Gorillaz, livestream and kicking!

Gorillaz Song Machine Live From Kong © Christian Cargill
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Dimanche soir, le groupe de Damon Albarn et Jamie Hewlett donnait la troisième et dernière représentation de son livestreaming, depuis son QG, à Londres. Compte-rendu.

Ces dernières années, il s’est passé avec Gorillaz quelque chose d’inédit. Cartoon band, créé par Albarn et Hewlett comme une récréation post-situationniste, il s’est fait rattraper par la réalité. Voire carrément dépasser. Les 4 années de présidence Trump auront fini de troubler la ligne entre réel et fiction, vérité et propagande (les confondant même); tandis que la covid-19 aura accéléré le passage au tout-virtuel. Gorillaz, ce fake band, apparu avec le Net, moquait un futur envahi par les écrans. On y est…

Fini les live diffusés gratuitement

Il était donc assez logique qu’Albarn & co passent l’étape du livestreaming. Faute de concerts, les artistes sont de plus en plus nombreux à y succomber. Fini les live diffusés gratuitement, captés avec deux téléphones et demi, depuis son salon. Il s’agit désormais de mettre les moyens. C’est qu’il faut bien justifier le prix du « ticket » d’entrée. Il en coûtait ainsi 15 euros pour assister ce week-end à l’une des trois représentations proposées par Gorillaz. Un prix que l’on pourra trouver conséquent – comparativement à la location d’un film sur n’importe quelle plateforme de VOD payante -, mais que les organisateurs justifient par les coûts de production. Par ailleurs, le ticket acheté donnait accès à trois autres connexions gratuites. De quoi démultiplier les audiences avec une seul et même « entrée ».

Gorillaz, livestream and kicking!
© Gorillaz

Dimanche soir, sur le coup de 20h, Gorillaz entamait donc la troisième et dernière représentation du week-end, réservée aux fuseaux horaires européens et africains (même s’il était possible d’acheter un ticket pour les deux autres concerts, américain et asiatique, peu importe l’endroit). Symboliquement, le concert démarre avec Strange Timez, morceau d’ouverture de l’album Song Machine, paru fin octobre. Robert Smith (The Cure) est bien présent. Face caméra, le premier invité de la soirée fait plus que jamais figure d’oracle goth d’un monde en plein chaos. Derrière lui, Albarn saute déjà partout tandis que ses camarades – un groupe conséquent d’une douzaine de musiciens, dont six choristes – font monter la tension, postés devant un écran géant qui diffusent les animations de Jamie Hewlett. En fin de morceau, Smith fait mine de frissonner et tente même un demi-pas de danse : les temps sont compliqués, c’est sûr, mais cela ne va quand même pas empêcher de faire la fête. Confirmation avec The Valley Of Pagans, sur lequel l’hologramme de Beck vient chanter et se trémousser.

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C’est sans doute la « prouesse » technologique la plus spectaculaire de la soirée. Gorillaz a toujours mis au point des live visuellement spectaculaires. Paradoxalement, le livestreaming ne propose pas spécialement de grandes nouveautés. A l’instar du récent carton de Dua Lipa (5 millions de connexions pour son Studio 2054), il ressemble davantage à un TV special qu’à un véritable bond dans le futur. On ne s’en plaint pas forcément. Parfaitement scénarisé, et mis en image, le set n’apparaît jamais désincarné. Elton John et 6Lack, par exemple, n’ont pas eu besoin d’être présents pour que The Pink Phantom confirme être bien l’une des ballades les plus touchantes de Gorillaz.

Tourné dans un grand hangar de Londres, le show parvient ainsi à donner presque le goût du live – on voit même les roadies s’activer, et à la fin de chaque morceau, on entend au loin l’équipe de production crier et applaudir en coulisses… Après trois morceaux, Albarn interpelle directement la caméra, et en profite pour saluer les internautes, ainsi que ses parents: « hello mum and dad, see you soon »… Un détail, mais qui, en plein reconfinement, et alors que les fêtes se dérouleront en petit comité, fait irrésistiblement mouche. Sur le piano, une banderole ironise: « Stay negative ! », tandis que des cartons de pizzas dominatrix (sic) gisent sur le côté.

Derrière l’écran du PC, ce sont les morceaux les plus intimistes qui fonctionnent souvent le mieux. Albarn n’a cependant pas prévu de trop s’apesantir. Même en streaming, c’est la fête qu’il veut faire. Avec Peter Hook à la basse et Georgia aux drums électroniques, Aries fait office de récréation new wave, tandis qu’un peu plus loin, Désolé s’avère étrangement poignant. Mais c’est surtout sur le pétaradant Momentary Bliss, avec Slaves et Slowthai, que Gorillaz réussit à coller au mieux au sentiment d’euphorie que l’on peut retrouver en salle.

Slowthai et 2D
Slowthai et 2D© Gorillaz

Par un retournement de situation particulièrement cocasse et symbolique, les vrais musiciens s’agitent sur scène, pendant que 2D et Murdoc Niccals dirigent la manoeuvre en régie. « Les marionnettes s’épuisent, tandis les marionnettistes se réservent pour l’after party!« , se marre le corsaire-cartoon. « Il n’y aura pas d’afterparty, Murdoc, ce n’est toujours pas autorisé », le corrige 2D. « Mais ne t’en fais pas, tu peux passer chez moi, il y a toujours un puzzle que je n’ai pas terminé ». « Plutôt crever », conclut Niccals…

Dans un concert normal, Gorillaz serait alors passé au rappel. En l’occurrence, Gorillaz s’éloigne pour la première fois de Song Machine pour remonter le temps. Autour du sapin, le groupe se repenche sur l’album Demon Days (2005), en enchaînant Fire Coming Out Of The Monkey’s Head, Last Living Souls, la face B Dracula, et Don’t Get Lost To Heaven. Pas besoin d’écrire que, quinze ans plus tard, les dystopies d’Albarn et Hewlett prennent encore une nouvelle dimension. Sur le final, la vibe reggae de Clint Eastwood tourne au feu d’artifice dancehall-UK garage. « The future is coming on », prévient Albarn.

Début juillet, Gorillaz est attendu, en vrai, sur la plaine de Werchter. On croise les doigts…

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