Myth Syzer: « J’avais envie d’associer une variétoche un peu cucul avec un fond r’n’b-hip-hop »

Avec Bisous, Myth Syzer plonge dans la pop la plus désinhibée. © ALICE MOITIÉ
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Producteur hip-hop, Myth Syzer mélange rap et variété française dans un premier album de lover, intitulé Bisous. Que de l’amour…

L’IRM est catégorique: l’été arrive. Myth Syzer est formel: il sera sucré, doux et mielleux. Le producteur/beatmaker a tout fait pour ça, avec un premier « album » complètement roudoudou. Un disque de lover tout crème, tout chou, tout chou à la crème. Il s’appelle Bisous: faut-il encore en dire plus?

Il constitue une nouvelle preuve de cette forme de funambulisme musical typiquement français. Un exercice d’équilibriste, entre premier degré et décalage, sincérité décomplexée et kitsch assumé (« Donne-moi ton coeur/J’en ferai du beurre/Donne-moi ton corps/J’en ferai de l’or »), fantasme US et « frenchysme » indécrottable. Sur YouTube, chaque titre de Bisous est accompagné d’un visuel reprenant l’esthétique surex’ de la pochette: un plan fixe, des couleurs tranchées et un halo de sitcom eighties façon Amour, gloire et beauté. C’est à la fois vintage et terriblement dans l’air du temps: un peu chanson, un peu hip-hop. Un peu variét’, un peu r’n’b. Quelque part entre Le Coeur grenadine (Laurent Voulzy) et Love Like This (Faith Evans), Pull marine (Isabelle Adjani) et Regulate (Warren G feat. Nate Dogg). Myth Syzer n’a pas toujours été aussi smooth. Éclectique, par contre, oui. Beatmaker hip-hop parmi les plus en vue de la scène française, il a pu produire aussi bien pour Damso ( Périscope, c’est lui) que pour les plans vintage boom bap de Prince Waly ( Junior), ou enchaîner avec un projet plus électronique (le EP Cerebral, avec son pote Ikaz Boi, sur le label Bromance). Avec Bisous, il plonge cette fois dans la pop la plus désinhibée. Dans le genre, il y a dix ans, Teki Latex (TTC) s’était fait largement dézinguer (remember Les Matins de Paris, avec Lio ?). Aujourd’hui, il se pourrait bien que Myth Syzer remporte la timbale.

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Le code

Né en 1989, Thomas Lessoudé, de son vrai nom, a sept ans quand il entend pour la première fois Michael Jackson. « L’album Bad qu’avait acheté mon grand frère. J’ai été terrassé, j’en ai pleuré d’émotion. » Plus tard, The Chronic 2001 de Dr. Dre est son épiphanie hip-hop: « Ce disque m’a giflé. J’avais envie de réaliser toutes les productions qu’il y avait derrière. » Sauf que Thomas ne grandit pas à L.A. mais à La Roche-sur-Yon: 100.000 habitants au coeur de la Vendée. La zone. « Il n’y a rien de spécial. Juste un petit centre-ville et un petit centre commercial à côté, où tous les jeunes se réunissaient. C’est tout. La campagne, quoi. On avait quinze ans, on conduisait des voitures (rires) . » Pour tromper l’ennui, Thomas s’achète une MPC, un ordi, et commence à bidouiller…

Dès qu’il peut, à 18 ans, il prend la tangente. « J’en avais marre. Je me suis barré à Londres. Après cinq mois, je suis rentré, je ne trouvais pas de boulot. Mon anglais était trop mauvais (rires) . » Retour au bercail. « J’ai tenu deux semaines. J’ai pris ma caisse et j’ai débarqué chez un pote, à Paris. » À Paname, il bosse comme mécanicien, vendeur aussi. En 2010, il réussit à glisser une première production pour le rappeur La Fouine (Vodka Redbull). C’est le début d’une longue série. Au bout d’un moment, « je n’avais plus de jours de congé et mon employeur ne voulait plus me libérer. Un jour, on m’a proposé une date où j’étais payé ce que je touchais en un mois de salaire. J’ai tout quitté ». Sous le nom de Myth Syzer -pseudo inspiré par le morceau Mythsysizer de J Dilla, producteur légendaire de Detroit-, il fraye notamment avec les rappeurs Loveni et Ichon. Ensemble, ils forment le collectif Bongamin. « Il y a aussi des graphistes, des vidéastes, un champion de boxe thaï… » Vraiment? « Oui, c’est une bande de potes, quoi (rires) . Y a de tout, c’est comme une superette! ».

On retrouve ainsi Ichon sur le titre Le Code (avec Bonnie Banane et Muddy Monk). Sorti il y a un peu moins d’un an, le morceau va donner la clé de l’album. « J’arrivais à un stade où enchaîner les productions ne me faisait plus autant vibrer. J’étais aussi en pleine rupture amoureuse. Un jour, j’ai essayé de poser un petit flow sur un instrumental. Par la suite, le flow s’est transformé en paroles: c’était Le Code.«  De « simple » beatmaker, il se transforme tout à coup en auteur-compositeur. Il sourit: « Pour l’instant, ça reste encore gentil. Ce sont juste des mini-refrains, des petites top lines. Mais plus tard, pourquoi pas me lancer dans des morceaux entiers… »

Myth Syzer:

Préférant les gimmicks accrocheurs aux grands élans lyriques, Myth Syzer assume ses naïvetés . « Je ne me prends pas la tête. Je veux que ça reste simple, que ça parle aux gens et surtout que ce soit mélodieux. Après, le plus compliqué a été d’accepter ma voix. Surtout avec ce genre de paroles un peu « mignonnes », qui parlent d’amour. Faut pouvoir assumer (sourire) . » Avec Bisous, Myth Syzer réalise un rêve d’entertainment américain (le r’n’b des années 2000) tout en honorant une certaine tradition variété française, de Daho à Tellier en passant par Christophe ou… Thierry Pastor. « J’avais envie d’associer une variétoche un peu cucul avec un fond r’n’b-hip-hop. »

Un pari risqué dans lequel il implique la famille proche (Ichon, Loveni, Muddy Monk) ou plus éloignée, comme Jok’air, Lolo Zouaï ou les Belges Roméo Elvis et Hamza –  » pour moi, en termes de mélodies, de top lines, c’est le meilleur ». Un dernier invité est encore à signaler. Il est emblématique: Doc Gynéco. Au vu des derniers titres de l’intéressé, comme le gênant France (« Je préfère ne pas faire de commentaires », glisse Myth Syzer, visiblement tout aussi consterné), on pensait que sa participation allait plomber Bisous, être même son « jumping the shark » -ce moment où les extravagances du scénario deviennent too much. Surprise: La Piscine est un des meilleurs morceaux de l’album. « C’est quelqu’un de très gentil, très à l’écoute. Puis, franchement, pour moi, c’était un honneur. Petit, j’ai « poncé » Première consultation! L’avoir sur mon album, c’est un gage de qualité, une validation. » XOXOXO…

Myth Syzer, Bisous, distr. Animal 63. ****

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