Kevin Morby: « Je voulais me montrer vulnérable »

"Ce n'est pas tant un disque sur la religion qu'un album autour de cet ô mon Dieu si souvent utilisé." © Barrett Emke
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Kevin Morby questionne la spiritualité et sort avec le remarquable Oh My God l’album religieux d’un agnostique… Rencontre.

« They can not scare us or stop the music. (…) If the gunmen come, or If I die too young, I’m full of love. »

« Ils ne peuvent pas nous faire peur ou arrêter la musique. (…) Si les tireurs viennent ou si je meurs trop tôt, je reste plein d’amour. » En octobre 2016, Kevin Morby sortait Beautiful Strangers. Une protest song inspirée par les violences policières, la tuerie d’Orlando et les attentats de Paris. Le Oh My God qu’il y répétait tel un mantra est devenu le point de départ de son nouvel album. Il lui a même donné son nom. « C’est devenu un marqueur. Un truc que je me suis mis à écrire dans d’autres chansons. L’orgue, les pianos, les choeurs, moins de guitare… Quand on a créé le disque avec le producteur Sam Cohen, on s’est dit que ça ressemblait à ce que tu pourrais entendre dans une église. »

Ses parents l’ont décidé méthodiste. Il n’a pas participé au culte, guère fréquenté l’église. Mais Morby a grandi au milieu de la religion dans un État, le Missouri, qualifié de God Fearing Country. Entouré par des groupes très religieux et homophobes. Il insiste. Il a veillé à ne pas sonner comme un chrétien. Des morceaux tels qu’OMG Rock’n’roll et Piss River en sont les plus éclatantes preuves… « Parfois, tu lis les news, tu tombes sur des histoires de massacre, de crime de race, tu te mets à te dire que ça pourrait te mener à la mort. C’est là que tu deviens spirituel. C’est aussi lié au fait de prendre de l’âge. Je suis un vieil homme maintenant. J’ai 30 ans. (rires) Je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit de particulièrement nouveau en bien ou en mal avec la religion pour l’instant. Ça a toujours été la même histoire. On connaît celle de l’Église catholique… Ce n’est pas tant un disque sur la religion qu’un album autour de cet ô mon Dieu si souvent utilisé. »

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Respect, tolérance, circonspection… « Les gens sont les gens. Ils font avec les choses ce qu’ils veulent en faire. J’ai bien conscience que la religion a mené à des événements terribles. Mais elle est aussi synonyme de beauté et pour certains, elle joue un rôle fondamental. Je ne suis pas croyant. J’imagine que je me considère comme agnostique. »

Malgré son ignorance et son indifférence, Morby note que la religion est partout. Omniprésente jusque dans la musique à travers ses thèmes et son imagerie. Il évoque l’indie rock, Bright Eyes, Arcade Fire. Le Velvet Underground, Leonard Cohen, Bob Dylan… « La spiritualité de sa musique m’a influencé mais sa période chrétienne est très embarrassante, je trouve. C’est vraiment fou. La pochette pour Saved, cette phase Born again… Je ne peux pas penser à un groupe qui à un moment ou un autre n’a pas fait référence à la religion. Je ne vois quasiment rien dans la culture pop qui n’y a jamais fait allusion. C’est le reflet de la place que la spiritualité prend dans nos vies. Elle donne au cerveau et à la conscience humaine quelque chose auquel se rattacher face à la noirceur et aux doutes, même si des tragédies sont commises en son nom. »

Pecknold, Cochemea, Perkins…

Morby n’aime pas les religions organisées. Le jour de notre rencontre (l’incendie de Notre-Dame n’a pas encore eu lieu), il parle de ses visites à la cathédrale Saint John the Divine pour écouter des chorales de gosses. « Toutes les religions, toutes les sexualités y sont acceptées. On l’appelle l’église des gens. » Il évoque sa propension, lors de ses voyages, à visiter des édifices religieux. « Ce sont les plus belles architectures encore debout… C’est comme les musées et la plage, ce sont des endroits où tout le monde peut se promener. J’aime m’immerger dans leur beauté. » L’Américain raconte aussi les peintures religieuses qui ornent sa maison. « J’adore ça. Ce sont celles que je préfère avec celles des grands espaces américains. J’en ai même une de Jésus-Christ dans mon salon. »

Musicalement, Morby a déshabillé ses chansons. Essayé de donner l’impression à l’auditeur d’être dans une cathédrale. « On a pensé enregistrer dans une église. Mais on a préféré aller en studio et s’assurer que l’environnement était sous contrôle. » Quelques invités sont venus se mêler à la fabrication. Son amie Alecia Chakour, qui a géré les choeurs, le saxophoniste de Daptone Cochemea Gastelum, Elvis Perkins (le fils d’Anthony) ou encore le chanteur de Fleet Foxes, Robin Pecknold. « C’est le frère de ma manageuse. Je voulais sa voix sur le disque. »

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Ce disque, Morby l’a écrit sur son lit et dans des avions… « Le pieu est confortable. C’est l’endroit où sont tes rêves, l’endroit où tu t’allonges avec ton amoureuse… Tandis qu’en avion, je suis anxieux jusqu’à ce qu’on passe au-dessus des nuages. Je pense de manière très claire et vive quand je suis dans les airs. Tu es comme dans l’éther. Tu t’échappes de l’espace et du temps. »

Tantôt très habillé, tantôt complètement dépouillé, Oh My God joue de toute sa spiritualité. L’intro de la chanson qui lui a donné son titre ouvre l’album sur une note éthio-jazz. Morby est fan de la pianiste Tsegué Maryam Guèbrou. « Je n’arrive jamais à prononcer son nom. Ce qui est marrant, c’est que c’est une nonne. » Congratulations, le morceau le plus optimiste du disque, sort lui d’un rêve et célèbre le fait d’être en vie… « Il y a des morceaux avec un gros son et d’autres où c’est juste moi. Je vais tourner avec un big band de huit personnes au début. Pianiste, saxophoniste, choristes. Et ensuite en duo. »

Sur la pochette d’Oh My God, Morby apparaît à moitié à poil sur son lit devant une peinture de sainte Cécile. « Je voulais me montrer vulnérable. Ressembler à ce dont j’ai l’air quand j’écris. Tous les artistes religieux semblent si exposés et nus. Il n’y avait aucun vêtement que je pouvais attacher à ces chansons. » La musique est pour lui une forme de méditation. « Elle est spirituelle. Particulièrement sur la route. La salle de concert est un peu quelque part une église. » Amen.

Oh My God, distribué par Dead Oceans/Konkurrent. ****

Le 14/06 à l’AB et le 14/07 à La Cave aux poètes (Roubaix).

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