Jeux Olympiques: à chaque édition son hymne

Björk et sa fameuse robe ondulante à Athènes en 2004. © Getty Images
Didier Stiers Journaliste

Il n’est pas de Jeux Olympiques sans un hymne voire une chanson « officielle ». Petit récapitulatif des médaillés et des oubliés en la matière, où le belge Netsky fait aussi parler de lui. Plus vite, plus haut, plus fort.

L’Euro de foot, le Tour de France à bicyclette profilée et Wimbledon à peine terminés, voilà que démarrent les JO. Ceux de Rio, les premiers de l’Histoire à se tenir en Amérique du Sud, du 5 au 21 août. Mais tous les quatre ans, c’est aussi un peu la même chose. Vous avez remarqué? C’est qu’il en va des Jeux Olympiques, et d’ailleurs des cérémonies d’ouverture ou de clôture de n’importe quelle compétition sportive d’envergure, comme d’un générique de James Bond: il convient d’y associer un groupe, un artiste, un hymne, un tube, bref, de la musique.

Si le but avoué est de souligner par ce biais et autant que faire se peut la culture du pays hôte de même que les valeurs de l’olympisme, il faut bien reconnaître qu’avec les années, le tableau d’honneur n’est plus aussi frais qu’au premier jour dans toutes les mémoires. Ce n’est pas encore tout à fait comme pour l’Eurovision, mais n’empêche… Oubliées, un peu ou beaucoup, une Gloria Estefan qui chante Reach en clôture des JO d’Atlanta en 96, The Flame par Tina Arena à Sydney en 2000, Sarah Brightman et Liu Huan en duo sur You and Me à Pékin (2008), et Estelle Sainte-Croix interprétant Je t’aime à Montréal en 1976? Peut-être bien.

Difficile par contre de ne pas se souvenir des divas. Whitney Houston, à Séoul en 1988, avec One Moment in Time. Atlanta, en 96, c’est aussi l’occasion pour Céline Dion, Tssséline, de nous rappeler The Power of the Dream. En 1992, à Barcelone, Freddie Mercury et Montserrat Caballé, « La Superba » catalane, chantent… Barcelona. En duo. Enfin, presque: le moustachu de Queen est mort au cours de l’hiver précédent et leur ode, écrite par ses soins à la demande du Comité Olympique, résonne depuis un grand écran sur le stade olympique de Montjuic. Quant à Björk, qu’en dire, sinon qu’à Athènes en 2004, sa robe fait forte impression? Une « traîne » de 900 mètres qui ondule telle la Mer Egée, ce n’est effectivement pas tous les jours que ça se croise. Entre parenthèses, c’est avec Oceania que l’Islandaise lance alors les JO.

Muse, forcément pompier, à Londres en 2012.
Muse, forcément pompier, à Londres en 2012. © Getty Images

On le voit, dans ce chapitre plus « protocolaire » des Jeux, chapitre développé à partir de 1920 (JO d’Anvers), l’apparition des grands noms de la pop ne date pas vraiment d’hier. Mais aujourd’hui, ils sont juste incontournables. A Londres en 2012, donc lors de la précédente édition du grand raout musculaire, ce sont les Anglais de Muse qui s’y sont collés. Avec Survival. La grandiloquence de Bellamy & co n’a pas plu à tout le monde: « This is the song I want to hear when the world ends », ironise ainsi John Holmes de BBC Radio 4 à propos de cette chanson officielle. Cette année-là, la cérémonie d’ouverture, mise en musique par ces messieurs d’Underworld à l’instigation de Danny Boyle, accueille notamment Mike Oldfield et Paul McCartney, tandis que les Pet Shop Boys, Emeli Sandé et autre Ray Davies chantent lors de la clôture.

A chacun son air

Et puis surtout, on a entendu se multiplier les hymnes et les chansons officielles nationales, au point parfois de ne plus s’y retrouver. A Rio, la chanson officielle justement est Alma e Coração (« Âme et coeur », pour les non Lusitaniens de nos lecteurs), interprétée par un chanteur star de la samba, Thiaguinho, et un rappeur, Projota. Mais la chaîne américaine NBC Olympics a opté pour le plus international Rise de Katy Perry, produit par Max Martin (Britney Spears, Taylor Swift, Nicki Minaj, Pink…), illustré par un clip reprenant les JO précédents et les exploits de divers compétiteurs. Quant à la BBC, le service des sports y a choisi de faire sa promo sur un ton plus blues rock avec Not Gonna Brake Me de Jamie N Commons.

