Critique | Musique

Le nouveau Roger Waters, c’est un peu le test de la caverne

Roger Waters © Sean Evans
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ROCK | Produit par Nigel Radiohead Godrich, l’album de Waters réveille le vieux Floyd dans un ciné sans images, bombastique et incrusté de justice politique.

Sony Music en a frôlé l’apoplexie, proposant des pré-écoutes exclusives du disque à Amsterdam ou Paris, ainsi qu’au planétarium de Bruxelles (bonne idée), envoyant même outre-Atlantique des journaleux pas gênés de se gaver d’un week-end new-yorkais à l’oeil (japonais). On ne prête qu’aux riches et Waters l’est indéniablement, la fortune estimée -270 millions de dollars- dépassant les mérites d’une carrière solo en panne d’album studio depuis Ça ira, opéra (…) bidouillé en 2005 avec le parolier Étienne Roda-Gil et sa femme. Pour le dernier legs rock watersien, il faut remonter à Amused to Death daté de 1992: c’est dire si l’inspiration est tiède. Ces dernières années, Waters a surtout ressuscité The Wall, thérapie floydienne de 1979, dans de barnumesques tournées contredisant au passage l’essence même de la démarche wallienne. Soit. Plus intéressante est la façon dont le septuagénaire anglais -Surrey, 6 septembre 1943- nourrit un tir de barrage politique, fustigeant par exemple la droitisation de la société israélienne face à la création d’un État palestinien. En septembre 2014, Roger vient d’ailleurs discrètement causer à Bruxelles, au Russell Tribunal on Palestine. Pas le genre de truc que feraient Rod Stewart ou Elton John, y compris un jour de fermeture des magasins de fringues.

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Oncle Roger

Tout cela pour dire que la politisation de l’album repose une question ancienne: comment construire une chanson idéologique? Une partie de la réponse est vampirisée par la production: ressuscitant les sonorités floydiennes seventies, Nigel Godrich les gave aussi d’un surround hollywoodien. Soit un mix de références au passé Pink -horloges, voix radio, gloussements de synthés, réverbes- poussé dans des zones sophistiquées où Godrich fait une nouvelle fois preuve de son talent d’architecte du son. Rien de révolutionnaire cependant, à l’opposé du premier degré des virulents textes de Waters, autant déclamés que chantés. L’ex-Floyd raconte les Histoires d’Oncle Roger avec la fébrilité de l’âge et ses échéances: il est beaucoup question de vie désirée -voir le titre de l’album- et d’un monde incapable de gérer réfugiés ou inégalités (Picture That). C’est un peu le test de la caverne: si tu te laisses prendre au jeu des mots, tu reconnais aussi les semences musicales d’il y a 40 et des piges, quand le Floyd exceptionnellement sentimental évoquait, via Wish You Were Here, le Syd Barrett anéanti. Donc, les meilleurs moments de l’album sont de cette tessiture-là, spleen nauséeux remuant non pas la politique mais les enjeux personnels: ils s’appellent The Most Beautiful Girl et Wait for Her, et dégagent au final le sentiment que c’est bien l’amour et les histoires familiales qui décident de nos vies.

Roger Waters – « Is This the Life We Really Want? »

Distribué par Sony Music. ***(*)

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