Laura Mvula se réinvente en diva pop 80’s: « Pendant longtemps, je n’avais même pas osé penser que la musique pouvait être le plan A »

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Cinq ans après son dernier album, Laura Mvula effectue un retour triomphal, se réinventant en diva pop eighties, sans rien perdre de sa sensibilité.

C’est un fait: depuis David Bowie et Let’s Dance, il est acquis que l’on n’a pas fait mieux que les années 80 pour se refaire une garde-robe. La preuve avec le nouvel album de Laura Mvula, son troisième. Sorti le mois dernier, Pink Noise baigne dans un bain mousse eighties, avec synthés cheesy et batteries carrées, riffs funky et crescendos clinquants. Dans ses clips passés au filtre vintage, Laura Mvula arbore vestons à épaulettes et coupe rectangulaire à la Grace Jones période Pull Up to the Bumper. C’est peu dire que ce virage est une surprise. Pour ceux qui ont découvert l’Anglaise en 2013, avec les harmonies classieuses de Green Garden ou la prière piano-voix de Father, Father, la transformation est en effet radicale. Elle survient après cinq ans d’absence et, surtout, un changement de label: début 2017, Laura Mvula recevait un mail de Sony lui signifiant que son contrat d’artiste était purement et simplement rompu.

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La partie avait pourtant pas mal démarré. Biberonnée à la soul et au jazz, formée au classique (elle est diplômée du Conservatoire royal de Birmingham), Mvula avait sorti Sing to the Moon en 2013, et The Dreaming Room en 2016, deux premiers essais pop brillants, qui seront tous les deux nommés dans la liste du prestigieux Mercury Prize. Il y a des débuts de carrière plus compliqués… Même Prince confia à l’époque son admiration pour la musique de la jeune femme. De quoi rassurer une artiste qui a souvent passé ses premières interviews à s’autodénigrer? « Bien sûr que c’est flatteur. Surtout de la part de quelqu’un comme lui, dont vous pouvez à peine cerner la magnitude du travail qu’il a pu accomplir, l’effet qu’il a eu sur le monde. En même temps, et c’est précisément une des choses que j’ai apprises en parlant avec lui, il doutait et cherchait en permanence. »

Larguée par sa maison de disques, Laura Mvula s’est donc remise elle-même en quête. Sans vraiment de plan B. « Pour être honnête, pendant longtemps, je n’avais même pas osé penser que la musique pouvait être le plan A. J’ai toujours été cette personne qui se laisse guider par ses instincts. Je sais que tout le monde n’a pas ce genre de privilège ou les soutiens nécessaires pour se le permettre… » Née en 1986, d’une mère originaire de Saint-Kitts-et-Nevis et d’un père jamaïcain, la musicienne va donc prendre son temps. Cinq ans en tout. Une éternité dans le music business. « La faute à mes racines, j’imagine. Vous êtes déjà allé dans les Caraïbes? Quand les gens marchent à bonne allure, ils vont encore à la moitié du rythme auquel les gens avancent ici. Ce n’est pas qu’ils n’ont rien à faire. Mais pour aller vite quelque part, il faut aussi parfois prendre son temps… »

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Peut-être qu’il y avait aussi un peu d’angoisse. L’une des premières vidéos suggérées par YouTube quand on tape le nom de la chanteuse est celle d’un documentaire de la BBC, intitulé Generation Anxiety. Mvula y raconte ses problèmes de santé mentale, marqués notamment par des attaques de panique ou une peur paralysante de la scène. « D’une certaine manière, l’angoisse est toujours là. Mais elle a changé de forme. Ou j’ai simplement appris à l’accepter et à l’embrasser, allez savoir. Quelque part, j’ai aussi utilisé la plateforme artistique à laquelle j’ai accès comme exutoire pour ces angoisses. Jusqu’à créer aujourd’hui cette sorte d’alter ego… »

La grande mue

Ce double, Laura Mvula va donc en faire une sorte de super-héroïne eigthies. Une décennie qui, après avoir été longtemps honnie, est devenue une véritable mine d’or pour les artistes -des inflexions hi-NRG-disco de Dua Lipa aux influences no wave de Squid. « Au début des interviews, quand on me demandait pourquoi ce choix musical des années 80, j’expliquais que j’avais forcément baigné dedans, gamine, même inconsciemment. Quelque part, c’est le plus loin que ma génération peut se reporter dans le temps. Mais, au fond, je ne sais pas. Je pense que c’est encore plus simple que ça, comme quand vous vous levez le matin, et que vous vous demandez ce que vous allez mettre. »

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La Laura Mvula « stoïque, très nina-simonesque » a donc laissé place à une diva r’n’b exubérante, lookée façon Janet Jackson ou Paula Abdul. « Avec Pink Noise, je m’autorise à prendre un peu de distance et d’humour. Un disque comme Sing to the Moon, par exemple, avait quelque chose d’élégant, gracieux, d’un peu… » Sérieux? « Oui, c’est le mot que j’avais en tête. Mais en même temps, je n’ai probablement jamais été aussi sérieuse et appliquée que dans l’élaboration de Pink Noise. Dans le sens où mes deux premiers disques avaient quelque chose de très spontané. C’était le genre de plat que vous improvisez avec ce que vous avez sous la main, et qui, par miracle, est réussi. Ici, je me suis posée, j’ai effectué mes recherches, pour trouver les bons ingrédients, les bonnes proportions. C’est la première fois, par exemple, que j’effectue un travail de réécriture. Auparavant, je me disais que le premier jet était le seul qui comptait, que s’il n’était pas bon, ça ne valait même pas la peine de continuer. J’ai appris à travailler la matière différemment. »

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La mue de Laura Mvula est spectaculaire, son retour triomphal. Derrière tous les effets et les sons hyper-référencés r’n’b-pop-rock FM (la ballade What Matters, comme tout droit sorti de la BO de Top Gun; Got Me, lorgnant vers Billy Ocean), Laura Mvula n’a en effet pas perdu la main. Notamment pour pondre des mélodies bombastic, planquant ici et là des questions plus fondamentales. Par exemple dans Remedy -« How many more must die? » se demande-t-elle, un poil agacée de voir un problème lancinant -le racisme- transformé en une « tendance » -le mouvement Black Lives Matter. D’un point de vue plus personnel, sur Church Girl, elle se demande encore: « How can you dance with the devil on your back?« , « Comment bouger/quand vous vous retrouvez coincé dans une image de perfection/qui ne durera pas? » À la question, Pink Noise fournit la plus spectaculaire des réponses.

Laura Mvula, Pink Noise, distribué par Warner. ****

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