Netsky, ambassadeur musical de la Belgique à Rio.
Netsky, ambassadeur musical de la Belgique à Rio. © DR

Et chez nous, qui fait quoi? Le 14 novembre dernier, le Comité Olympique et Interfédéral Belge présentait le clip publicitaire destiné à soutenir la campagne brésilienne des sportifs du Plat Pays. Images en stop motion, look « street art » (signé par le Gantois Simon Everaert alias Mister Mong) et musique composée par Netsky. L’idée? « Montrer que nos athlètes, dans leurs différentes disciplines, travaillent dur pour atteindre le plus haut niveau et pouvoir se qualifier pour les JO », dit-on au Comité. Sur le site duquel Netsky explique: « Je suis fier de pouvoir accompagner nos athlètes olympiques nationaux sur la longue route qui les mènera à Rio. Ce single est une manière de leur montrer mon support et je trouve cette aventure incroyable! La chanson Rio était un choix pertinent pour mettre en musique le concept de Road to Rio et en faire une version spéciale pour cette campagne est un véritable honneur. »

Comme des animaux

Boris Daenen de son vrai nom (et lui est d’Anvers) compte parmi les producteurs les plus prolifiques dans le secteur de l’électronique dansante. Son troisième album, pas mal éloigné de cette drum’n’bass avec laquelle il s’est fait connaître, a vu le jour en juin dernier. C’est sur ce disque, intitulé III, que l’on trouve Rio, le morceau en question.

« Le titre existait déjà depuis six bons mois quand nous avons eu nos premières réunions avec le COIB, explique-t-il (Rio est sorti en juillet 2015, NDLR). Et je ne l’ai pas non plus écrit en pensant aux Jeux Olympiques. J’ai dès lors plutôt eu de la chance: ça tombait bien, et le titre correspondait à ce qu’ils cherchaient. Au départ, quelqu’un a entendu le titre, a contacté mon management, et après quelques échanges de mails, nous avons commencé nos réunions à Bruxelles. »

L’hymne olympique

Eh oui, les JO ont aussi leur propre hymne. Il a été écrit sur commande par Kostis Palamas (texte) et Spiros Samaras (musique) à l’occasion des Jeux de 1896 qui se sont déroulés à Athènes, soit les premiers Jeux de l’ère moderne. Un petit extrait? « Dans la course et la lutte et le poids/Des nobles jeux éclaire l’élan/Prépare la couronne/Faite de la branche immortelle/Et donne au corps la force/De l’acier et la dignité »… Suivant les éditions, il a été ou non interprété, parfois remplacé de circonstance (par l’hymne anglais à Londres en 1908, du Strauss en 36 à Berlin, un texte de Kipling mis en musique en 48 à Londres…). En 1960, à l’occasion des Jeux Olympiques de Rome, tout rentre dans l’ordre: l’oeuvre de Palamas et Samaras est définitivement adoptée comme hymne officiel.

Rio fait l’unanimité auprès des instances dirigeantes. Le titre colle à l’idée de la campagne de promotion. Un autre travail peut alors commencer… « Après la première réunion, nous avons décidé de faire de Rio quelque chose d’exceptionnel sur scène, un spectacle très visuel, avec des danseuses de samba. » Qu’on verra encore deux fois pour l’occasion: le soir de l’ouverture des Jeux, et un jour prochain au village olympique, là-bas sur place.

