Nah, le batteur expérimental…

Michael Khun © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Hip-hop industriel, rock bruitiste, électro weirdo, jazz expérimental… Nah réinvente le one-man band.

Quand on s’est pris la musique de Nah pour la première fois en pleine tronche, on était aux Pays-Bas. Le batteur et bidouilleur de Philadelphie s’était fait rejoindre par les deux sauvages d’Ho99o9 et avait balancé un set d’une rare intensité. « Ils sont du New Jersey et moi je viens de l’autre côté de la rivière. Quand tu grandis là-bas, sur la côte Est, et que tu vas à des concerts punk, faut t’attendre à cette force, à cette violence. Ça peut terrifier certaines personnes ici mais pour nous, c’est juste un bon vendredi soir. » Une solide découverte en somme pour se rendre compte que le bonhomme habitait Bruxelles et y avait donné un paquet de concerts. Né en Floride, élevé dans les parages de Philly, « une petite ville merdique des alentours », Nah, alias Michael Kuhn, est marié à une Belge. « J’ai vécu dans votre pays pendant quasiment quatre ans. C’était cool. Assez génial d’explorer une nouvelle culture, d’être exposé à tant de nouvelles choses. Nouvelles personnes, nouvelles langues, nouveaux sons… De voir aussi d’où venait ma femme. Mais pour la musique, ça n’a dans un premier temps pas été facile. Personne ne me prenait vraiment au sérieux. Je ne savais pas à qui m’adresser. Je ne trouvais pas de lieu où jouer… »

Michael finit par découvrir le Café Central. Il y bosse même. Les choses se débloquent. Les portes s’ouvrent. Celles des squats, du Barlok, du Magasin 4, des Ateliers Claus… Curieux, hyperactif, Kuhn, 32 ans, a étudié l’art dans une petite université, à Lancaster, en Pennsylvanie. « Je n’ai même pas terminé. J’avais déjà un diplôme en graphisme mais je n’en ai pas fait grand-chose. Juste des mises en pages pour des albums de mariage. » Kuhn est devenu Nah, il y a sept ou huit ans maintenant. Quand il a commencé à s’intéresser aux boucles et aux expérimentations à la batterie. « En 2011, mon duo de jazz punk 1994! a terminé sa tournée et je me suis enfermé dans la cave pour éditer une petite démo. Je voulais jouer tout seul. Après des années en groupe, j’en ai eu marre de sacrifier certaines de mes idées. Je savais ce que je voulais explorer. Je voulais être bruyant, n’avoir à dépendre de personne. Je voulais entendre les sons fous dont je rêvais… »

Cassettes, VHS, laserdisc

Hip-hop industriel, rock bruitiste, électro expérimentale, jazz… la musique de Nah n’est pas ce qu’il y a de plus facile à étiqueter. « Je mélange un tas de trucs. Je fais constamment des enregistrements sur mon téléphone, de la rue ou de ce qui se passe autour de moi. Je sample. J’en fais une mélodie. Je cherche dans des vieux disques de disco ou de house aussi. »

En rentrant de Run The Jewels à l’Ancienne Belgique la veille, Michael a enregistré des bruits de sirènes qu’il nous fait écouter sur son GSM. Il a aussi déjà capturé le son d’une alarme à la gare de Charleroi… « Des trucs un peu dingues parfois. Tout ce que je peux sampler et éventuellement utiliser. » Il en a tout l’air comme ça, mais Nah ne se considère pas comme un one-man band. « La plupart du temps, quand je crée, je ne suis pas assis devant ma batterie et je ne fabrique pas une chanson comme un groupe. Je me vois plus comme un producteur ou un artiste plasticien. Cette formule, c’est juste la manière qui me permet de présenter en live mon travail au monde. J’ai toujours joué de la batterie devant des gens. Donc c’est comme ça que je fais. Mais je commence à expérimenter d’autres façons de jouer. Par exemple, j’ai donné un set électronique à Cologne avec juste des boucles et des voix. Ça évolue tout le temps. »

Depuis 2009, Kuhn a enchaîné une trentaine de productions. Vinyles, cassettes, VHS, laserdiscs… « Je n’aime pas appeler ces enregistrements des albums. Peut-être d’ailleurs que je n’en ai jamais enregistré un. Je ne sais pas. « Projets », « sorties » sont des mots qui conviennent sans doute mieux à ma manière de fonctionner. Internet est devenu le principal moyen de faire les choses dans la musique aujourd’hui. Je me suis adapté à tout ça. Je donne toute ma musique sur le Web à travers différents canaux. Mais les supports physiques me permettent de gagner un peu d’argent quand je donne des concerts. Puis de laisser une marque avec quelque chose qui ne disparaîtra pas dans l’Internet. Je tiens à garder un pied dans le monde réel. »

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Sur la toile, Nah ajoute, retire. Utilise Bandcamp, iTunes, Spotify… Dans la vie non virtuelle, il dirige avec un pote le label Ranch Jams. « Outre ma musique, vous pourrez y trouver d’autres projets de Philadelphie qu’on apprécie. Un jeune gamin qui s’appelle What Nerve, de l’électronique rapide minimaliste et folle. The Beds, un trio punk très sale. Mais on a aussi par exemple Will Guthrie, un batteur australien qui vit en France, et on commence à prospecter dans le hip-hop new-yorkais. »

Le rap, Michael a mordu étant gamin. Il l’aime sauvage. Dangereux. Il voit Earl Sweatshirt comme une espèce de nouveau prophète et explique craquer pour le collectif sLUms et ses jeunes rappeurs Mike, Sixpress, Booliemane… « Quand j’avais dix ans, les trucs les plus populaires, c’était le Wu-Tang et Biggie. J’étais exposé à ça comme tout le monde. Et vers quatorze ans, quand je me suis émancipé de la radio, de MTV et de ce qu’écoutait ma mère, j’ai découvert le punk underground. »

Nah parle des productions de Zach Hill qu’il préfère à la musique de Death Grips. Il partage son amour pour le SOS Band, Evelyn Champagne King, le funk et le r’n’b des années 70 et 80. Son intérêt pour William Onyeabor, Ata Kak et les disques africains. « Je combats les méthodes, les attentes. Le dernier truc que j’ai sorti, c’est une pièce de quinze minutes. Différentes progressions de boucles, d’atmosphères, de batteries… Plus jazzy. Plus organique en matière de sons. Quasiment pas du tout d’électronique. » Retourné s’installer aux États-Unis, Michael est actuellement en Europe pour trois mois. Il bosse sur un spectacle de danse pour le chorégraphe flamand Jan Martens…

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