rend l’édition de l’annuel Spot Festival, vitrine des groupes danois et scandinaves, un peu particulière. Rallongé et monté sur quatre jours, l’événement se décline aussi sous de nouvelles formes avec la création du Roots & Hybrid consacré aux musiques du monde et ethniques (Omar Souleyman, Baba Zula, un peu d’exotisme parmi toutes ces grandes têtes blondes). Celle du Aarhus Volume, plutôt branché hip-hop et musiques urbaines. Celle du Mono Goes Metal qui défend bien ce que vous imaginez et du Spot on Greenland braqué sur les artistes de là-bas tout en haut. « C’est le principal et même le seul grand showcase festival du Danemark. Il a déjà une longue histoire, explique Soren Kristensen. Grand barbu tout ce qu’il y a de plus civilisé, qui n’affiche ses origines vikings que dans sa pilosité et est plutôt de bon conseil en matière d’Aquavit, Soren Kristensen travaille dans une salle de concert à Aalborg. Une vieille ville industrielle et universitaire au nord du pays. Il possède son petit label et est manager de Get Your Gun. L’un des groupes les plus excitants -puissant, sombre, nick-cavien- repérés pendant le week-end. « Le Spot a commencé comme un tout petit événement. Je suis venu à la quatrième édition, je pense. Il devait y avoir 30 groupes et maintenant ils sont 250 à l’affiche. Il a grandi assez vite et est devenu relativement important au début des années 2000, quand David Fricke du magazine Rolling Stone y a découvert The Raveonettes.« Il aurait apparemment joué un rôle considérable dans leur signature chez Columbia. »C’était l’un des premiers groupes de rock danois qui allait parvenir à faire son trou à l’international. On avait surtout exporté de la dance music avec Aqua et son Barbie Girl. Mais on n’avait pas encore eu un vrai groupe de rock solide. Avec The Raveonettes est née l’idée qu’au Spot, on pouvait se faire remarquer, étre repéré par quelqu’un qui pourrait faire que les choses se passent, avoir une véritable exposition internationale. »

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Si Get Your Gun, qui sortira bientôt son deuxième album, joue sur l’un des plus grands podiums du festival, dans cet étrange Scandinavian Center regroupant hôtel, salle de congrès et centre de fitness, le groupe est déjà passé plusieurs fois par le Spot. « Il a d’abord participé au Off, vécu l’expérience du showcase et pu comprendre son importance. Il s’est bâti une petite réputation. C’était une bonne manière de se faire connaître de quelques festivals underground. Il a décroché quelques concerts. Puis il a joué dans l’officiel en 2014. Et soudainement, il a eu droit à de la visibilité internationale. La presse anglaise s’est mise à écrire à son sujet. Ici aussi, on se rend compte que ça vaut la peine de soutenir ce groupe, qu’il est bon et que ça intéresse la presse étrangère. Le Spot a eu un gros impact. Get Your Gun a joué dans pas mal d’autres festivals de showcases aussi mais c’est toujours mieux de voir un groupe chez lui. Le vin français est meilleur en France. »

Du Spot à Roskilde

Salles de musique et de théâtre, scènes extérieures, bars, petits clubs ou scènes improvisées… le Spot rayonne au coeur de la ville. Et quand la foule se déhanche devant une scène vide en lévitation au-dessus d’un cours d’eau, c’est parce que la rappeuse et son DJ sont quelques mètres plus bas en train de jouer dans un petit bateau à moteur.

À défaut d’avoir découvert les nouveaux Raveonettes, on a fait connaissance à Aarhus avec Alvarado, une chouette rappeuse danoise originaire du Salvador qui sonne plutôt old school et combat les stéréotypes du hip-hop en général, féminins en particulier. On est tombé sur les Teenage Love, deux copines violon/batterie électronique qui font de l’électro pop dans la bonne humeur. Et sur la plutôt prometteuse Gurli Octavia, présentée comme la nouvelle folkeuse danoise à suivre. Si cette dernière a sorti son premier EP, Philophobia, le 12 mai, tous ne comptent pas déjà comme elle 100 000 streams sur Spotify.

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« Pour les jeunes artistes danois, le Spot est presque un passage obligé, poursuit Soren Kristensen. Tu as le Spot et tu as Roskilde. Ce sont eux qui peuvent t’apporter de la visibilité. Mais Roskilde ne peut pas inviter 250 groupes inconnus au bataillon. C’est donc important pour les artistes. Mais aussi pour les programmateurs qui peuvent venir ici faire du repérage. Ce que j’aime surtout, c’est que tu peux comprendre quelle importance un groupe peut prendre. Tu retrouves 500 personnes devant un bazar que personne ne connaît alors que s’ils jouaient dans ta ville, ce serait devant 40 perdus. Tu vois l’effet que ça peut avoir sur un public. C’est un bon test.« Un test que réussit haut la main par exemple toute la smala de D/troit, groupe soul qui ne rivalise pas avec l’écurie Daptone mais qui s’agite tout de même au-dessus de la mêlée malgré les danses parfois un peu gênantes de son chanteur.

