Les 100 ans de Moondog

L'Américain au costume de guerrier scandinave, Moondog. © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Le 26 mai dernier, Moondog, le Viking aveugle de la 6e Avenue, aurait eu 100 ans. L’occasion d’un album hommage pour Condor Gruppe et d’une soirée spéciale le 23 août aux Feeërieën.

Sur Frog Bog (A Tribute to Moondog), Condor Gruppe revisite à sa sauce l’oeuvre du génial compositeur américain, mythique Viking de la 6e Avenue rendu aveugle à 16 ans par l’explosion d’un bâton de dynamite. Choisir six titres à réinventer quand un type a pondu 300 oeuvres vocales et instrumentales ainsi que 80 symphonies tient d’un fameux casse-tête. Les Anversois, qui seront le 23 août au Parc royal pour fêter son centième anniversaire dans le cadre du festival gratuit organisé par l’AB Feeërieën, ont pénétré il y a maintenant un an l’univers de Louis Thomas Hardin. Ce musicien de rue qui se produisait dans Manhattan en costume de guerrier scandinave (une manière de protester contre le christianisme auquel il fut trop souvent associé), a fait changer de nom de groupe (de Moondog Jr. à Zita Swoon) à Stef Kamil Carlens, inspiré T-Rex et Daniel Lanois et rythmé The Big Lebowski. « Ce projet d’album est né du live, explique le guitariste de Condor Gruppe Michiel Van Cleuvenbergen. Un ami, Nico Dockx, curateur au festival Leffingeleuren, nous a proposé l’an dernier de faire un truc autour de cette figure unique et comme on adore, on a sauté sur l’occasion. On a commencé à étudier ses compos, son oeuvre et on a choisi six titres que nous avons retravaillés. » Frog Bog, All Is Loneliness, Viking I, Chant, Bird’s Lament et Single Foot. Soit une moitié très rythmique et une autre davantage centrée sur les mélodies. « Nous avons pris ce qui collait le mieux à notre univers. Moondog, que son père a embarqué visiter une réserve Arapaho où il a assisté à une danse du soleil alors qu’il était encore enfant, s’intéressait de près aux Indiens d’Amérique. Sa musique est ainsi très percussive. Mais elle possède aussi un versant clairement mélodique, digne de contes de fées. Nous avons essayé de capter cette beauté hypnotisante et enchanteresse, son côté transe et répétitif, et de mélanger tout ça à notre son, à notre identité. » Moondog s’est ainsi quelque part fait « condor gruppiser »…

« Sur certaines chansons, nous sommes restés plutôt proches des versions originales mais nous nous sommes parfois vraiment échappés. Nous avons insufflé notre côté instrumental, cinématographique, surfy et mystique. Avec une petite touche kraut en prime. » Et histoire de ne pas laisser l’événement lettre morte, les Anversois ont décidé d’en faire un disque. Un album uniquement disponible en vinyle, dont le premier tirage à 500 exemplaires est déjà quasiment épuisé. « On n’a joué qu’une seule fois ces morceaux devant un public. Ça aurait été con de les laisser disparaître et de ne pas les enregistrer. »

Clochard céleste présenté comme le fondateur du minimalisme, Moondog (un nom choisi en hommage aux hurlements à la lune du chien de son adolescence) se contentait souvent d’une batterie et d’un ou deux instruments. Il se marie ici davantage aux guitares et à une déclinaison collective. « Je connaissais son parcours de musicien de rue et son look de Viking. Mais on a commencé à se renseigner davantage sur sa vie. Une grande vie, même si elle ne l’a pas épargné. Moondog était un street musician par choix. »

Les Vikings, les Indiens… L’homme qui a bâti des ponts entre le jazz et le classique était fait pour plaire à Michiel, prof d’histoire à ses heures perdues. « J’ai lu beaucoup de bouquins sur les native americans quand j’étais petit. Leur style de vie mystique, leur relation avec la nature et leur manière de chanter me fascinent. »

L’Ouïe Sardine…

« La musique pop existe depuis 60 ans, note Kurt Overbergh, directeur artistique de l’Ancienne Belgique. C’est ridicule comparé au classique né il y a des siècles. Mais à l’AB, on aime rendre hommage aux personnalités historiques. Je pense qu’il est important de fêter des gens comme Moondog quand on en a l’occasion. Il est né en 1916. Il aurait eu 100 ans cette année. Cette date symbolique était parfaite. »

Outre Condor Gruppe, le bluesman Roland (Van Campenhout) avait participé aux célébrations des Leffingeleuren. Kurt Overbergh a préféré s’en remettre à la théorie des six degrés de séparation. « Cette idée que tu connais quelqu’un qui connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un… qui te permettra peut-être un jour de dire bonjour à Barack Obama. J’avais de la sorte rencontré la meilleure amie de Billie Holiday à New York. J’ai ici mis la main sur la pianiste Dominique Ponty, qui a participé au dernier concert de Moondog en 1999 à Arles et sur le percussionniste suédois Stefan Lakatos. Moondog fabriquait ses propres instruments et Lakatos en a encore quelques-uns. Notamment une trimba -un instrument à percussion- qu’il avait construite en 1940 ou 1945. » Si ces deux anciens disciples interpréteront des compositions écrites par Moondog spécialement pour eux et quelques morceaux transcrits du braille, le festival Feeërieën accueillera aussi Amaury Cornut. Auteur d’un ouvrage sur le bonhomme publié par Le Mot et le Reste, il dispose du plus important fonds français de partitions du clochard céleste. « Il utilise des poèmes, des trucs instrumentaux, mixe du Moondog avec Couleur café de Serge Gainsbourg, explique Kurt Overbergh. En gros, il actualise son oeuvre. Il sera le DJ de la soirée et se fait pour le clin d’oeil appeler L’Ouïe Sardine. » Belle prise, bonne pêche…

CONDOR GRUPPE, FROG BOG (1 TRIBUTE TO MOONDOG).

CE MARDI 23 AOÛT, AU PARC ROYAL DE BRUXELLES POUR LES FEEËRIEËN DE L’ANCIENNE BELGIQUE.

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