Critique | Musique

[l’album de la semaine] Brockhampton – « Roadrunner: New Light, New Machine »

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Abonné aux disques foutraques, le collectif rap sort son projet le plus cohérent, tout en continuant de jongler joyeusement avec les catégories.

Pour commencer, un point « cover ». Comment interpréter celle du nouvel album de Brockhampton, son sixième? Au moment où le support physique devient de plus en plus anecdotique dans l’industrie musicale, a fortiori quand une pandémie paralyse une bonne partie de l’économie, le collectif a décidé d’afficher son artwork dans un boîtier de CD. Après tout, pourquoi pas? Depuis le départ, Brockhampton a pris l’habitude de jouer le contre-pied…

Il n’est pas interdit d’y voir également une référence aux années 90, période glorieuse de la galette digitale et âge d’or des boys bands. De ces derniers, Brockhampton en a toujours revendiqué l’héritage. Une boutade? Certes. En attendant, elle permettait de rappeler comment la formation s’était constituée, en 2010, quand Kevin Abstract postait sur le forum KanyeLive une proposition pour lancer un groupe, à partir de rien. Dès le départ, Brockhampton assumait ainsi sa supposée artificialité. Mieux: il s’en servait pour mieux la dégoupiller et se permettre tous les écarts. S’il était réellement un boys band, alors Brockhampton serait multiracial, multidisciplinaire jonglant entre les genres. Avec à l’arrivée, une discographie aussi accrocheuse que foutraque.

Avec Roadrunner, le collectif trouve cependant une nouvelle cohérence. Derrière le boîtier en plastique, il se montre même plus transparent que jamais.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Brockhampton a toujours eu une place un peu à part sur la scène rap américaine. Cherchant régulièrement le point de rupture pop, sans forcément collectionner les tubes grand public, il a volontiers flouté les lignes. Sur Roadrunner, il conserve une part de schizophrénie. En milieu de disque, un morceau comme I’ll Take You On est une ballade au sirop r’n’b assez craquante, tandis que Count On Me est le plus susceptible de squatter les ondes radio. Pour autant, Brockhampton continue d’explorer de nouveaux terrains de jeu.

Mais peut-être parce qu’il sait son temps compté -après Roadrunner, il souhaite livrer un ultime album, puis se saborder-, le collectif texan gagne en simplicité, et en intensité. C’est évident avec Buzzcut en ouverture: accompagné par Danny Brown, Kevin Abstract grince: « A platinum record ain’t gonna keep my black ass out of jail. » Plus loin, il évoque encore sa sexualité (« I still struggle with tellin’ my mom who I love« ). Sur le même morceau, The Light, Joba évoque, lui, le suicide de son père. Sur fond de guitare sixties et de coulées d’orgue, il raconte: « When I look at myself, I see a broken man/Remnants of my pops, put the Glock to his head. » Intime, Roadrunner n’est pas pour autant un album introspectif ou refermé sur lui-même. Si Brockhampton se permet de livrer davantage ses états d’âme, il reste combatif. Même dans un monde qui semble partir tous les jours un peu plus en sucette, explique Joba, la lumière n’est jamais très loin.  » The light is worth the wait« , promet-il…

Brockhampton, « Roadrunner: New Light, New Machine », distribué par Sony. ****

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
[l'album de la semaine] Brockhampton -

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content