Critique | Musique

L’album de la semaine: Jeffrey Lewis & Los Bolts – Manhattan

Jeffrey Lewis, New York, août 2015. © Jacob Blickenstaff
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Le troubadour de l’anti-folk croque la Big Apple dans un disque touchant dont lui seul a le secret. Inside Jeffrey Lewis…

Il a signé en 2001 sur le label britannique Rough Trade, y a sorti son premier album officiel et a consacré un disque entier à des reprises de CRASS, mythique groupe anarcho punk fondé en 1977 dans l’Essex. Jeffrey Lewis n’en est pas moins américain et plus précisément new-yorkais. Né dans la Grosse Pomme il y a 40 ans déjà, l’attachant singer, songwriter et dessinateur a grandi dans le bohémien Lower East Side et fréquentait dans les années 90 le SideWalk Café. Ce bar/restaurant/club de concerts sur l’Avenue A qui lança jadis le New York Antifolk festival, accueillit les débuts des Moldy Peaches, de Regina Spektor et de Lana Del Rey.

Lewis truffait déjà ses chansons de références à la FDR Drive (sa voie rapide), à l’East River et à Williamsburg. Il a cette fois intitulé son album Manhattan et a planté le décor de son livret dans le métro et les rues d’un New York disparu (celui des défunts Kim’s Video et Tower Records). Ce livret, c’est évidemment une bande dessinée -BD dans laquelle il illustre et présente tous les collaborateurs de son disque. Heather Wagner, sa batteuse, avec son chien Alfred, Caitlin Gray (basse/clavier) qui habite à Brooklyn mais veut déménager, Turner Cody qu’il a rencontré aux Open Mic du SideWalk, ou encore ses potes des Wave Pictures avec lesquels il a enregistré quelques chansons en Angleterre.

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Du corbeau au pigeon

Jeffrey, qui vend à ses concerts ses savoureux comic books intitulés Fuff (anciennement Guff), a toujours pratiqué une approche assez visuelle de la musique. Le troubadour de l’anti-folk new-yorkais écrit comme un dessinateur ses petites vignettes dont on imagine facilement les cases, partageant avec humanité et humour sa singulière vision du monde et de vies parfois aussi étranges qu’absurdes. Mixé par John Agnello (Sonic Youth, Dinosaur Jr., Kurt Vile…), Manhattan est comme tout ce à quoi touche Jeffrey Lewis: placé sous le sceau de l’artisanat, du fabriqué main et de cette simplicité aussi sincère que touchante. « Ça parle de combien la vie peut sembler vide quand tu es en couple et que l’autre n’est pas là, parce que tu ne te souviens pas de comment avoir une relation avec toi-même », expliquait-il au sujet de Outta Town, premier extrait qu’il a dévoilé de ce nouvel album. Disque qu’il accompagnait d’un dessin original à chaque précommande.

Entamé tout en douceur par une ode à un vieux camarade d’école (Scowling Crackhead Ian), le souvenir d’une lame sur la jugulaire, Manhattan se termine avec The Pigeon. Réécriture d’un poème d’Edgar Allan Poe (Le Corbeau) dans lequel Jeffrey joue un rabbin qui se lamente qu’un oiseau refuse de quitter son appartement. Bordélique et bricoleur, Lewis est un gentil punk qui fait du folk. Alterne les ballades coolos (Thunderstorm ou le dépouillé Support Tours) et les titres plus énervés (Sad Screaming Old Man, Have a Baby ou encore Avenue A, Shanghai, Hollywood) dans un esprit toujours spontané et débridé. Une nouvelle jolie pierre pour un édifice qui tôt ou tard finira classé…

DISTRIBUÉ PAR ROUGH TRADE/KONKURRENT.

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