IDFA: La musique en tête d’affiche, 4 docus musicaux à voir

Heaven Adores You, le documentaire sur Elliott Smith de Nickolas Rossi. © DR
Elisabeth Debourse Journaliste

Le rendez-vous international du documentaire faisait cette année encore une place d’honneur à la musique avec une sélection des meilleures réalisations du genre, sorties en 2014.

Elle est présente tout du long, s’est greffée au film et en fait désormais partie intégrante. Elle vallonne la narration, lui fait atteindre des sommets d’émotions, tout en restant invisible, faisant alors même oublier son pouvoir hypnotique. Mais quand le cinéma du réel la fait basculer de l’autre côté du miroir-écran, de sa place de bande-son à celle, plus centrale, de sujet principal, la musique doit par conséquent « se faire voir ». Et quand l’entreprise du visible et des mots est menée à plus que bien, il se produit quelque chose de particulier: l’on sort de l’expérience instinctive que peut être la musique parfois, pour prendre le temps de la découvrir sous tous ses angles; tant sonores qu’humains. Ces docus musicaux sont un genre à part et cette année, Amsterdam avait décidé d’en consacrer seize dans son Festival International du Documentaire, sélectionnés parmi tous les projets sortis cette année. Retour sur quelques projections qui nous ont fait battre du pied.

Sound It Out, de Jeanie Finlay

On a tendance à l’oublier pour le cinéma et d’autant plus pour le documentaire, mais le lieu d’une projection, tout comme celui d’un concert, influence grandement notre ressenti. C’est dans une petite salle de la Kleine Comedie qu’est présenté Sound It Out. Il est plutôt tard, on est entre nous; quelques insomniaques mélomanes qui finiront cernés le lendemain matin. Le magasin de vinyles de Tom Butchart est lui aussi terriblement exigu et pourtant, il est le foyer d’accueil d’une partie de la population de la petite ville industrielle et suffocante d’ennui de Stockon-on-Tees, au Nord-Est de Londres. On y croise notamment un obsédé de Status Quo, dont la calvitie avancée est compensée par quelques longues mèches ondulées oubliées à l’arrière du crâne. Il ressemble à un original, Shane, à vouloir se faire enterrer dans un cercueil fait de vinyles de son groupe préféré. Puis on se rend compte qu’on le connaît, qu’on l’a croisé… voire qu’il nous ressemble.

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Jeanie Finlay, originaire du coin (perdu), l’a rencontré, lui et des dizaines d’autres habitués ou visiteurs occasionnels du lieu. « The only good thing about going home was spending more time at the shop. I was just thinking, ‘God, this is a total haven for me,’ then I looked around and I realised it was for everyone« , confie-t-elle au Guardian. Presque l’unique femme dans ce micro-monde peuplé d’hommes (Sound It Out a par ailleurs été présenté dans le cycle « Female Gaze »), la réalisatrice le capture avec une chaleur et une simplicité qui donnent envie de s’installer dans ce record shop de seconde zone. « What records really mean?« , ose-t-elle à l’issue de la projection, face au public. Que signifie la musique, pour nous tous? Ici, les protagonistes y répondent avec ce qu’ils ont de plus intime; leur histoire et des gestes, quand d’ordinaire tout ce qui leur importe sont leurs oreilles.

Around the World in 50 Concerts, de Heddy Honigmann

D’autres la font, avec leurs doigts, leur souffle et toute leur énergie. Musiciens de l’un des plus grands orchestres symphoniques du monde, les protagonistes de Around the World in 50 Concerts sont partis l’année dernière en tournée pour fêter les 125 ans du Royal Concertgebouw Orchestra d’Amsterdam. De la toute première confession hilarante d’un percussionniste à celle, touchante au possible, d’un contrebassiste, en passant par les histoires de quelques amoureux de la musique croisés à Buenos Aires, Soweto ou Saint-Pétersbourg, c’est par dessus tout de passion qu’il s’agit ici. Celle qui fait qu’un instrument devient le compagnon de route de toute une vie, dont les oeuvres de Stravinsky, Mahler et Brahms sont la bande originale. Celle qui isole un père dans une chambre d’hôtel à des milliers de kilomètres de son gamin le jour de son anniversaire, qui improvise un concert de violoncellistes dans un magasin de chocolats, qui fait tomber les barrières de la langue à l’aide d’une baguette et pleurer un vieil homme. « When a regime thinks it is better than art, it will fall« , peut-on saisir lorsque le gigantesque groupe joue en Russie. Le pouvoir de l’art se lit dans chaque scène de ce documentaire, s’écoute surtout, même si l’on n’est pas forcément adepte de musique classique. L’IDFA a choisi le film pour ouvrir son festival et pour cause: comme la musique, il est fédérateur.

