LaSemo J1: démarrage en douceur

La manière la plus pertinente de saluer le groupe "Mes souliers sont rouges" (à LaSemo en 2013). © Chloé Glad
Stagiaire Le Vif

C’est assez calmement que le festival LaSemo a démarré. Un vendredi après-midi fait de concerts contrastés, ponctués d’applaudissements timides pour les uns et de vivats endiablés pour les autres. Jusqu’à ce que les Cowboys Fringants s’emparent de la scène et mettent tout le monde d’accord.

On nous avait vendu l’animal comme un authentique « festival de youkous ». On s’attendait donc tout naturellement à voir des cracheurs de feu célébrer notre venue aux toilettes sèches après un trop grand nombre de cocktails au quinoa, et à se coltiner des dreadlocks dans le visage à longueur de concert. Et bien non. A la place, on a vu une petite nana qui se prenait pour Xena la guerrière et pas moins de 79 marmots. Tant pis… Ou tant mieux. Parce que ces vilains stéréotypes sur LaSemo, c’est précisément ce qui éloigne encore trop vivement les non-initiés d’un show largement appréciable.

Pour être honnête, la tendance soixante-huitarde-rasta-bab’s se ressent quand même un peu dans la plaine du Parc d’Enghien. Mais pas trop. Juste ce qu’il faut. Et, finalement, comme à l’habitude, dans un festival. Il est même plutôt rafraichissant, ce jeunot qui secoue son sarouel dans un ballet tribal devant Spleen, alors à l’oeuvre sur la petite scène du Pavillon. Malheureusement pour les cinq Belges, leur son rock ne parvient pas à convaincre la foule de soulever son séant de l’herbe (et pourtant elle est humide). Il faut dire que la moitié des mots que crache le chanteur dans son micro est bouffée par l’instru. Ça n’aide pas. Mais ils ne se démontent pas, les garçons, ils enchaînent leurs riffs nerveux, tentent de lancer un coutumier « clap clap dans les mains » rapidement avorté. Seuls six jeunes adultes passablement ivres entament des danses paillardes sous le regard amusé de Spleen. « Heureusement qu’ils sont là! », lance David Cecera entre deux morceaux. Malgré tous les efforts du groupe, la mayonnaise ne prend pas, et c’est vraiment dommage. Mou, le public de LaSemo?

Quelques instants plus tard, sur la scène principale, les folkeux de Mes souliers sont rouges, tout droit venus du pays du Calvados et reunited en 2011, balancent leurs premières notes. Et là, le contraste est total: les spectateurs sont nombreux, ils s’agitent, dansent, tapent du pied, crient. Deux ou trois fins lurons pointent leurs baskets rouges en se tordant de rire. En pleine crise de sudation, un fêtard lance même une queue leu leu. La banqueroute, L’horloge, Les souliers rouges… Les chansons à répondre se suivent, ponctuées de délicieuses harmonies vocales. L’hypnotique débit de l’harmonica finit de nous charmer. La fête d’anniversaire de Bilbo le Hobbit au début du premier Seigneur des Anneaux? On y était presque. Et c’était bon.

Retour au Pavillon, où Les Fils de l’Autre a désormais remplacé Spleen. Et là, nouvelle antithèse. Sous son chapeau, le chanteur gratifie le public de quelques punchlines fades, du style « dans la vie, on n’a pas toujours le choix, mais tout va bien en fin de compte ». Un modeste cercle d’admirateurs se charge de nous boucher la vue en s’excitant comme des épileptiques sur un titre évoquant « l’amour entre un homme et un animal ». On ne sait plus trop de quoi il en retournait précisément, après 15 minutes, et presque machinalement, on s’éloignait de l’arène dans l’espoir de dégoter une place pas trop éloignée de la scène de la Clairière pour les (très) attendus Cowboys Fringants.

Pour l’instant, c’est JeanJean, l’animateur vedette du festival déjà présent l’année passée, qui y assure le spectacle. Un bon divertissement pour les quelques festivaliers occupés à mâchonner leur Tika Massala. Et puis soudain, ça y est, l’échassier cède la place aux Cowboys. En un éclair, la masse inerte de spectateurs devient houleuse, passionnée, et hurle à pleins poumons le refrain de La Manifestation qui ouvre le bal. « Nous sommes les Cowboys Fringants! », juge pertinent de préciser Karl Tremblay après trois chansons. Inutile, évidemment. La foule est là pour eux, et uniquement pour eux. Et les Québécois l’en remercie en lui offrant un show particulièrement survolté.

Au milieu d’un morceau, deux musiciens quittent leur guitare pour s’essayer à la corde à sauter. « Quel bon moment de scène », s’amuse Mister Karl. Le public exulte. Le chanteur a jeté sa queue-de-pie dans les airs, et s’emploie maintenant, sous les vivats, à faire tenir son micro en équilibre sur son menton (le pied d’1m80 compris). Le guitariste, lui, entame ce qui doit être son quatrième kilomètre sur scène. Une vingtaine de morceaux s’enchaînent à un rythme effréné tandis que le ciel s’obscurcit. Les mains sont chaudes et l’air frais quand les vers mélancoliques du titre Les Etoiles Filantes commencent à résonner. « Mais au bout du ch’min dis-moi c’qui va rester/ De la p’tite école et d’la cour de récré ?/Quand les avions en papier ne partent plus au vent/ On se dit que l’bon temps passe finalement… ». A ce moment précis, une multitude d’avions en papier virvoltent au dessus de la foule émerveillée. Le tempo ralentit. « Si je m’arrête un instant/ Pour te parler de ma vie/ […] C’est qu’avec toi je suis bien ». Nous aussi, on est bien ici.

C.G.

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