Deep in the woods, slow festival

Douglas Firs au Deep in the Woods 2014 © Snappp
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Tout ce week-end, le Deep In The Woods a démontré à nouveau qu’il y avait une vie à côté des grands rassemblements estivaux. Lost in a forest…

Samedi fin de journée, au fond des bois. Le ciel est laiteux, la température moelleuse. Au loin, on entend le bruit de la tyrolienne planquée plus haut, dans la forêt. Plus près, pop!, un bruit de bouchon qui saute. Devant le bar de l’étang, on a déployé les transats et les sièges de salon. Il y aussi un vieux piano bastringue sur lequel a été posée une bondieuserie en plâtre, entourée de bouteilles de champagne (vides). À ce moment-là, la sono enfile du swing des années 40, des premiers rocks, Rum and Coca-Cola des Andrew Sisters… On n’est pas bien là?

Là, c’est le Deep In The Woods, 4e édition, et toujours officiellement le rendez-vous musical le plus cool-chill-tranquille de la saison. Un slow-festival qui prend son temps et ne bourre pas une affiche kilométrique. Discret, il reste planqué au fin fond des Ardennes, près de Dinant, à quelques mètres de la frontière française. Dans le domaine de Massembre, précisément, centre de vacances ouvert au début des années 50, du côté de Heer-sur-Meuse – au passage, on note la mixité linguistique cocasse du nom du lieu, qui reflète bien celle du public, probablement au 2/3 flamand.

Ce week-end, le rendez-vous a pu de nouveau afficher sold out. Sans que cela soit synonyme de marée humaine: on tourne ici autour des 700 personnes, qui pour la plupart ont loué une chambre pour le week-end, ou ont planté leur tente. Le profil? Plutôt trentenaire, moins hippie que bobo. Curieux surtout, qui ont souvent fui les festivals corporate classiques, fans de musique que l’on repère tout au long de l’année à la Rotonde du Botanique ou au Club de l’AB. Les enfants sont aussi présents en nombre. On les retrouve en train de jouer au ballon lors d’une roller disco de fin d’après-midi, ou occupés à alimenter les flammes d’un braséro plus tard dans la soirée. Pendant les concerts, on les repère facilement: ils portent sur leurs oreilles leur casque de protection de chantier fluo… Ça se passe comme ça au Deep In The Woods.

Certes, l’endroit isolé peut avoir des airs de village du Prisonnier. Une petite bulle loin du monde, qui paraît fonctionner en autarcie, à son rythme. Après tout un été passé dans les festivals gueulards et surexcités, il faut même un peu de temps pour s’adapter. Samedi, en début de soirée, la musique de Madensuyu cherche d’ailleurs un peu sa place. Sur la petite scène (la seule), plantée dans l’herbe en bas du site, le duo gantois canalise sa rage habituelle. Il finit tout de même par gronder: le volcan n’explose pas, mais les coulées de lave qu’il dégueule reste par moments toujours aussi spectaculaires. Sur le coup de 21h, la nuit tombée, le duo anglais Champs s’inscrit plus facilement dans le décor. Les frérots originaires de l’île de Wight tissent des mélodies folk pastorales à la rigidité toute victorienne: parfait pour emmener ensuite les minots au lit. Car la suite va se corser. À 22h30, le programme annonce un groupe-surprise: il s’agira des BRNS. C’est peu dire que les quatre Bruxellois, « indie as fuck », ont la cote. Après un « EP » (Wounded), ils sortiront leur premier véritable album, Patine, le 10 octobre prochain. On en reparlera, mais déjà sur scène, des titres comme le nouveau single My Head Is Into You font forte impression. Puissance et sophistication, morceaux qui partent dans tous les sens, force du collectif… BRNS, cérébral et physique à la fois, semble avoir trouvé la formule magique. Même quand la basse d’Antoine lâche, en fin de set, le groupe ne se démonte pas. Il repartira quelques minutes plus tard, pour deux derniers titres, dépanné par Sinkane, qui joue juste après: c’est aussi ça l’esprit DIW, débrouillard, convivial et sans chichis.

C’est également le genre d’endroit relax, détendu, dont le programme prévoit une séance de tai chi le samedi matin, ou une grande promenade en forêt. Un festival où les groupes arrivent souvent la veille, soit parce qu’ils sont en résidence (tout à coup, en passant entre deux baraquements, en milieu de soirée, on tombe sur la voix incroyablement soul de Delvis), soit pour faire la fête – le bar de l’étang ne ferme visiblement jamais très tôt.

On est bien d’accord: de Rock Werchter à Tomorrowland, plus grand-monde ne se rend vraiment en festival pour la musique. Ou plus seulement. Ce qui compte avant tout tient à autre chose: l’ambiance, le rassemblement, la fête, etc… À cet égard, le Deep In The Woods ne fait pas exception. Ici aussi, le décor, le contexte, le concept même, est capital – au point de commencer d’ailleurs à faire des émules… Mais il ne fait pas tout. Du côté d’Heer, la musique retrouve le temps de respirer. Alternative au maximalisme actuel, le DITW propose d’en faire moins. Pourvu que ça dure.

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