Georges Brassens, « un vaccin contre la connerie »

Georges Brassens © DR
Aurélien David Stagiaire

Ce vendredi, parait un album de reprises de Brassens. Sous la houlette de Louis Chedid, 16 comédiens fredonnent quelques uns de ses principaux succès. Un hommage à l’occasion des 35 ans de la disparition du chanteur et poète sétois.

Il y a des temps et des temps, 35 ans exactement, que Brassens a fait son trou dans les neiges d’antan. Ce pornographe du phonographe, polisson de la chanson, dont le vocabulaire truculent et parfois grossier lui a valu sa mauvaise réputation à ses débuts, a définitivement cassé sa pipe le 29 octobre 1981, mettant un point final à une oeuvre salutaire. Une oeuvre à laquelle le public et les artistes n’ont cessé de rendre hommage depuis.

Georges Brassens, c’est avant tout un modeste. Il se savait vénéré par plusieurs générations mais a toujours gardé la posture du petit joueur de fluteau (« avec un blason à la clé, mon la se mettrait à gonfler« ). Bien qu’il ne considérait pas la chanson comme un art mineur, il savait où il se plaçait, comparé à Villon, Baudelaire, Verlaine ou La Fontaine, ces grands auteurs dont il s’était nourri au temps de ses vingt ans.

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Si on vante la qualité littéraire de ses chansons, on en éclipse trop souvent la force de la mélodie, de la rythmique. Ayant tout appris en autodidacte, sans solfège ni initiation, il a fabriqué un style unique. Dans sa voix, dans ses rythmes, un air de jazz, de villanelle ou de fandango vient s’immiscer. Il aura réussi à réconcilier qualité littéraire et musicale et à devenir un artiste dans la lignée des troubadours d’autrefois. Avec parfois une image surannée, due à un phrasé sorti, par moment, de siècles précédents. Lui-même se considérait d’ailleurs comme « foutrement moyenâgeux« :

« Le seul reproche, au demeurant,

Qu’aient pu mériter mes parents,

C’est d’avoir pas joué plus tôt

Le jeu de la bête à deux dos.

Je suis né, même pas bâtard,

Avec cinq siècles de retard.

Pardonnez-moi, Prince, si je

Suis foutrement moyenâgeux »

Il aura toutefois fait revivre tout un tas de mots désuets et truculents. Dans la ronde des jurons, il remet au goût du jour ces mots exquis, ces joyeux jurons « qui chantaient clair, qui dansaient rond« : morbleu, sacrebleu, ventre-saint-gris, « Sans oublier les jarnicoton, Les scrogneugneu et les bigre et les bougre, Les saperlott’, les cré nom de nom, Les peste et pouah, diantre, fichtre et foutre« .

Pour lui, « il est toujours joli, le temps passé« . Il regrette la messe en latin (« Ils ne savent pas ce qu’ils perdent, tous ces fichus calotins, sans le latin, la messe nous emmerde« ), les funérailles d’antan (quand « les gens avaient à coeur de mourir plus haut que leur cul » et que les héritiers payaient un verre « au fossoyeur, au croque-mort, au curé, aux chevaux« ) et se rappelle ses premières amours:

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Le temps passé, c’est aussi celui de l’apprentissage. Pendant et après la guerre, il tente de trouver sa voie en écrivant des recueils de poème, dont À la venvole, qu’il publie, un roman, La tour des miracles, et une pièce en vers, Les amoureux qui écrivent sur l’eau. En 1946, il affiche quelques temps sa verve gendarmicide dans les colonnes du journal Le Libertaire. Sous sa plume, on perçoit un anarchisme militant. Il délaissera vite le côté militant et préfère être celui qui, « n’ayant pas d’idéal sacro-saint, se borne à ne pas trop emmerder ses voisins« . Son anarchisme aura tendance à le maintenir à distance de tout groupe, meute, ligue et clique. Individualiste, il suit son chemin de petit bonhomme, celui qui ne mène pas à Rome.

« Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on

Est plus de quatre on est une bande de cons

Bande à part, sacrebleu, c’est ma règle et j’y tiens

Dans les rangs des pupitres, on verra pas le mien »

Cet individualisme, qui est loin d’être un manque d’altruisme, le préserve de l’effet de groupe. Il foule les chemins mal fréquentés, il se tient à l’écart de ceux qui hurlent avec les loups (« Gloire au premier venu qui passe et qui se tait quand la canaille crie haro sur le baudet« ). »Brassens est un vaccin contre la connerie. Mais il faut de multiples rappels, régulièrement, et cela peut faire du bien à tout le monde » prescrit Maxime Leforestier.

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En 30 ans de chansons, il a su rester le même, à la fois gaulois (Le gorille, Le bulletin de santé, Mélanie), impertinent (Hécatombe, Sauf le respect que je vous dois, La guerre de 14-18) et tendre (La chasse aux papillons, Les amours d’antan, Embrasse-les tous). Fidèle à ses prinicipes, fidèle aussi à ses proches. Au bois de son coeur, il y a les copains d’abord : René Fallet, Lino Ventura, Jacques Brel, Raymond Devos… Il n’y a pas que des amis de luxe, mais aussi aussi ceux de Sète et ceux de Barsdorf, et puis Marcel, l' »auvergnat » et « la Jeanne », et puis « Püppchen », l’éternelle fiancée, sa jolie fleur.

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Son oeuvre aura fait de lui une sorte de La Fontaine du XXe siècle. Comme lui, il a créé son petit théâtre aux personnages devenus familiers: Corne d’Auroch, Oncle Archibald, le vieux Léon, la femme d’Hector, la brave Margot, Marinette… Comme lui, il traitera tous les sujets, même les plus graves, avec légèreté. Ses chansons représentent la vie mais ne sont jamais tristes, même lorsqu’il chante les cons, la vieillesse et la mort. Mais s’il se rit souvent de la Camarde dans ses textes, il pense tout de même, comme Rabelais, qu’il est fou de mourir pour des idées (« je le maintiens jusques au feu exclusivement« , écrivait ce dernier). Pas pressé d’effeuiller le chrysanthème, qui est la marguerite des morts:

« S’il faut aller au cimetière

J’prendrai le chemin le plus long

J’ferai la tombe buissonnière

J’quitterai la vie à reculons »

Celui qui demandait à être enterré sur la plage de Sète pour passer sa mort en vacances est parti à 60 ans. C’est jeune, mais suffisant pour marquer les esprits et s’inscrire dans la famille des grands poètes pour la postérité. Il y a peu de chances qu’on l’oublie: il a planté dans la mémoire collective un myosotis fleuri dans son jardin.

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