Aidan

Festivals: « où est passé le public? »

Aidan Musicien

Aidan, musicien d’origine irlandaise et Bruxellois d’adoption, habitué des tournées avec Wallis Bird ou Floatinghome, se fend sur son blog de tournée d’un coup de sang envers la machine festivalière qui se veut toutefois optimiste et vecteur de pistes de réflexion. Nous vous le traduisons ici, avec son aimable autorisation.

NB: si la majorité de l’article est orienté vers les festivals irlandais, la plupart des arguments exposés sont aisément transposables à la Belgique.

Chaque été, tout particulièrement en Irlande, je remarque que de moins en moins de monde se rend aux festivals d’été. Cette année, l’un des festivals où je devais jouer a été annulé à cause, entre autres, des ventes de tickets insuffisantes.

Où sont passés les gens?

Je crois que la réponse est simple et qu’elle se cache derrière le prix des tickets. En outre, j’imagine que ceux qui mettront tout de même leur main à la poche seront rapidement dégoûtés par les sandwiches à 7 euros, les bières à 6 euros, etc., qu’on leur vendra sur place.

Pourquoi les festivals, et les services qu’ils proposent, deviennent-ils si chers alors que les festivaliers ont de moins en moins d’argent?

Mais la question devrait plutôt être la suivante: pourquoi les festivals, et les services qu’ils proposent, deviennent-ils si chers? Tout particulièrement à une époque où les festivaliers ont de moins en moins d’argent eux-mêmes…

J’ai commencé à mettre les pièces du puzzle bout à bout cet été, au fur et à mesure de mes lectures. D’un côté, les montants astronomiques que certains groupes demandent. De l’autre, les aides financières et sponsorings qui se réduisent à peau de chagrin pour les organisateurs.

Que pouvons-nous faire pour essayer d’inverser la tendance?

Premièrement, comment se fait-il que certains groupes puissent en venir à demander plus de 500.000 euros pour une prestation à un festival? (et j’ai l’impression d’être extrêmement généreux avec ce montant: un dixième devrait amplement suffire…)

L’une des répercussions de ces coûts astronomiques est que la cagnotte restante pour les groupes en bas de l’affiche est considérablement réduite. Ce qui veut dire que soit les groupes « moyens » verront leurs cachets abattus, soit les plus petits groupes ne seront pour ainsi dire plus payés du tout. C’est aussi comme ça qu’on agence des affiches qui ne valent tout simplement rien!

Avec les projets indés dont je suis le chanteur et leader, Floatinghome et Lord Altmont (Aidan est également musicien de tournée pour Wallis Bird, ndlr), je me retrouve constamment dans des situations dans lesquelles je ne peux pas payer mes musiciens de manière adéquate (moi inclus, bien sûr).

J’adorerais pouvoir me retrouver dans une situation où les festivals oublient les exclusivités géographiques et travaillent plutôt main dans la main avec les programmateurs locaux pour assurer la diversité dans les festivals. J’adorerais, aussi, voir les groupes réclamer des cachets honnêtes et adaptés à leur performance (même si je comprends que ça puisse arriver qu’un groupe ait besoin de renflouer ses caisses). J’ai l’impression que cela permettrait de réduire le prix des tickets, et ainsi à plus de festivaliers de retourner en festival, personne ne serait perdant: les groupes joueraient plus (et on adore jouer!), les organisateurs pourraient boucler leur festival de rêve, les bookers et programmateurs verraient plus de monde à leurs shows, les festivaliers auraient une sélection plus variée d’événements auxquels assister, et pourraient se permettre d’assister à plusieurs d’entre eux, plutôt qu’à un seul par an.

Deuxièmement, pourquoi les commerçants doivent-ils vendre leurs biens à des prix si élevés?

J’imagine que le coût pour être autorisé à vendre lors de ces événements doit aussi augmenter, mais si Heineken a sponsorisé le festival, est-ce que ça leur coûte réellement autant pour justifier qu’ils vendent leur bière à des prix à ce point indécents? Quant aux commerçants qui ne font pas partie des sponsors, j’imagine que le prix de leur licence a augmenté parallèlement aux autres points évoqués dans cet article.

Je sais qu’il est possible de trouver des partenaires avec une meilleure éthique de travail, et une meilleure sélection à offrir aux festivaliers. Dans cette période magique du retour de l’artisanat, il y a tellement d’options de qualité qui ne sont pas plus chères que leurs équivalents « classiques ». Si nous nous mettons à travailler ensemble et avec eux, tout pourrait devenir moins cher… Si un petit business peut prédire la demande pour son produit, il peut en améliorer l’efficacité, en réduire les coûts et en ajuster la production en fonction. Cela permettrait d’éliminer les pics de demande, et donc d’améliorer la cohérence et la qualité du produit, créant un emploi régulier, et attirant de nouveaux festivaliers: tout le monde y gagne!

Troisièmement, que pouvons-nous faire pour nous en sortir à l’heure où les sponsors et subsides s’évanouissent?

J’ai récemment parlé à des amis qui travaillent dans le domaine, et j’ai appris que certains parmi les plus petits festivals se retrouvent avec des pages et des pages de sponsors juste pour payer les groupes, avant que n’importe quel autre coût n’entre en considération. J’imagine, aussi que, si les ventes de tickets baissent, certaines choses moins importantes sont négligées et que l’expérience du festival en deviendra moins confortable.

Il y a tellement de festivals qui naissent aux quatre coins du pays, et certains travaillent en concurrence l’un avec l’autre. Je pense que c’est contre-productif. Il pourrait y avoir autant de festivals, avec des coûts réduits, et ils pourraient tous s’améliorer s’ils travaillaient ensemble… Il n’y a aucune raison d’attaquer un festival parce que son nom, sa vibe, est similaire au vôtre (1): passez plutôt leur dire bonjour et voyez comment vous pouvez bosser ensemble pour réduire vos coûts. Louez le matériel ensemble pour l’avoir à un meilleur prix, engagez un catering ou un service de sécurité pour plusieurs événements (encore une fois, ils pourront prédire la demande pour leur service et seront donc plus efficaces); peut-être que l’un des festivals a du matériel qui lui appartient et qu’il pourrait partager avec un autre, et vice-versa, et les deux pourraient éviter les coûts de location astronomiques d’une tente backstage ou d’une seconde table de mixage…

Les festivals pourraient bosser ensemble pour augmenter les ventes de tickets: par exemple, en persuadant le public de l’un d’assister à l’autre (je suis bien conscient que l’un aura inévitablement lieu avant l’autre, mais je parle ici d’un plan à long terme plus que sur un seul été); un prix réduit du ticket si plusieurs sont achetés en même temps; une navette d’un site à l’autre, pour éviter les problèmes de transport (j’estime ici, bien sûr, que les dates des festivals ne sont pas les mêmes). Ou peut-être une mention dans l’horaire de l’autre, ou même un bon de réduction…

Ensemble, essayons de continuer à donner l’envie aux festivaliers de se rendre en festival!

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