FACIR

Les super pouvoirs de la Fête de la Fédération Wallonie-Bruxelles

FACIR Fédération des auteurs, compositeurs et interprètes réunis

Le 27 septembre 2017 dernier, d’Arlon à Bruxelles en passant par Louvain-la-Neuve, toute la Fédération Wallonie-Bruxelles célébrait sa culture, sa richesse artistique, sa diversité créative autour d’événements mettant en avant la manne des talents dont elle regorge.

Le vendredi 29 s’est tenu le point d’orgue des festivités en musique, intitulé Rendez-vous Grand-Place, retransmis en direct sur La Une. On l’ignore souvent, mais cet événement populaire majeur possède littéralement des super-pouvoirs. C’est une super-vitrine dans un super contexte bénéficiant d’un super relais médiatique. Bien utilisée, elle peut à elle seule renforcer un lien affectif pérenne et direct entre le foisonnement de nos artistes musiciens et le public.

Hélas, le week-end dernier comme dans tant d’autres occasions, les forces du mal se sont emparées de l’affiche, qui indiquait être 100% gratuite. On y retrouve en caractères gras des vedettes de la variété française et québécoise : Julien Doré, Benjamin Biolay, Raphaël, Louane, Klô Pelgag. En nettement plus petit, trop souvent en anglais dans le texte et en pop dans le refrain, les artistes musiciens de la fédération y jouaient les seconds couteaux. D’autres éditions semblaient pourtant aller dans la bonne direction : en 2016 on retrouvait sur l’affiche une programmation entièrement belge: 6 groupes s’étaient produits, tous issus de la FWB. En 2015, une seule « soirée 100% belge », au lendemain d’une « soirée 100% chanteurs issus de la francophonie » uniquement avec des artistes français, où l’on retrouvait déjà Raphaël et Louane.

Lors des rencontres culture-RTBF auxquelles le FACIR a participé l’année passée, il s’était posé la question de la difficulté de construire des « stars » belges, de (re)construire un lien perdu entre les artistes d’ici et leur public. D’inciter à la curiosité, à la découverte, à la consommation culturelle locale de produits culturels de saison. De notre point de vue, inviter des stars de la variété franco-française et une Québécoise à se produire dans un événement de la FWB n’est évidemment pas un problème en soi si cela ne se fait pas au détriment d’une présence majoritaire, à tous les niveaux de l’affiche, d’artistes de la FWB d’horizons musicaux divers, surtout si cet événement se veut être une fête qui soit réellement à l’image des acteurs culturels qui composent notre paysage artistique.

La diversité est un étendard politique usé. Elle est brandie comme un multiculturalisme mou par tous les partis, qui manquent de porter des mesures concrètes. Pendant ce temps, la réalité rattrape les quotidiens des artistes, des techniciens et des diffuseurs. Notre économie culturelle fonctionne mal, le lien entre nos artistes et le public est vaporeux et ceux qui font commerce de l’offre numérique hallucinante n’ont toujours pas trouvé le moyen de redistribuer convenablement une juste part de leurs profits aux créateurs. Un musicien en FWB, c’est surtout quelqu’un qui pratique l’aviron comme un dieu. Il rame. Il rame à fond.

Les artistes étrangers présents le 29 septembre sur la Grand-Place ont dû coûter une part considérable de budgets pourtant serrés, qui pourraient, selon nous, être ventilés de bien d’autres manières. A quoi sert une telle programmation si ce n’est juste pour nous assommer l’évidence encore une fois: le Belge francophone aimerait apparemment consommer sa culture ailleurs.

Cette non-visibilité est en réalité un réel choix politique. Proposer plus de groupes autochtones à la fête de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne peut se résumer à une question commerciale ou au placement de futures stars d’un top 50 climatisé. Il existe bien, ce lien particulier entre le public et nos artistes. Il est en érosion lente depuis des années. Il fond comme la glace aux pôles, comme un bon beurre wallon dans une casserole suédoise fabriquée en chine. Inventez vos autres métaphores en famille, les jours de pluie, ça occupe et ça contient la déprime.

Depuis 4 ans maintenant, le FACIR défend une éducation artistique locale permanente en demandant une refonte drastique des quotas de diffusion d’artistes FWB en radio et en télé, une présence encore plus accrue de musiciens et de musique belge dans nos écoles, dans nos médias et sur nos scènes, au service d’une réelle diversité musicale.

Mercredi 27, La Première, chaîne radio principale de la RTBF, n’a diffusé dans sa programmation musicale que des artistes belges, pendant une journée. Ce fut pour nous le dérèglement des sens de Rimbaud. Une ivresse de courte durée pourtant, avec une gueule de bois qui durera 364 jours. En effet, les radios ont l’obligation de diffuser seulement 4,5 à 10%[1] de productions issues de la FWB. Déjà faibles, ces quotas se retrouvent caducs faute de l’établissement d’une mesure anti-glissement horaire. Les radios remplissent leurs quotas de musique étiquetée FWB pendant que la majorité du public dort, en dehors des heures de grande écoute. A titre de comparaison, la Flandre diffuse sur ses radios publiques 25% de groupes flamands. Et cela a un impact considérable à plusieurs niveaux: l’économie du secteur en retire des fruits immédiats, le tissu culturel se consolide, des liens se créent autour d’un imaginaire commun.

Comme un bonheur n’arrive jamais seul, la commission parlementaire en charge du renouvellement du contrat de gestion de la RTBF (fixant notamment les quotas de diffusion) a suspendu ses auditions au début de l’été, paralysant tout le processus de consultation de la société civile. Le dossier est au point mort et le contrat actuel sera probablement prolongé d’une année. Statu quo en FWB, titre récurrent du mauvais polar d’une politique culturelle se mangeant en permanence la queue.

Un des credo du FACIR annonce que les musiciens de la FWB ne veulent plus jouer pour des clous. Nous frapperons donc encore sur ce dernier : la vitalité du secteur, permettant la mise en route d’un cercle vertueux: artistes diffusés, notoriété accrue, stimulation de tout le domaine d’activité, dépend de la capacité du pouvoir politique à se fédérer derrière cette idée d’éducation artistique permanente. Nos élus ont, eux aussi, des super pouvoirs.

[1] 4,5% pour les radios privées, 10% pour les chaînes radios publiques rtbéennes (source: CSA, Recommandation du Collège d’autorisation et de contrôle relative à la diffusion et à la promotion de la musique FWB et de langue française en radio (quotas musicaux, 7 fév. 2015)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content