Hip-hop, folk, pop, world, rock… le Spot, c’est le Danemark et même la Scandinavie de la musique dans toute sa diversité. Du Debre Damo Dining Orchestra qui fait de la musique éthiopienne dans l’esprit d’un Black Flower chez nous à l’exilé amstellodamais Uffe, actif sur la scène électronique danoise depuis dix ans, ici avec ses amis quelque part entre un Hot Chip et un BadBadNotGood, de la petite punkette Shitkid programmée aux Nuits du Bota aux enfants de choeur de The New Family quelque part entre Simon and Garfunkel, Kings of Convenience et autres sucreries (deux frères et une soeur qui chantent ensemble depuis qu’ils sont enfants et ont enregistré leur album dans leur appartement, en une prise, avec un seul micro), ou encore du garage rock très powerpop rigolo et énergique des Norvégiens de Death By Unga Bunga à l’univers ensorcelant de leur compatriote Siv Jakobsen, le dépaysement au Spot est assuré.

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Son nordique

« C’est important de soutenir les jeunes artistes dans un pays comme le nôtre. A fortiori si tu arrives à attirer des pros de toute l’Europe. Nous possédons un très petit marché ici au Danemark. On est cinq millions. Puis en Belgique, tu peux te dire que les Wallons sont proches de la France et les Flamands de la Hollande. Nous, nous entretenons des rapports étroits avec la Norvège et la Suède mais rien de comparable. Il y a des projets communs. On fait des showcases nordiques à Londres. Parce qu’il y a un son nordique pour l’instant et les gens se foutent de savoir de quel pays ça vient. Donc, on joint nos forces. Mais en termes d’export, le plus grand pays près de nous, c’est l’Allemagne. » Et le Spot joue définitivement un rôle dans l’opération séduction.

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Si les Danois ont tenté il y a quelques années de percer dans le marché belge en partant du succès de WhoMadeWho et d’Efterklang, en organisant des soirées danish à l’AB avec Murder ou The Figurines, ils ont ensuite monté des Spot on Denmark à Vienne et Varsovie… En 2018, le Danemark sera d’ailleurs à l’honneur d’Eurosonic, le supermarché de la pop et du rock européens. Tout ça évidemment rendu possible avec des deniers publics. « Au début, il y avait une grosse nuit de showcases danois au Midem à Cannes. On dépensait beaucoup d’argent pour tout ça. La musique d’Aqua n’était pas intéressante mais elle a été si populaire, elle a vendu tant de disques… Ça a fait comprendre au ministère de la Culture qu’il y avait quelque chose à faire. Parce qu’en plus d’être tout petit, notre marché est déjà bien saturé par les artistes anglo-saxons. Après, il faut aller à l’étranger. Pour l’instant, on a une belle hype avec la musique danoise. Notamment avec Mø qui perce aux états-Unis. Ça participe au succès de cette année. Des gens viennent sans doute ici en espérant découvrir la nouvelle sensation. Des plus gros labels aussi. Le festival reçoit pas mal d’attention pour l’instant. On doit l’utiliser, profiter de cet élan. »

Aarhus en lettres capitales

Dans le gigantesque hall du ARoS, ce musée d’art contemporain dont l’architecture s’inspire directement de l’oeuvre de Dante LaDivine Comédie (les escaliers représentent le lien entre le Paradis et l’Enfer, l’Enfer étant l’étage le plus bas, la Chambre 9, tandis que l’arc lumineux symbolise le Paradis), flotte Valkyrie Ran. Une impressionnante installation textile de Joana Vasconcelos. Dans la mythologie nordique, les Valkyries étaient des vierges guerrières aux pouvoirs surnaturels qui décidaient quels combattants pourraient vivre et mourir durant la bataille. Jusqu’au 10 septembre, le musée accueille The Garden, une exposition sur le jardin qui s’intéresse à son passé. Là où le centre ville et le port se pencheront du 3 juin au 30 juillet sur son présent et son futur. Versailles, Central Park… on se promène de photos en peintures, de sculptures en installations, dans le jardin français, designé, ou anglais. On s’extasie devant du Renoir, du Gauguin, du Magritte. Le jardin se fait paradisiaque, intime, paradis perdu… Après Mons et Plzen en 2015, Wroclaw et Saint-Sébastien en 2016, Aarhus est en 2017 avec Paphos, sur la côte occidentale de Chypre, la capitale européenne de la culture. Cinéma, musique, arts plastiques, littérature, gastronomie… la programmation en ville est fourmillante. Les Little Rebellions y amèneront en août et septembre performances, art happenings et événement inattendus dans les rues, les parcs et les caves. Anohni (anciennement Antony) Hegarty est même artiste en résidence. Il enregistre avec le Aarhus Symphony Orchestra et présente tout au long de l’année diverses expos.

Désenchantée

Si Aarhus, surnommée « la plus petite ville des grandes villes du monde » essaime pour l’occasion dans 18 municipalités de la région, le ARoS, qui reste quand même l’un de ses fers de lance, accueille parallèlement l’exposition No Man is Island (à voir jusqu’au 3 septembre). Brexit, Panama Papers, changement climatique, terreur… L’expo qui ne fait apparemment pas partie du programme officiel de Aarhus 2017 questionne le désenchantement d’une Europe en mouvement. Entre le Boy de Ron Mueck, une sculpture hyperréaliste de 5 mètres représentant un enfant, une liste interminable de banques déclarées en faillite, une Lamborghini noire offerte aux griffes des visiteurs et l’interpellant Fucked Couple de Tony Matelli (un homme et une femme mutilés mais debout) qui symbolise la capacité de l’homme et de l’amour à survivre à l’adversité, des pancartes de mendiants glanées aux quatre coins de l’Europe trônent au mur encadrées: « Une petite pièce pour manger« , « Need money for clothes and haircut to look for a job« … Parlant dans le contexte actuel. Et forcément moins rigolo que la compétition de Lego prévue les 27 et 28 mai derniers. Comme on dit chez Stimorol, mâchez danois…

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