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Elliott Smith: Heaven Adores You, de Nickolas Rossi

Pourtant, pour certains, la musique se vit seul. Le commun des mortels a beau aspirer à la reconnaissance, certains génies créatifs, en plus d’avoir une grande part d’ombre, préfèrent y rester. « I’ll never be a big rockstar. Not that I try to avoid anything. But I’m the wrong kind of person to be really big and famous« , lâchait Elliott Smith dans une interview, avant la déferlante d’attention qui allait le frapper, en plein coeur, après sa participation à la B.O. de Good Will Hunting. Comme une prémonition. Un avertissement plutôt. Mais des détails de son suicide, des questions et du malaise qui l’ont suivi, Heaven Adores You n’en parle pas, ce qui est fondamentalement une bonne chose: cela serait réduire l’homme à son ultime acte et remuer un mystère irrésolu et insoluble. Subsiste dans ce film biographique le souvenir chéri d’Elliott Smith, dont le portrait complexe est brossé par ses proches (plus nombreux que dans le « non-officiel » Searching for Elliott Smith).

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Si le réalisateur Nickolas Rossi aurait pu se passer des plans contemplatifs qui entrecoupent les interviews au profit d’un matériel plus « vivant » et s’attaquer à une structure narrative plus complexe, le documentaire n’en reste pas moins une source d’informations et d’affection précieuse. Une enfance à Portland, les premiers émois à cordes auprès de la bande-famille Heatmiser, un humour inattendu, une crinière éphémère bleu fluo, une trouille et répulsion face aux villes qui brillent, une fragilité à fleur de tout, qui allait de pair avec un talent incontestable… Heaven Adores You déroule le fil d’une vie qui, à force de trop tirer dessus, a fini par lâcher. Nostalgie émotive pour les aficionados et un bon paquet d’albums à découvrir et à chérir pour les autres en perspective.

Austin to Boston, de James Marcus Haney

De nostalgie il est également question dans Austin to Boston, mais plutôt façon filtre Instagram, vans VW qui démarrent à l’huile de coude, barbes fournies et chemises en flanelle unisexes. Quatre groupes folkeux à souhait prennent la route à bras le corps durant deux semaines, enchainant les concerts entre la capitale du Texas et le coeur du Massachusetts. Ben Howard, The Staves, Nathaniel Rateliff et Bear’s Den font partie de ce voyage adulescent qui fait la part belle aux choeurs au coin du feu, aux hugs à l’américaine et aux bons sentiments de manière générale. Les deux semaines de cette traversée ont été immortalisées par un jeune documentariste qui avait déjà fait parler de lui outre-Atlantique avec son No Cameras Allowed, James Marcus Haney, pour un résultat qui mêle souvenirs 16mm et images d’une famille de musiciens d’aujourd’hui. Si le documentaire ne brille pas par l’originalité de son propos (la beauté d’un voyage entre amis, entre éclats de rire et baisses de régime), il propose néanmoins une esthétique intéressante, bien que dans l’air du temps, mais surtout quelques intermèdes purement musicaux très léchés. Les amateurs de road-trips volontairement vintage et de clips longue durée y trouveront leur compte.

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Les autres, doux exigeants qui n’auraient pas encore trouvé leur bonheur parmi les quatre documentaires précités, pourront toujours s’inspirer du reste de la sélection musicale de l’IDFA, dans laquelle on retrouve notamment l’histoire du flamboyant jazzman Rahsaan Roland Kirk dans The Case of the Three Sided Dream, celle du plus célèbre des guitaristes andalous racontée dans Paco de Lucía: A Journey, ou encore This Lovely Shitty Life sur des femmes mariachis, alors qu’il y a peu de chance de faire fausse route avec Keep on Keepin’ on, grand gagnant du prix du public du Melkweg.

La liste complète des documentaires musicaux présentés au IDFA 2014.

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