Critique | Musique

George Michael fait sa profession de Faith

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POP | En 1987, George Michael enterrait Wham! et sortait Faith, premier album solo truffé de hits. Un disque clé, comme le rappelle sa récente réédition.

« Ce qui fait la star, ce n’est pas ce petit truc qu’elle aurait en plus, c’est au contraire ce manque qu’elle essaie de combler. » Gamin, Georgios Panayiotou (fils d’une Anglaise et d’un émigré chypriote grec) est le petit gars obèse et boutonneux, planqué dans un coin de la cour de récré. En 1987, celui qui s’appelle désormais George Michael est devenu un sex-symbol planétaire (laissant encore planer quelques doutes sur son orientation sexuelle). A 24 ans, il trône au sommet de la planète pop avec son premier album solo, Faith. C’est cet album-clé qui est aujourd’hui réédité, proposant, dans sa version la plus fournie, un double CD et un DVD.

Les disques pop bénéficient rarement de ce type d' »honneur ». Comme si le genre, greffé sur l’instant, ne pouvait engendrer d’oeuvres capables de passer l’épreuve du temps. A cet égard, Faith démontre le contraire. Aujourd’hui encore, il reste l’un des albums les plus emblématiques des années 80, à la fois complètement ancré dans son époque (et ses sonorités), et toujours écoutable près de 25 ans plus tard. Vingt millions d’exemplaires se sont ainsi écoulés, dont la moitié rien qu’aux États-Unis. Un exploit pour un artiste de Sa Majesté. Sur les dix titres, la moitié trouvera directement le chemin des hit-parades. Cette année-là, ce n’est pourtant pas la concurrence qui manque. En 1987, Michael Jackson lâche Bad, Prince sort le double Sign O’The Times, U2 pond The Joshua Tree

Années sida

Au départ, la partie est cependant loin d’être gagnée. Quelques mois plus tôt, George Michael a sabordé Wham!, machine à tubes bubble pop, autant acclamée par le public que raillée par les critiques rock. Avec Faith, ces derniers revoient leur jugement. L’idole des jeunes filles prépubères livre un album ambitieux et varié: le funk princier de I Want Your Sex ou de Monkey (Michael devient le premier artiste blanc à terminer en tête des charts R’n’B), la ballade One More Try, le crooning de Kissing A Fool, le riff rock à la Bo Diddley de Faith… Il s’agit ici de combiner la prétention artistique avec l’irrésistible besoin de séduire: George Michael a beau avoir grandi en écoutant Joy Division, c’est l’efficacité pop de The Human League qui le fascine….

Surtout, les bluettes ados ont laissé place à des sujets plus consistants. Monkey évoque la drogue, Look At Your Hands parle des violences conjugales, tandis que Hand To Mouth ne laisse aucun doute sur l’aversion de son auteur pour la politique conservatrice de Margaret Thatcher. Jugé trop osé, I Want Your Sex sera quant à lui banni des heures de grande écoute par la prude BBC (même si dans ces années sida, le clip se termine par le slogan: « explore monogamy »)…

George Michael ne sortira pas tout à fait indemne de l’aventure (« pendant un an, j’ai porté des lunettes noires, de peur d’affronter le regard des gens »). Mais il aura réussi une figure délicate: celle qui consiste à passer du rôle de leader de boys band au statut de pop star adulte. Robbie Williams et Justin Timberlake peuvent encore lui dire merci…

George Michael, Faith (remastered & expanded) , distribué par Sony.

Laurent Hoebrechts

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