« En février, nous sommes partis à Lanzarote avec les athlètes, raconte encore Boris. Là où ils avaient leur camp d’entraînement. » Quelques photos publiées sur Facebook plus tard, et tout le monde y trouve son compte. Le garçon s’amuse, dit être plus doué pour la musique que pour le sport. « Oui, on dirait! » Il rit: « Le problème, c’est que je n’ai pas eu beaucoup de temps pour me préparer. Plus sérieusement, c’est incroyable, ce qu’ils font! J’ai vu les coureurs, les nageurs… Ce sont des guépards et des poissons, ils ont quelque chose « d’animal » quand ils pratiquent leur sport. Et nous, on repense aux quelques petites techniques qu’on a apprises à l’école… C’est vraiment fascinant de les regarder, et d’apprendre à les connaître. »

Netsky partage sa fin juillet entre Espagne, République Tchèque et Canada. Son agenda mentionne ensuite l’Estonie et la Roumanie, puis l’Espagne, et notamment Ibiza. A certains égards, son job et le métier d’athlète, c’est kif kif. « Certainement. La carrière d’un musicien, et celle d’un DJ en particulier, se déroule aussi dans un cadre assez « jeune ». Bien sûr, il y a des artistes qui sont encore sur scène à 60 ou 70 ans, mais je pense en effet qu’en général, le travail est intense et s’effectue sur une période de temps limitée. Les athlètes travaillent dur pour une seule Olympiade… »

Et si Rio avait été un vrai travail de commande? Résultat différent, et ça se serait entendu, assure l’intéressé! « Déjà rien que pour des raisons de liberté artistique, qu’on perd par conséquent un peu. Je crois qu’on finit toujours par s’en rendre compte. J’estime que la liberté créative est importante. Et ce qui est chouette pour moi, mais certainement moins pour eux, c’est que la musique, les éléments musicaux dictent ce qui se passe. Plutôt que de me présenter avec un produit vis-à-vis duquel je ne me serais pas senti à l’aise, je les ai rencontrés avec un morceau terminé. Et à partir de là, on a pu commencer à travailler sur le projet. »

Les Jeux n’ont pas encore débuté au moment d’écrire ces lignes. Mais Boris, déjà gros vendeur commercialement parlant et chouchou des festivals où une clôture en mode dance est un gage d’affluence, vient d’ajouter une médaille à son palmarès: son single a été remixé pour l’été, et Macklemore y pose désormais quelques couplets…

Netsky sera le 3 septembre à l’affiche du Laundry Day, à Anvers.

Etonnant, non?

1. Les stars venues chanter lors des cérémonies d’ouverture et de clôture des JO de Londres en 2012 ont été payées. Chacune a reçu… £1! Un jeton de présence, en d’autres termes. En réalité, Emeli Sandé, Paul McCartney, Dizzee Rascal et les autres avaient accepté de jouer pour rien, mais encore leur fallait-il être en règle avec les administrations. D’où un contrat les liant aux organisateurs, contrat prévoyant ce défraiement somme toute modique.

2. Les Jeux Paralympiques ont eux aussi droit à leur bande-son. L’édition brésilienne, qui se déroulera du 7 au 18 septembre, a notamment fait l’objet d’un clip promo concocté à la demande de Channel 4 en Angleterre. Près de 200 sportifs et non sportifs en situation de handicap y sont montrés dans leur vie de tous les jours au son de Yes I Can, la chanson de Sammy Davis Jr., interprétée pour l’occasion par The Superhuman Band, un groupe, là aussi, d’handicapés.

3. Montréal célébrait cette année les 40 ans de « ses » JO. Comme il se doit, au stade olympique où, le 21 juillet dernier, a été organisé un concert géant (sic), commémoratif et gratuit. Têtes d’affiche: Walk Off The Earth, Marie Mai et Ariane Moffat… Comme ailleurs, le stade sert aussi de « salle » de concert, susceptible d’accueillir un public « record » (78 000 personnes pour Pink Floyd en 77, près de 74 000 la même année pour Emerson, Lake & Palmer…).

4. En la matière, on fait décidément des chansons pour tout! Rio 2016 a aussi son thème officiel pour… le relais de la flamme olympique! Cette chanson-là s’intitule A vida de viajante, un classique au Brésil, signé par Luiz Gonzaga, et transformé pour l’occasion (qui a dit modernisé?) en une sorte de melting-pot d’influences musicales.

5. Et du coup, tout le monde s’y met! Evénement oblige, Pelé lui-même a écrit et enregistré un morceau, intitulé Esperança, qu’il chante accompagné par un choeur d’enfants. « Il évoque la fête brésilienne, qui va rendre le monde heureux avec joie et émotion », selon ses propos repris par L’Equipe. Signalons cela dit qu’Edson Arantes do Nascimento a déjà trois albums sous les crampons!

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